Immortels I : Déluge [Edité][Version intégrale Wattpad]

Habemus papam

L'hiver n'est jamais une bonne saison pour les personnes à la santé fragile. Néanmoins le passage de vie à trépas du pape, en forme malgré son âge avancé, en surprit plus d'un. La Terre se détourna un instant de Greyhall pour se tourner vers le Vatican. Aussitôt le décès annoncé le collège des cardinaux fut réuni et le conclave réuni. Si habituellement le conclave débutait au moins 15 jours après le décès du pape, au vu du contexte maléfique actuel, l'Eglise souhaita retrouver rapidement un chef. Aussi en quatre jours arrivèrent les cardinaux du monde. Ils étaient cent-vingt au total et parmi eux se trouvait le futur maître de l'église catholique. En ce six décembre 2016 débuta le conclave. Les cardinaux furent emmurés et le Saint-esprit allait les guider dans leur réflexion.

Ce fut également la date à laquelle arrivèrent Izanagi et son épouse officielle Izanami tous deux si étroitement serrés dans leurs somptueux kimonos de cérémonie que l'on pouvait se demander s'ils respiraient. Austère et solennel au possible, le couple était venu accompagné de douze vampires, six hommes et six femmes, chargés de les épauler durant leur séjour. La vie de la cité sanctuaire située en haut du mont Fuji était si contrainte par des règles que cette escorte ne serait pas de trop pour gérer tous les détails. Même Fitz le parfait n'avait pas assez de courage pour s'en occuper. Zelyan accueilli son fils avec une joie non dissimulée, Izanagi avait dans ses bagages de bonnes nouvelles et une petite garnison de viande et de sang que l'immortel avait hâte de goûter.

— Ce soir c'est chasse ! annonça t-il en voyant les trois longs caissons contenant les humains sédatés être transportés vers le garde-manger. John sera fou en apprenant qu'il a manqué cela.

— Il est encore vivant ? demanda son fils qui n'éprouvait que peu de bons sentiments envers son frère.

— Il faut plus que quelques humains pour en venir à bout. Il sera rétabli pour la Noël, enfin je pense.

Izanami s'inclina profondément devant son maître et le fixa de ses yeux noirs. La vampire était une splendeur de l'extrême-orient, certains pouvaient se perdre des heures dans sa contemplation. Chaque touche de maquillage traditionnel avait été soigneusement dosé pour la sublimer, si besoin était, et lui permettre de n'exprimer que les émotions qu'elle voulait bien laisser paraître. Car Izanami était angoissée depuis qu'elle avait appris la nouvelle de son voyage à Woodcastle. Elle, toujours si sûre de tout et surtout d'elle venait à douter de son comportement. La raison à ce trouble était en train de geler au-dessus de la herse du château. Elle avait souhaité ne pas faire ce trajet mais Izanagi et plus encore les règles qu'ils avaient ensemble conçues l'y obligeaient. Elle dissimulait donc sa peur sous une couche de poudre de riz et priait pour que Zelyan ne la vit pas.

— Ma chère Izanami, toujours aussi ravissante.

— Merci maître, c'est un honneur de revenir au château, répondit-elle avec un ton parfaitement maîtrisé.

— Je n'en doute pas, comment trouves-tu la nouvelle déco ? Ereyne dit que cela gâche le paysage et elle n'a pas tort, mais la leçon est si explicite...

Zelyan n'avait vu aucune marque de trouble mais il n'en avait pas besoin pour savoir qu'à présent toutes les femelles, vampires comme louves, avaient peur pour leurs vies. La rumeur comme quoi il n'aimait pas les femelles, bien que fausse, avait toujours perduré parmi ses descendants. Le sort de Natalya avait renforcé cette conviction, il le savait et en jouait. D'une part car sentir la peur était toujours drôle. D'autre part, il devait bien l'admettre, si cela pouvait permettre de leur enfoncer dans le crâne une fois pour toute qu'il n'avait qu'une seule femelle dans sa vie cela l'arrangeait. Plus jamais de banquet comme celui de 1750, le siècle des Lumières avait provoqué un tel chaos dans les esprits que Zelyan avait failli ordonner un retour à l'âge de pierre. "Libres penseurs", et libres d'essayer d'empoisonner Ereyne en plein milieu de la réception principale alors que lui-même était diverti par trois ou quatre jolies femelles. Le libertinage s'était éteint pour de bon à Woodcastle ce soir-là.