Chapitre 16

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Je ne sais pas du tout ce que je dois faire. Essayer de soulever le tronc d'arbre pour déplacer Féliks semble être une tâche impossible à compléter. La jeune fille est repartie aussi vite qu'elle est apparue et je suis maintenant seule dans le parc. J'enlève tout de même de petites branches qui recouvrent le corps de mon ami. Malheureusement, malgré cet effort, je ne suis pas capable de le bouger. Je sais qu'une option se présente devant moi sauf je ne veux même pas y penser. Il y a sûrement d'autres possibilités qui existent. Je tente ma chance en visitant les rues avoisinantes. Personne en vue. Le temps défile rapidement alors que je cherche un être humain qui pourrait me venir en aide.

Plus les minutes s'écoulent, plus je mets en danger la vie de Féliks. L'inquiétude fait place à la colère: « Y a-t-il quelqu'un qui pourrait m'aider? » J'ai beau hurler, il n'y a encore que le silence. Non, Sedna, il ne faut pas perdre espoir. Féliks est encore inconscient. Je regarde autour de moi et il n'y a personne. Dois-je le faire ou non? Sa respiration est en train de ralentir. On dirait que je n'ai plus le choix. Dernière vérification dans le parc. Je me concentre et utilise mes pouvoirs afin de soulever d'au moins un mètre le tronc de l'arbre et de retourner Féliks sur son dos. Pendant qu'il flotte dans les airs, j'en profite pour attraper ses deux bras et le traîne un peu plus loin sur le gazon. Adieu, chandail blanc. Je me dis qu'il l'a cherché et que c'est de sa propre faute. Je suis heureuse qu'il ne porte plus de robe d'hôpital comme à son arrivée à Vertis.

Cette brève pensée comique ne me traverse l'esprit qu'un instant. Il est maintenant temps pour moi d'utiliser mes compétences nouvellement acquises lors de ma formation. Détection du pouls? Oui. Respiration? Un peu lente, mais ça va. Dommages physiques extérieurs? Un peu de sang. Je dois enlever son chandail afin de mieux inspecter les dégâts. C'est compliqué d'enlever des vêtements à une personne qui est inconsciente. Une fois que cela est fait, je ne peux m'empêcher de le regarder. Malgré son séjour à l'hôpital, il a tout de même conservé une certaine masse musculaire, ce qui fait en sorte que ses abdominaux sont légèrement proéminents.

Je détache mes yeux de son corps afin d'examiner s'il a d'autres blessures. Je remarque qu'il saigne au haut du bras droit, ce qui a laissé une tache rouge sur son chandail. Je déchire une partie de mes vêtements pour créer ce qui ressemble à des bandelettes. Il faudra donc que je me change lors de mon retour à l'hôpital. La blessure n'est pas assez profonde pour faire un garrot, mais je veux tout de même que son sang ne coule pas partout sur lui.

Pendant que je le soigne, je remarque la présence de deux hommes à l'autre bout du parc. Sans plus attendre, je vais les rejoindre et leur explique ma situation:

« Bonjour! J'ai un léger problème...

- Bonjour. Est-ce que ça va?

- Moi, ça va bien. C'est plutôt mon ami qui est mal en point. Vous ne pourriez pas me donner un coup de main pour l'amener à l'hôpital? Cela serait très apprécié. »

Ils acceptent de m'aider. Pour ce faire, nous fabriquons un brancard de fortune grâce à de grosses branches et à de la corde trouvée dans les décombres. Cela ne sera peut-être pas confortable pour lui, mais c'est mieux que d'essayer de le prendre dans nos bras. Je ne sais toujours pas s'il a des dommages corporels internes et il vaut mieux ne pas trop le toucher.

Sitôt dit, sitôt fait. Nous arrivons au bâtiment en question en l'espace d'une dizaine de minutes. Nous amenons immédiatement Féliks dans sa chambre. Après avoir remercié les deux samaritains, je reste à ses côtés quelques minutes puis décide d'aller aider les autres infirmières à gérer les blessés. On dirait que ma formation est en suspens pour le moment. Peut-être même qu'elle s'est terminée à la minute où les bombardements ont éclatés. Je ne suis plus en train de me pratiquer à enrouler des bandages autour des bras de mes amies. Cette époque est révolue. J'ai devant moi des gens qui risquent de mourir si je ne fais rien pour les sauver.

Madame Fersteg rassemble toutes les infirmières disponibles à la cafétéria. Je m'assieds sur une chaise et attends la suite des instructions. Sans plus attendre, la directrice nous demande de nous taire afin d'expliquer son plan d'action:

« Silence, silence! À cause des événements qui viennent de se produire, je n'ai d'autre choix que de réformer le système actuel de soins infirmiers. À partir de maintenant, et ce, jusqu'à nouvel ordre, chaque infirmière n'aura droit qu'à un après-midi de congé. Celles qui sont sur le point de terminer leur formation auront dorénavant le même statut que les autres infirmières. »

Plusieurs femmes se lèvent pour protester.

« J'ai dit silence! Avec l'arrivée massive de nouveaux blessés à l'hôpital, il faut imposer ces nouvelles mesures. On vient aussi de m'informer qu'il y a un manque de personnel médical aux premières lignes défensives. Je dois sélectionner les infirmières qui devront quitter l'hôpital une bonne fois pour toutes. La liste des noms sera affichée dès ce soir sur le tableau d'affichage de l'entrée principale. Est-ce qu'il y a des questions? »

Les femmes ont cette fois-ci décidé de garder le silence. Après tout, il n'y a rien à dire. Il est devenu évident que seules deux options s'offrent à nous; le danger au front ou des heures et des heures employées à soigner les patients de l'hôpital. Sans plus attendre, je fais comme les autres et je sors de la cafétéria. À la sortie de celle-ci, il y a déjà des femmes qui bavardent et qui essaient de prédire quelles infirmières seront envoyées au loin.

Pour ma part, je tente de retrouver mes amies dans cette cohue. Lors du rassemblement, nous n'avons pas eu la chance de nous asseoir les unes à côté des autres. Cette tentative ne sert à rien, car on dirait qu'elles sont parties immédiatement à la fin de la rencontre. Il ne reste plus qu'à aller visiter Féliks. Je connais très bien le chemin vers sa chambre. Après tout, je ne compte plus le nombre de fois où j'y suis allée.

Ce qui se passe dans la chambre n'a rien de spectaculaire; Féliks est encore inconscient et je n'ai donc pas l'occasion d'entendre sa voix. Cela ne m'empêche toutefois pas de lui parler:

« Je sais que tu ne m'entends pas et je crois que c'est ce qu'il y a de mieux pour toi. Il se pourrait que je parte loin de toi. Quand je saurai ce qu'il en adviendra, je viendrai encore te voir. »

Je ne peux plus rester davantage ici; je dois aller travailler parce que des personnes n'attendent que mon aide. Pourtant, j'ai de la difficulté à quitter Féliks des yeux. Après un dernier regard, je referme la porte de sa chambre derrière moi et je me dirige vers une autre aile.

Là-bas, je rencontre finalement Daëlle et Thalia. Nous travaillons sans se dire un seul mot, car chacune d'entre nous sait ce que les deux autres ressentent. À cause de cela, le temps s'écoule très lentement et j'ai l'impression que la journée ne finira jamais.

Malgré tout, après avoir soigné mon dernier blessé, je finis par entendre des voix qui s'élèvent dans les couloirs environnants. Ça y est. La liste des noms vient d'être dévoilée. Sans plus tarder, je me dirige vers l'entrée principale afin de connaître mon avenir. Après m'être fait un chemin parmi les autres infirmières, je parviens à me placer devant les feuilles de noms. La première est constituée des noms des infirmières demeurant à l'hôpital. A, B, C, D... Mes yeux se dirigent vers le bas de la colonne jusqu'à la lettre L dans l'espoir de voir apparaître le nom «Lestar».

Il n'y a rien du tout.



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Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit un chapitre aussi long! Je sais déjà ce qu'il va y avoir dans mon prochain chapitre. Mon ordinateur est en réparation et j'ai décidé de ne pas corriger ce chapitre pour ne pas prolonger l'attente. Je suis désolée s'il y a des fautes d'orthographe! Habituellement, j'utilise le logiciel Antidote qui est sur mon ordinateur pour m'aider dans ma correction.

Sedna [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant