Trois petits chats, trois petits chats...

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Le ciel était si noir que l'on pouvait croire qu'il faisait nuit, mais nulle trace du calme qui allait habituellement de pair avec la mort du jour. Une tempête plus violente que celles qui sévissaient régulièrement au-dessus des océans ravageait la plaine de Greyhall. Et cela n'avait rien de naturel. Zelyan crachait toute sa fureur, tel un immense dragon, sur une archange qui évitait tant qu'elle pouvait ses attaques. L'immortel lançait flammes et éclairs, il puisait dans toute la force primale de la Terre et la faisait jaillir à sa guise. Le ciel se paraît tantôt de couleurs chaudes, écarlates, tantôt de nuances bien plus froides, sinistres. Pour les spectateurs à l'abri comme John ou Caius qui n'en perdaient pas une miette c'était majestueux, impérial, pour d'autres ce n'était que terreur. Les habitants de Greyhall ne savaient plus quoi penser, ni vers quelle divinité se tourner. Zelyan leur faisait la pire démonstration de force de toute l'histoire de la cité et Raphaël, qui les avait si bien convaincus précédemment, ressemblait à une bête traquée qui n'avait plus rien de beau. Elle ne répliquait pas, elle se contentait de survivre, de passer entre les éclairs et de survivre. Pour autant elle ne fuyait pas comme elle aurait dû. Elle restait face au Diable qui déployait toute sa malfaisance contre elle. Il la provoquait sans cesse, jouait avec elle, mais elle ne répondait pas à ses attaques. Elle ne faisait que les esquiver, ne les déviait même pas. Sa passivité était méprisable aux yeux de Zelyan, cette attitude si peu combative le dégoûtait. De tous les soldats de Dieu qu'il avait combattus elle était la pire. Certains prêtres grabataires du fin fond de l'Irlande catholique étaient plus courageux qu'elle. Cela eut le don de l'énerver fortement.

— Tu es encore pire qu'Eve ne le disait ! aboya-t-il après qu'elle eut encore évité un jet de flammes.

Ses ailes avaient tout de même roussi, elle faiblissait petit à petit, jamais entraînée au combat.

— De tous ses archanges Dieu m'envoie le moins doué ! Qu'as-tu fait à ton maître pour qu'il veuille ta mort dans d'atroces souffrances ?

— Mon Dieu m'aime, il m'a élue parmi tous les Hommes, il m'a confié la plus digne des missions : répandre sa parole à travers le monde.

— Et de tous les endroits du monde il t'a envoyée chez le Diable ?

— La difficulté n'en est qu'accrue, de même que ma gloire lorsque j'aurais réussi, répondit Raphaël avec bienveillance. Et si je meurs ici j'en serai récompensée là-haut.

— Oh, dit Zelyan en jouant avec une boule de feu qu'il modelait entre ses mains, alors il ne te l'a pas dit...

Raphaël voulut une réponse mais il ne lui en laissa pas l'occasion, il lança la boule en l'air. La sphère rouge monta haut dans le ciel puis explosa avec violence avant de retomber sous la forme d'une pluie de cendres ardentes. L'archange ferma les ailes pour protéger son corps des poussières brûlantes et ne vit pas Zelyan bondir et lui saisir la cheville. Il lui clama avec un large sourire qu'il était temps de descendre, il avait assez joué avec « la sotte ». Il tira fortement et propulsa Raphaël vers le sol. Elle s'y éclata avec violence et s'y brisa les ailes ainsi que quelques os que Zelyan entendit craquer non sans une certaine satisfaction malfaisante.

— Assez jouer la sotte, tu vas me dire ce que tu fais là, tout de suite, ou je t'arrache les plumes une par une.

Zelyan se sentait mal à l'aise avec cet archange. Elle ne représentait pas une réelle menace pour lui. Oh bien sûr elle avait de belles paroles et avait réussi à convertir un grand nombre d'âmes en peu de temps. Cela avait fait souffrir Ereyne au plus haut point, elle qui n'avait jamais connu la douleur de perdre un croyant. Ce cap faisait partie des grands moments de la divinité tout comme les premiers âmes gagnées, la première bénédiction –ou malédiction-, la première guerre sainte, les premières prières... Chaque nouvelle étape se traduisait par un ressenti profond pour le dieu, un grand bien-être ou à l'inverse une profonde douleur. Zelyan, comme Dieu, avait eu son lot, naguère. Les deux divinités étaient passées au travers de toutes ces étapes des millénaires plus tôt, le fardeau de la popularité. Ces événements avaient un impact non négligeable sur les divinités qui pouvaient, à défaut de mourir, être renvoyées dans leurs royaumes respectifs pour une durée indéterminée. Nul ne pouvait tuer un dieu mais le rabaisser jusqu'au néant était de l'ordre du possible.

Immortels I : Déluge [Edité][Version intégrale Wattpad]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant