Les semaines se ressemblent et s'assemblent. J'ai l'impression de devenir tranquillement une machine, sans la moindre liberté et répétant sans cesse les mêmes mouvements. Se lever, manger, écouter les explications de Mademoiselle Cytel, manger, encore des explications, manger, dormir. L'habitude, quoi. Mon seul moment de répit est le dimanche, journée où nous sommes libérées de nos obligations. La plupart du temps, je sors de l'édifice avec Daëlle et nous allons nous promener dans les rues avoisinantes. Nous n'osons pas aller explorer davantage Vertis, car c'est une grande ville et il serait malheureux que l'on s'y perde. C'est le moment où j'en profite pour manger de la nourriture autre que celle qui se trouve toujours dans notre assiette à l'hôpital. Je n'ai rien contre cette dernière, sauf que cela peut devenir un peu trop copieux par moments.
En marchant vers une rue bondée, j'aperçois un café que je n'avais encore jamais remarqué. Sans plus tarder, je prends Daëlle par le bras et la guide vers notre nouvelle destination:
«Sedna, cela doit faire une éternité que j'ai bu quelque chose contenant de la caféine!
-Je ne comprends même pas pourquoi l'hôpital ne nous offre pas de café le matin. Ça en est presque criminel étant donné l'heure à laquelle nous devons nous lever.»
L'établissement ressemble, de l'intérieur, à celui qui borde l'artère principale de mon village. Des chaises et des tables sont parsemées un peu partout sur le plancher de bois et le décor, avec ses lumières suspendues et ses murs de pierre, crée une ambiance chaleureuse qui incite les passants à entrer.
Après avoir fait le tour de la place d'un seul regard, je me dirige vers le comptoir afin de choisir ma boisson. Cappuccino, café au lait, expresso, latte... la liste me semble interminable. Je finis toutefois, comme Daëlle, par commander un mocaccino et attendre que le tout soit prêt. Nous réussissons à trouver une table proche de la fenêtre et savourons notre boisson.
Alors que nous discutions tranquillement de nos derniers progrès à l'hôpital, nous entendons un bruit assourdissant qui provient de la rue. En tournant nos têtes en direction de la fenêtre, nous apercevons une file de chars de combat qui passent à quelques mètres du café. Les gens s'entassent sur les trottoirs afin d'observer ce curieux phénomène. En effet, c'est la première fois que des véhicules militaires circulent en si grand nombre dans Vertis. C'est lors de moments comme ceux-ci que l'on se rend compte que la guerre est maintenant omniprésente au sein de notre société.
Ce n'est qu'une fois nos mocaccinos terminés que nous sortons du café et que nous nous promenons de façon hasardeuse dans les rues de la ville. Même si je ne perçois pas de salaire à l'hôpital, j'ai amené avec moi mes maigres économies amassées en partie grâce à Ygrid et Gafael. L'achat de vêtements m'est inutile étant donné que les futures infirmières doivent revêtir en tout temps l'uniforme attribué à notre arrivée ici. Il n'y a donc qu'une seule chose qu'il m'importe d'acheter en des temps semblables: du chocolat.
Je ne veux pas n'importe quel type de chocolat. Du chocolat fourré au caramel, voilà ce que j'aime. Malheureusement, ce n'est pas à tous les coins de rue que je peux en acheter. Je ne sais même pas s'il y a une chocolaterie à Vertis et je ne vais pas tarder à le savoir.
Sans plus attendre, avec Daëlle à mes côtés, je m'approche de la première personne que je voie et tente ma chance. Réponse négative. La seconde personne, par contre, comble mes attentes:
«Savez-vous s'il y a une chocolaterie dans les environs?
-Oui, il y a bien celle du Lututh.
-Est-ce qu'elle est loin?
-C'est simple; marchez environ dix minutes vers le nord, dans cette direction, et vous allez la voir à coup sûr.
-Merci!»
Il n'en faut pas plus pour que je continue sur ma lancée. Je suis devant la chocolaterie en un rien de temps et Daëlle essaie encore tant bien que mal de me suivre. Une fois à l'intérieur, je m'empresse d'acheter tout ce dont j'ai besoin et me fais des provisions jusqu'à mon prochain voyage. Je ne sais pas combien de temps je vais rester à Vertis et je préfère ne pas prendre de risques.
Le retour à l'hôpital s'avère aussi démoralisant que prévu. C'est le retour à la routine et aux règles strictes. J'ouvre la grille et entre par la porte principale. Je suis accueillie par le chaos habituel et me dirige directement vers les dortoirs. J'espère que personne ne portera attention au sac rempli de trésors qui se trouve dans ma main gauche. Je ne suis pas d'humeur à partager. Cependant, je perds espoir à la minute où Thalia me bloque et pose l'ultime question:
«Est-ce que tu as vraiment acheté du chocolat?
-Non, je suis allée au marché acheter du thé et c'est le vendeur qui m'a donné ce vieux sac.»
Je n'attends pas sa réponse et cache mon butin en dessous de mon matelas. Tant pis si elle croit que je suis bizarre. J'espère qu'elle n'osera pas fouiller à cet endroit. Il est déjà six heures du soir et je commence à avoir faim. J'attends qu'elle soit partie manger avant d'aller rejoindre les autres.
Après avoir dégusté un énième plat de spaghetti, je vais vérifier ma réserve de teinture et vois qu'elle est presque vide. Je ne peux pas aller en plein jour en chercher et me faire prendre sur le coup en revenant à l'hôpital. Je préfère ne pas tenter ma chance et attendre la tombée de la nuit avant d'aller à une pharmacie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Il ne me reste plus qu'à patienter et m'assurer que toutes les filles dans cette pièce soient endormies. Pour une fois, dans ma vie, je vais briser les règles et risquer de me faire découvrir.
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Ce chapitre ne sert qu'à faire un lien entre le chapitre précédent et le suivant, c'est pourquoi il y a très peu d'action qui s'y produit.
Merci beaucoup de votre attente et de vos encouragements! Pour les intéressés, j'écoutais en boucle la valse numéro 2 de Dmitri Shostakovich pendant que j'écrivais ce chapitre :)

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Sedna [en pause]
פנטזיהDepuis des générations, le don de télékinésie se transmet de parents à enfants et les individus dotés de ce pouvoir ont les cheveux naturellement blancs. Toutefois, suite à l'arrivée du nouveau gouvernement, ils devinrent persécutés et furent perçu...