Médicament puissant

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—J'en peux plus. Je veux juste en finir.

Son ton était déterminé, comme si elle ne se rendait pas compte de la gravité de la situation. Dos à moi, accoudée à la fenêtre ouverte, ses cheveux flottaient à cause du vent qui s'en échappait.

— Tu...tu peux pas faire ça!

Rapidement, la peur s'empara de moi et je fermais la fenêtre d'un coup sec. Elle ne bougeait pas, continuant sa contemplation muette.

— Je peux rien faire, c'est connu.

— Arrête, tu sais bien que c'est faux!

Elle se retourna et se retrouva face à moi. Je reculai, pris par surprise. Ses yeux brillaient d'une lueur dangereuse, et ses poings étaient serrés, comme si elle se retenait de me gifler.

— Tant qu'à être inutile, je peux aussi bien disparaître.

Je soufflais en prenant ses deux mains pas les poignets pour la rapprocher de moi. Je ne savais jamais quoi faire quand elle faisait ses crises existentielles. Le docteur qui la suivait m'avait dit de ne rien dire, de seulement écouter, mais c'était la première fois qu'elle était aussi intense. Je ne pouvais pas simplement la regarder et espérer qu'elle se rende compte qu'elle avait tort. Je devais le lui faire comprendre, et c'était exactement ce que j'allais faire.

— Pourquoi pas, dis moi hein?! Tout le monde s'en fiche. Ils le remarqueront même pas.

— Bien sûr qu'ils le remarqueraient!

Elle haussa les épaules, pas convaincue. Elle était trop plongée dans ses pensées noires pour m'écouter. Comme si elle était dans un autre monde.

— De toute façon, c'est pas comme si quelqu'un essayera de m'arrêter.

— Si, moi, répliquais-je doucement en la prenant dans mes bras.

Elle commença à pleurer. D'abord lentement, son corps fut bientôt secoué de spasmes, ses sanglots perçant le silence mortel de la salle. J'étais décontenancé. Je ne savais pas quoi faire. Elle avait l'air tellement en contrôle quelques minutes auparavant, je n'avais pas pensé qu'elle s'effondrerait aussi soudainement.

— Je suis désolé, chuchotai-je sans même m'en rendre compte.

— Désolée pour quoi?, peina-t-elle à articuler à travers ses sanglots.

— Je sais pas quoi faire pour t'aider. Tu m'aides toujours toi et là...

Elle ouvrit grands les yeux.

— Tu veux rire?! T'es la seule personne qui s'occupe vraiment de moi alors que je suis d'humeur massacrante.

— Oui mais...je voudrais en faire plus...

Elle pencha légèrement la tête, ce qu'elle faisait toujours quand elle réfléchissait. Puis tout à coup, elle me sourit et me donna un câlin.

— T'es bête, Shawn! Si t'étais pas là, je serais déjà morte.

Je frissonnais rien qu'à l'idée. La mort, elle n'avait plus que ce mot à la bouche, comme si c'était la meilleure solution. Facile, rapide, mais surtout définitive. Une solution définitive pour un problème temporaire.

— Dis pas ça.

— Mais c'est la vérité.

Je la serrais plus fort dans mes bras, comme si elle risquait de s'envoler d'un moment à un autre. Ses jambes commençaient à la lâcher, comme si pleurer la vidait de son énergie. Doucement, je reculais vers le lit, elle dans mes bras, et m'asseyais pour qu'elle le puisse à son tour. Elle me suivit comme une poupée de chiffon, sans aucune résistance, molle.

Je retenais mes larmes. Je devais être fort, pour elle, mais j'avais tellement peur de la perdre. Ça me brisait le cœur de la voir dans cet état.

— Pleure pas Shawn...

Son faible murmure me sortit de mes pensées. Je sentis ses doigts minces, trop, sécher des larmes que j'avais pourtant tenter d'arrêter.

— Ne me laisse pas seul...

Mon ton était suppliant, presque enfantin. Elle se mordit la lèvre, comme hésitant à faire une promesse qu'elle n'était pas sure de pouvoir tenir.

— Je... Je vais dire au docteur que je vais recommencer à prendre mes médicaments, me promit-elle avec un léger sourire.

Elle avait cessé de les prendre aussitôt qu'elle s'était sentie mieux, et avait fait une rechute juste après. C'était toujours la même chose qui se répétait en un cycle interminable, mais cette fois, elle semblait vraiment y tenir.

— Mais, reprit-elle souriaient avec plus d'enthousiasme dans la voix, le médicament le plus puissant, c'est...

Elle laissa sa phrase en suspense, un sourire aguicheur sur le visage, avant de déposer un baiser sur mes lèvres.

— ...ça, compléta-t-il avec un glissement.

Puis, elle prit une position plus confortable et déposa sa tête contre mon torse. En me concentrant, je pouvais entendre son cœur batte et sentir son souffle sur mon coup. Je souris. Malgré son état, elle n'avait pas perdu sa nature moqueuse,

— Je t'aime, murmurai-je en lui caressant les cheveux.

Elle ne me répondit pas. Sa respiration était plus constante, posée. Elle s'était endormie.
Je souris en voyant son visage d'ange endormie, ses cheveux en pagaille et ses joues légèrement rosies d'être restée devant la fenêtre ouverte si longtemps, avant de me sentir moi aussi transporté dans les bras de Morphée.

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