Trop de verrouillage

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La fin de l'année, telle que calculée par les humains, arriva immanquablement avec le trente-et-un décembre. Seulement cette fois, l'heure n'était pas vraiment à la fête. L'armée britannique s'était certes éloignée de Greyhall et de la vallée mais ce n'était que pour mieux agir. Georges était miraculeusement encore au pouvoir. Il s'était facilement remis de l'épisode attaque vampirique et avait clamé haut et fort qu'il ne devait sa survie qu'à Ereyne qui l'avait protégée. Par contre les services de sécurité du palais royal en avaient pris pour leur grade. Des vampires renégats avaient réussi à s'infiltrer parmi le personnel, cela fut inadmissible. Malheureusement il était assez difficile d'identifier un vampire, il avait une apparence totalement humaine. A ceci près qu'ils ne vieillissaient pas, il leur fallait donc de faux-papiers pour se fondre dans la masse. Les services secrets réussirent ainsi à capturer une trentaine de vampires qui résidaient dans la banlieue de Londres. Une bande de jeunes délinquants qui avait eu la chance de croiser un jour la route d'un vampire conciliant. Il les avait mordus cinquante ans plus tôt en échange d'une bonne dose de la drogue alors à la mode. Nul ne savait ce qu'il était devenu mais les junkies avaient gagné la jeunesse éternelle. Enfin jusqu'à leur récente condamnation à mort. Cette exécution, bien que anecdotique à la vue du faible nombre de vampires identifiés par rapport aux moyens mis en œuvre, fut largement relayée dans les médias. « La revanche de l'Homme », « L'Humanité reprend ses droits » titrèrent certains grands journaux britanniques, pas un mot sur les 200 chrétiens tués dans un pays du monde, ni sur les 200 musulmans tués dans un autre pays du monde. Qu'était-ce donc que 400 hommes, femmes et enfants face à 12 vampires ?

Le roi Georges avait conservé le cœur et la confiance de ses sujets, néanmoins il dut montrer son allégeance à la « race humaine ». Ce terme était particulièrement stupide, né sur internet, car l'espèce humaine ne contenait qu'une seule race. Mais certains prétendaient que maintenant l'humanité comptait trois races : la race humaine, la race vampire et la race loup-garou. Les scientifiques et autres ethnologues à l'origine de cette nomenclature se basaient sur le mode de création des créatures. Les vampires étaient humains à la base, cela en faisaient une sous-espèce, une race. Idem pour les loups. Cela en réconfortait beaucoup dans les pays développés. Rabaisser les vampires et les loups rendait les choses plus... acceptables. S'il ne s'agissait que d'humains transformés il devait être possible de trouver un antidote, un remède. Et cette humanité dans le même temps venait à casser ce mythe d'indestructibilité des vampires et loups. Ainsi humanisés ils s'éloignaient d'une vision divine ou supérieure. Tout allait bien, les vampires étaient d'anciens êtres humains. De plus, cette exécution récente, ainsi que les autres répertoriées et présentées avec exubérance aux quatre coins du monde, prouvait que les vampires pouvaient mourir. Techniquement ils sont immortels, mais techniquement les homards et les méduses aussi. Et qui a peur d'un homard ? Oh le monde s'était lancé dans une dédiabolisation des vampires avec une multitude d'experts et de scientifiques. Un vampire n'est pas immortel, il a une espérance de vie indéfinie. Il fallait à tout prix supprimer ce terme « immortel » qui causait peur et envie dans le cœur des hommes. L'immortalité était involontairement liée à l'indestructibilité, de fait pour nombre de personnes les immortels ne pouvaient être tués. Rien n'était plus faux et le Royaume-Uni, comme de nombreux autres pays, s'évertuait à le prouver. Qui n'avait jamais rêvé d'être immortel ? De ne jamais vieillir ?

Cette fuite en avant vers la jeunesse éternelle avait donné lieu aux plus grands phantasmes. Les vampires étaient très recherchés sur le marché noir. Certains offraient leurs services, au risque d'être punis par leur propre hiérarchie, d'autres étaient capturés et utilisés comme un produit miracle. Mais il y avait encore autre chose. Greyhall était à présent vue par certains britanniques comme une oasis, un lieu béni où tout danger serait écarté et donc les habitants vouant un culte au malin se verraient attribuer l'immortalité et la protection des dieux. En plein hiver rigoureux, un mouvement migratoire de grande ampleur eut lieu en Grande-Bretagne, Greyhall se vit brusquement destination de rêve pour des dizaines de milliers de personnes qui abandonnèrent tout pour gagner la cité sanctuaire. C'est là qu'intervint Georges, il protégea son peuple de lui-même en barrant toutes les routes menant à la cité, il fit même construire un mur pour bloquer sûrement le passage. L'armée présente fut mise à contribution. Le roi n'essaya pas de faire évacuer la cité par la force, il offrit aux habitants qui le souhaitaient la possibilité de partir mais ne les obligea pas. C'eut été vain, les portes de la cité étaient closes et ni Georges, ni le Parlement n'avait envie de pilonner son propre peuple. S'ils voulaient rester cloîtrés à côté de Woodcastle c'était leur choix. Par contre, tout site internet mentionnant la nouvelle religion zelyanique fut supprimé, une équipe entière de la cyberpolice s'y consacrait jour et nuit. C'était vain car aussitôt un site était fermé aussitôt une dizaine s'ouvrait mais cela faisait de l'emploi à temps plein pour dix personnes. Et de jolies statistiques pour le département de la police.

Immortels I : Déluge [Edité][Version intégrale Wattpad]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant