Sedna [en pause]

Chapitre 13

« Viens t'asseoir près de moi, je sais que tu en as envie... »

Non, ce n'est pas Féliks qui veut encore me tomber sur les nerfs. Malheureusement, son voisin de lit, dont je ne connais toujours pas le nom, croit encore qu'il a une chance de m'éblouir par ses techniques de drague. Cela fait maintenant plus de trois semaines que je viens visiter Féliks dans sa nouvelle chambre et que son voisin tente désespérément d'attirer mon attention. Malgré mes nombreuses visites, je constate que mon ami devient de plus en plus morne à cause du harcèlement dont je suis victime. Ce n'est qu'aujourd'hui qu'il se fâche et décide de s'interposer:

« Tu ne crois pas que Sedna en a assez de toi? Ce n'est que parce qu'elle travaille ici qu'elle est obligée de rester muette.

- C'est plutôt parce que je l'épate qu'elle demeure bouche bée.

- Tu es vraiment un idiot, pas vrai? »

Ça suffit, je n'en peux plus! Ils argumentent sur mon sujet alors même que je suis dans la même pièce qu'eux. J'ai l'impression de ne pas exister et je décide alors de quitter immédiatement la pièce. Je sais que Féliks ne voulait que me défendre, mais il devait déjà savoir que s'obstiner avec cet homme était une cause perdue.

Il est presque l'heure du dîner et je décide que prendre l'air me ferait le plus grand bien. Tant pis pour le repas. Je n'aurai qu'à m'acheter de la nourriture au coin d'une rue. Je sais toutefois qu'il est risqué de sortir alors qu'il ne fait pas encore nuit. Cependant, il n'est pas question que je reste une minute de plus dans cet endroit.

Alors que je suis dans la cour de l'hôpital et que je me dirige vers l'une des sorties, j'aperçois le concierge qui se dirige vers moi. C'est bien ma chance. Il faut maintenant que je me débarrasse de lui:

« Bonjour, comment allez-vous?

- Que faites-vous donc ici alors que c'est l'heure du dîner?

- Madame Driut, la responsable des cuisines, avait besoin de persil et d'autres ingrédients pour notre prochain déjeuner. Étant donné que je venais de me libérer d'un patient, je me suis portée volontaire afin de lui venir en aide.

- Dans ce cas, partez tout de suite et revenez le plus tôt possible. »

Je ne pensais pas qu'il allait croire mon mensonge aussi facilement. De toute façon, cela m'importe peu. J'ai quelques heures devant moi et je compte bien en profiter. Je n'envisage pas seulement de faire une promenade; il est temps pour moi de racheter de la teinture. Après tout, il ne faudrait pas que les gens de l'hôpital s'aperçoivent que mes racines de cheveux ne sont pas de la même couleur que le reste de ma tête.

Ce n'est que maintenant que je me rends compte à quel point mes promenades dans la ville me manquaient. Observer les gens vaquer à leurs occupations habituelles est l'un de mes passe-temps préférés et je pourrais rester une journée complète au même endroit à faire cela. Toutefois, je sais que mes heures sont comptées et que je dois aller à plusieurs endroits.

La première étape de mon trajet est la pharmacie. Comme à l'habitude, je vais à une place éloignée de l'hôpital afin de ne pas être reconnue. Même si la majorité du personnel ne sort pratiquement pas de l'endroit, je préfère prendre mes précautions.

En revenant sur mes pas, j'aperçois, dans la rue, une personne vendant de la soupe. Étant donné que j'aurais déjà dû avoir dîné à l'heure qu'il est, je m'empresse de m'acheter quelque chose à manger. En m'asseyant sur un banc, je me rappelle ce que j'ai dit au concierge. Il faudrait bien que je rapporte des herbes et des épices au cas où je le croiserais sur le chemin du retour. Cela me frustre un peu, car je n'ai presque plus d'argent sur moi et je ne veux pas dépenser tout ce qui me reste.

Alors que je me promène dans une rue moins fréquentée, j'entends soudainement deux enfants qui se querellent sur un balcon se situant au troisième étage d'un édifice:

« Tu vas me rendre mon jouet!

- Non, c'est le mien! »

L'un d'entre eux s'approche dangereusement des escaliers de fer qui permettent l'accès au logement. De manière instinctive, je me déplace vers eux et attends de voir la suite des évènements. Les enfants agrippent le jouet chacun de leur côté et j'ai le sentiment qu'il va se produire quelque chose.

Mes soupçons sont confirmés lorsque l'enfant le plus éloigné des escaliers lâche l'objet et que l'autre fait plusieurs pas vers l'arrière. Au moment où il percute la structure métallique, sa vitesse est encore trop grande pour que l'impact soit évité. Il semble que les barreaux ne soient pas assez élevés pour stopper sa chute, car le haut de son corps penche vers le vide et il tombe vers le sol.

J'ai l'impression de voir la scène au ralenti. Le jeune garçon agite ses bras et doit certainement penser qu'il se dirige vers sa mort. Malgré le fait qu'un témoin se trouve au-dessus de nous, je n'hésite pas une seule seconde à me concentrer et à empêcher son écrasement. Après des semaines d'inactivité, il est étrange d'utiliser de nouveau mes pouvoirs. J'éprouve une légère douleur à la tête, mais continue à porter mon attention sur l'enfant. Mes efforts sont récompensés, car je vois son corps s'arrêter à moins d'un mètre du sol. Un air hébété apparaît sur son visage et il me fixe de ses grands yeux bruns. Je fais en sorte qu'il atterrisse ensuite doucement sur l'asphalte et recule vers la pénombre. Je ne regrette pas mon geste, mais je sais que je pourrais avoir de nombreux problèmes à cause de cela.

Le second garçon est déjà à mes côtés au moment où j'arrête mes réflexions. Il ne doit pas avoir plus de six ans, tout comme celui qui vient de chuter. Avant de m'éloigner d'eux, il est important de leur faire comprendre la gravité de la situation:

« Écoutez-moi attentivement. Vous ne devez répéter à personne ce que vous avez vu. Pas même à vos parents. Est-ce bien clair?

- Oui! »

Je ne suis pas certaine qu'ils vont obéir à mes ordres. De toute façon, étant donné leur jeune âge, je ne crois pas que des adultes puissent les prendre au sérieux. Si j'ai de la chance, ils croiront que cela est sorti tout droit de l'imagination des enfants.

Je ne peux plus m'attarder auprès d'eux parce qu'il est maintenant temps pour moi de rentrer à l'hôpital. J'ai complètement oublié d'aller acheter de la nourriture pour calmer les soupçons du concierge. On dirait bien que je vais devoir faire attention à ne pas le croiser sur le chemin du retour. Avec ce qui vient de se produire, je n'ai pas envie d'être de nouveau dans le pétrin.

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J'ai finalement décidé d'ajouter un peu d'action à ce chapitre. Merci de votre patience! J'adore converser avec les gens; n'hésitez pas à commenter ou à m'envoyer des messages via mon profil :)

~ Chanson du moment: Ophelia - The Lumineers ~