Chapitre II

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Je suis devant mon piano, devant ces touches noires et blanches et depuis trois jours je ne joue plus ou plutôt je n'arrive plus à jouer. Il est constamment dans mes pensées. Ça fait trois jours qu'il s'assoit à ma table et à chaque fois je le surprend en train de m'observer mais nous ne parlons pas. Il m'intimide, je n'ai rien ressenti de tel et j'ai peur. J'ai peur de m'attacher à lui.
Je sursaute, quelqu'un vient de frapper à ma porte, c'est bizarre, normalement personne ne vient me déranger pendant mon temps libre, mais bon, comme je ne joue plus disons que personne ne me dérange vraiment et puis plus rien n'est normal depuis quelque temps.

- Vous pouvez entré!

La porte s'ouvre tout doucement et dans l'encadrement, je le vois, ce garçon de haute taille, avec les cheveux bruns foncé en bataille, des yeux noisettes à croquer et cet éternel petit sourire en coin, c'est lui, c'est William, mais qu'est-ce qu'il fait là bon sang?!

- Qu'est-ce qu'il y a? Tu as besoins de feuilles de partitions?

La gamine en moi éclaté encore une fois de rire et moi je me tape le front intérieurement tellement j'ai l'air idiote, il est là, devant moi, et moi je lui demande s'il a besoin de feuilles alors qu'on en a tous beaucoup plus qu'on ne le devrait!

- Tu sais comme moi que je n'en ai pas besoin.

- Oui mais il fallait que j'essaie de me donner une raison de ta présence ici. Tu as besoins de quoi?

J'ai dû mal à respirer, il est tellement beau, il s'est posté juste devant la fenêtre et les derniers rayons du soleil viennent se poser sur lui tels des pétales de roses sur un étang.

- J'ai besoin de t'entendre jouer. Tu ne joues plus.

Ah bon, tu crois? Non c'est pas vrai, je savais pas... C'est la faute de qui d'après toi? Ça, c'est ce que je n'ose pas lui dire à la place je dis:
- Parce que tu m'écoutes jouer?

- Depuis trois ans je t'écoute jouer et évoluer à une vitesse folle, ma salle est juste au-dessus de la tienne et comme le piano n'est pas l'instrument le plus discret j'entends plutôt bien oui, sauf que depuis trois jours tu ne joues plus, pourquoi ?

- Pourquoi ça t'intéresse?

Soudain je le vois réfléchir comme si ma question était la plus dure au quelle il a été confronté dans sa vie.

- Joue pour moi et je répondrai à ta question.

Je ne dis rien, j'hésite, il est malin le p'tiot mais comme la curiosité et moi ça fait un alors je me lance.

- Tu veux que je te joues quoi?

Il sourit, mais là je parle pas du petit sourire en coin de d'habitude, non, là c'est un vrai sourire tel que je n'en avais jamais vu, avec des dents impeccables. Tout d'un coup j'ai le vertige et je me dis que j'ai de la chance d'être assise sur mon tabouret.

- Joue-moi du Schubert, ce que tu veux, du moment que c'est du Schubert.

C'est à mon tour de sourire. Schubert est l'un de mes compositeurs préférés. Je prends le temps de réfléchir à une partition de mon répertoire, ça y est, j'ai trouvé.
Je prends une profonde inspiration, puise l'énergie qu'il faut pour commencer tout doucement le morceau sur des accords doux et harmonieux comme si je contemple la plus belle chose au monde, comme si je contemple William puis tout à coup, les accords deviennent plus durs, quelque chose dans l'ombre se prépare, c'était trop beau pour être vrai, un brouillard se forme : c'est le calme avant la tempête, mes doigts partent et reviennent dans tous les sens, ils s'agitent, ils sont perdus, ils n'ont plus aucuns repères jusqu'à ce qu'il découvre cet endroit, merveilleux, et toute l'aventure ne devient qu'un lointain souvenir... J'ai l'impression que ce morceau reflète la vie d'un Homme.
Je le regarde, il ne parle pas, il me regarde, je ne parle pas, puis il se lève et il s'en va. Je reste là abasourdie et je pleure, ce morceau ne reflète pas la vie d'un Homme comme un autre, il reflète la vie d'une seule personne particulièrement : moi.
Beaucoup trop chaotique pour une personne aussi sensible un secret trop lourd pour une personne qui ne vaut rien. Et je me souviens, il n'a pas répondu à ma question.
Mais sur le coup, beaucoup d'autres questions me sont venues en tête. Pourquoi est-il venu? Pourquoi est-il parti? Pourquoi s'intéresse-t-il subitement à moi? Je suis perdue, je ne comprend plus rien... Étrangement je me sens vide, comme s'il remplissait une partie vitale de mon âme. Je prends mon courage à deux mains et décide d'aller le voir dans sa salle. Je n'y suis jamais allée, d'ailleurs, je ne suis jamais entrée dans aucune salle d'instrument excepté la mienne, pour moi, c'est une grande première.
Je monte l'escalier, chaque pas est une délicieuse torture car elle m'envoie en terre inconnue, tout ça, c'est nouveau pour moi, j'ai peur, mais je veux lui parler, non, j'ai besoin de lui parler.
Je suis devant sa porte. J'entends le son mélodieux de son violon, il joue un air triste, lugubre. Est-ce à cause de moi? Je ne m'accroche pas trop à cet espoir.
Je frappe, il s'arrête de jouer et je l'entends pousser un long soupir, de tristesse? De dérangement? De soulagement? Je ne saurai le dire...

- Entrez!

J'ouvre la porte doucement, j'ai peur, je tremble, c'est pire qu'un examen de piano, une boule se forme dans ma gorge qui m'empêche de respirer à un rythme régulier.
Je lève la tête et je le vois en train de me regarder, un regard mélangé de surprise et d'inquiétude. Je me lance :

- Pourquoi es-tu parti?

Il pousse encore un long soupir, comme si la réponse était évidente et que j'étais la fille la plus idiote au monde, au fond, il a sans doute raison.

- Tu pleurais... Tu jouais en pleurant, je ne sais pas si c'était à cause de moi ou de ton morceau mais tu pleurais et je me suis dit que la meilleure chose à faire était de te laisser seule.

Je suis bouche bée, je ne m'étais même pas rendu compte que je pleurais, peut-être que ce n'était pas la première fois... Je ne sais plus quoi dire alors c'est lui qui prit la parole.

- Je ne sais pas ce qui se passe dans ta vie Éléa. Mais tu es bouleversée, cela se voit et tu nous cache quelque chose à tous dans cette école, je le sais, je t'observe depuis longtemps mais tu gardes tout ça pour toi alors que je suis sûr que c'est bien trop lourd à porter pour une seule personne. Je veux te connaître Éléa, je veux savoir qui tu es vraiment.

Il touche des cordes sensibles... Il s'approche bien trop près, il n'a pas le droit de vouloir me connaître, il n'a pas le droit de supposer des choses qui le dépasse... Le fait qu'il sache que j'ai un secret est un danger beaucoup trop immense, je ne peux pas le mettre dans cette galère, je comprends mieux ma mère maintenant : ne faire confiance en personne... Mais c'est tellement plus facile à dire qu'à faire!

- William, tu ne me connaîtras jamais, il faut arrêter ça tout de suite avant qu'il ne soit trop tard, il l'est peut-être déjà, mais je ne vais pas te le cacher maintenant que tu en fais l'hypothèse, j'ai un secret, certes, mais tu ne dois le connaître sous aucun prétexte, je ne peux te demander qu'une seule chose pour te protéger : ne me parle pas, ne me regarde pas et oublie-moi.

Je repars d'un pas que j'espère assuré, j'ouvre la porte et...

- Éléa, demande-le moi autant de fois que tu le veux, mais je ne t'oublierai jamais.

Je m'arrête net et me retourne vers lui à la vitesse d'un ninja!

- Pourquoi tu ne veux pas comprendre bon sang?! C'est TA vie que tu mets en danger!

- Tout à l'heure tu m'as demandé pourquoi ça m'intéresser de savoir la raison pour la quelle tu ne jouais plus, je vais te répondre : ça m'intéresse car tu n'as pas cessé de jouer depuis tu es arrivée dans cette école mais depuis que je m'assois en face de toi à la cantine, tu ne joues plus, alors je voulais juste t'entendre dire que c'était de ma faute si tu étais dans cet état-là, juste pour me faire comprendre que tu es bien une personne comme les autres qui ressent des sentiments et que tu n'es pas un fantôme.

- Mais c'est horrible ce que tu dis! Tu es en train d'insinuer que je n'ai pas de sentiments ! Si je n'avais pas de sentiments comme tu le dis je n'essaierai pas de te donner tout le mal que j'ai pour te sauver ! En fait tu veux me faire pleurer c'est ça, parce que c'est la deuxième fois en une journée!

- Je ne veux pas te faire pleurer et un jour tu arrêteras de pleurer car c'est moi qui te rendra heureux, j'en suis persuadé. Et s'il te plaît, ne rejette pas la faute sur moi, abandonne ton secret, c'est lui qui te fait pleurer, c'est ta responsabilité envers cette chose qui te fait souffrir, qui te bousille la vie, qui t'empêche de vivre car au dernier nouvelle, tu n'es pas en train de vivre là Éléa. Tu n'arrête pas d'essayer de me faire comprendre que je suis en danger alors qu'entre nous deux, c'est toi la plus en danger, tu es en train de mourir là, tout doucement, petit à petit, ça va t'étouffer de plus en plus jusqu'à ce que tu craques, il est temps que tu brises tes chaînes... Je te le dis, plus tu me repousseras, plus je m'accrocherai.

Sur ce je pars en pleurant car il a tellement raison, mais je ne vais pas lui avouer, même si je n'ai pas besoin de le faire car il est si persuadé de ce qu'il dit, et en effet, je vais craquer, je ne suis pas assez forte pour toute cette mascarade.
Il est temps de briser mes chaînes.
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Hello my darling !!!!!
J'espère que ce chapitre t'a plu, perso moi je l'adore !!!!! *-*
La photo du média c'est notre beau William, enfin c'est comme ça que je me l'imagine, si vous vous l'imaginez autrement, n'hésitez pas à me le dire ;)
Et surtout n'hésite pas à commenter aussi, ça ferai grave plaisir !!
Bisous bisous !!!!!

Le Requiem De L'amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant