Dragonne

Chapitre cinq.

Chapitre cinq
À l'aube de ton cœur.

Je me perds dans l'éther. La lune a disparu. Elle me punit pour mon crime. La forêt, un monstre aux mille bras, s'enroule autour de moi. L'obscurité plane dans mon dos, les nuages s'amassent. Mes pas trébuchent sur les racines cachées sous les feuilles mortes, les branches, tordues et noueuses élancent leurs griffes pour m'entraver. Elles veulent me retenir ici-bas. Le ciel s'assombrit, les étoiles s'éteignent une à une. Je veux m'enfuir avec elles. Me faire engloutir par les cieux et oublier. Tout oublier.
Mais je dois faire battre mon cœur. Courir, avec l'interdit de regarder en arrière.

Les fleurs pourrissent sous mes bottes, le vent chuchote à mes oreilles. La vie reprend son cours. La faucheuse est passée, ses fils noirs continuent de s'accrocher à moi. L'odeur putride du loup me suit comme mon ombre, rendant mes pas plus lourds. La douleur irradie mes jambes, le feu dans ma poitrine s'épuise. La sécheresse assaille ma bouche, mon visage s'humidifie. Mon nez renifle. À chaque pas, le rouge peint l'écorce et tâche l'herbe. La blessure provient de mon bras, pas très profond, juste assez pour me faire grincer des dents. Je m'arrête, à bout de souffle. Mes yeux cherchent la lune dans le ciel. Il n'y a que des arbres formant une voûte sombre. Je suis perdue. Perdue dans une forêt qui s'étend à l'infini. Je tombe à genoux. Mes mains s'enfoncent dans la terre humide. La boue s'infiltre sous mes ongles, se mêle au sang. Je suis sale.

Un cri déchire le silence. Je lève la tête. Un corbeau ! Il me juge de ses yeux d'ébènes et croasse. Un son rauque, presque moqueur. Il sait. Il sait que je suis seule et perdue. Il sait que j'ai tué.
Soudain, il s'élance. Ses ailes se fondent avec le crépuscule. Il disparaît !

Attends ! Attends-moi ! Je m'élève à sa poursuite et cours à travers les bois, il est là, je peux presque le... il m'a filé entre les doigts ! Je trébuche. Encore. Le sol me rattrape. Dur et froid. Une goutte tombe sur mes mains. La rosée du matin. Le soleil est descendu, les premiers chants d'oiseaux l'accompagnent. Une brise joue avec ma frange... C'est rafraîchissant. L'astre carmin traverse la canopée, mes pieds foulent le jeu de lumières et d'ombres. Les fleurs chatouillent mes chevilles, m'incitent à les suivre. Je laisse le corbeau à son destin et emprunte un chemin de pierre niché entre les arbres. Les brindilles s'entrelacent en couronne au-dessus de ma tête, les buissons s'inclinent à mon passage. J'avance, flanche, titube, mais peu importe. Je cours !

Le vert se dilue de bleu, des navires de coton voguent dans le ciel. Une magnifique clairière s'offre à moi. Elle m'embrasse de ses bras en fleurs ; les hautes herbes sont des doigts de fée sur mes cuisses nues. L'odeur nauséabonde du loup s'est volatilisée, remplacée par un parfum divin. Je m'élance, libre de mes chaînes. Je vole à travers champs, respire l'air pur !
Les papillons dansent, leurs ailes diaphanes frôlent ma peau. Mes muscles se détendent au contact chaud. Une poussière dorée se dépose dans mes cheveux. Les roses s'épanouissent à mon passage, dévoilant un cœur tendre. Leurs tiges se dressent au soleil, brillant de mille feux. Des petites taches rouges décorent les pétales : des coccinelles ! Leurs corps ronds se déploient, rejoignant le ballet des papillons. Je cours, les bras écartés, mon cœur s'envole avec eux. Le parfum de lavande est plus fort là où ils m'emmènent. Mes yeux s'ouvrent... et puis, je la vois.
Elle.

— Maman !

Elle est là, vraiment là ! Je me jette dans ses bras. Nos corps tombent dans les fleurs, elle m'entoure de sa chaleur. Maman. Elle sent si bon la lavande... Sa présence est un baume sur les plaies de mon âme, une lune dans ma nuit. Dans son étreinte, je peux m'endormir paisiblement. Son cœur bat contre mon oreille. C'est la plus belle mélodie au monde. Je niche ma tête contre ses doigts, ils glissent dans mes cheveux parsemés de pollen. Ma mère relève doucement mon menton et essuie mes larmes séchées.