Chapitre 6

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Je suis seule.

"Audrey..."

Une voix grave me fait lever la tête. Je cligne plusieurs fois les yeux pour être sûre de ne pas halluciner. La gorge serrée et totalement surprise, je parviens à articuler des bribes de mots:

"Matt, que... dis-je

-Qu'est-ce qui t'a pris de partir comme ça?

Je le regarde toujours abasourdie de sa présence, il me sourit. Un combat de titans se déroule dans ma tête, et il n'en a même pas idée. Je ne peut m'empêcher de baisser la tête, de la replacer sur mes genoux et de fermer les yeux. Je ne veux pas qu'ils soit blessés à cause de moi, juste parce que j'arrive pas à contrôler mes émotions. C'est pathétique d'ailleurs, je suis faible comparé à eux.

-Va t'en.

-Pardon? Attends Audrey, je voulais-

-J'ai dit, va t'en!

Mon cri a résonné dans toute la forêt, je pense. J'ai cette fameuse tendance à m'en prendre toujours à la mauvaise personne. Matt n'y est pour rien, je suis la seule fautive dans toute cette histoire et pourtant, je lui crie dessus. Pendant un instant, de la tristesse voile son regard mais il s'agenouille devant moi et me prends dans ses bras. Je reste paralysée par son geste. Je fixe un point en face de moi, sans pouvoir bouger. Il me chuchote des mots rassurants à l'oreille. Je suis prise d'une bouffée de chaleur sans comprendre pourquoi. Paniquée, je pousse légèrement Matt pour qu'il cesse son étreinte. Il se recule et commence une tirade.

-J'ai été dans le même état que toi quand j'ai appris la vérité. Je sais ce que ça fait de se sentir différent, et de ne pas être compris. J'ai pas envie que tu te sentes seule, comme moi je l'ai été. Je me rappelle avoir été incapable de parler pendant un quart d'heure. Théo, lui, l'a plutôt bien pris, il voulait absolument faire sa transformation le plus vite possible, c'était très comique à voir.Dit-il avec un semblant de sourire en se remémorant ce souvenir.

      Bref. Mes parents m'ont tout expliqués et j'ai pu y voir plus clair. On te dira tout ce que tu veux savoir, Audrey, et tu verras, tu te sentiras moins perdue et plus du tout seule. Je peux t'expliquer une partie. Mes parents m'ont expliqués que dans ce monde, tout n'était pas tout rose et certaines personnes cherchent à détruire ce que nous, surhumains, avons construits depuis bien des siècles. Le Conseil traque ces personnes là. Elles sont très puissantes et cherchent à tout prix le pouvoir. Toi, Audrey, tu l'as ce pouvoir. Ta mère était, on pourrait dire, la fille de Dieu et ton père, le fils de Lucifer. Alors imagine un instant ce que donnerait leur enfant. Toi. Ces mauvaises personnes ont clairement peur de toi, le pouvoir que tu possède les effrayent beaucoup trop, c'est pour ça qu'elles cherchent à te tuer ou alors elles voudront sûrement se servir de tes pouvoirs. En aucun cas, tu devras céder, d'accord? On va t'apprendre à te battre, à te défendre. Tu n'auras plus jamais peur, crois-moi. On est là pour toi.

Bloquée, j'essaye tant bien que mal de prendre en compte les informations capitales que Matt vient de me donner. Ça fait beaucoup à digérer. Je suis une genre de surhumaine encore plus puissante, une déesse? Ou demi-déesse? Je sais même pas ce que je suis. Je soupire tout en observant les feuilles des arbres qui bougent à cause d'une légère brise. Il va falloir que je me reprenne, et que je me batte. Je ne peux pas m'apitoyer pour toujours sur mon sort. Il faut que je rebondisse.

-Matt?

-Oui?

Je relève ma tête et sourit à mon gardien:

-Apprends moi à être surhumaine.

Il me sourit tout en tendant sa main pour que je me relève. Je l'attrape et il me tire vers lui. Je recule instantanément, par réflexe on peut dire. Un bruissement de feuilles m'interpellent, nous sommes pas seuls. Je tourne la tête et découvre un Théo, bien souriant. 

-Salut! Tu vas mieux apparemment. Dit-il avec un sourire en coin.

-Oui et t'insinues quoi là? Non, en fait, je veux pas savoir. 

Sans le prévenir, je monte sur son dos. Il passe juste à temps ses mains pour pas que je tombe.

-Je vous dépose où, Mademoiselle?

-Chez vous, merci.

-Et moi? Demande Matt, ahuri.

-Toi, débrouilles-toi. Tu m'as bien retrouvée, tu peux bien rentrer. Salut! Lui dis-je en le saluant.

-Attendez, quoi?

Il n'a pas le temps de répliquer quoique ce soit d'autre, que Théo court jusqu'à la maison. Je baisse la tête pour éviter de manger des insectes. Cette sensation est unique, on se sent libre. L'air fouette mes bras et mes cheveux mais la sensation que ça me procure dépasse tout les inconvénients. Arrivés à la maison, Théo me dépose dans le séjour. Mes jambes tremblent légèrement, en même temps, j'ai pas vraiment l'habitude. Je pars me coucher sans manger, beaucoup trop crevée pour faire quoique ce soit d'autre.

Le weekend est passé à une vitesse hallucinante. Grâce aux garçons, je pense à autre chose. J'ai décidée d'ailleurs de mettre de côté ma tristesse. Je l'ai enfouie dans un coin de mon cœur, et j'ai fermée la porte à clé. Je n'ai pas envie d'y penser, ça fait trop mal. Je ne veux plus pleurer, je veux être forte pour eux. Le retour au lycée se fait bruyant. Je suis clairement le centre des conversations, des chuchotements se font entendre dès que je passe. Je parviens à entendre quelques bribes de conversations par-ci, par-là. Y a des :Eh,regardez! Ouais, c'est elle! Ou alors des: La pauvre! Ouais, apparemment, ces parents sont morts. Ou encore: Leurs morts est bizarre, d'après la police. En effet, les voisins, pas les Dorsan, avaient entendus des cris. Une patrouille est passée et les a trouvés, allongés par terre, deux corps inertes. Mais quand ils ont voulus retourner dans la maison, après avoir passé un coup de fil, ils avaient disparus.

Je soupire devant l'insensibilité de mon lycée. Ils en ont rien à faire de l'orpheline, ce qui est cool, c'est que ça fait de l'action dans notre petite ville. Je suis tellement dégoûtée que je pars m'isoler dans un coin du lycée. Je n'ai pas envie d'avoir affaire avec toutes leurs questions d'hypocrites. Je m'assoies par terre, et contemple le ciel. Regarder les nuages atténue la douleur lancinante de mon cœur qui s'est rouverte. Une main passe dans mon champ de vision me faisant sursauter. Je lève la tête et le visage souriant de ma meilleure amie apparaît. Je prends sa main et me relève. Elle me prends longuement dans ses bras et je me laisse aller contre elle. Elle frotte une main dans mon dos pour me réconforter. Je m'éloigne et lui souris. J'ai tellement de la chance de l'avoir.

"Je t'ai déjà dit que je serais toujours là pour toi."

Une voix familière résonne dans ma tête. Quand Elina rigole face à ma tête, je réalise que c'était elle.

-Non, dis moi que c'est une blague. Toi aussi, Elina?

-Oui, dit-elle toujours en rigolant.

Je soupire, je me demande ce qu'elle est et quel est son pouvoir.

-Je suis un démon, et je fais de la télépathie et de la télékinésie.

-Impressionnant, par contre, va falloir arrêter d'entrer dans ma tête comme dans un moulin."

Elle éclate de nouveau de rire, je la suis et nous retournons en cours. Je ne me sens plus du tout seule. Je sais qui est à mes côtés et je leur donne une confiance aveugle. Je suis de nouveau prête à me battre. La douleur est de nouveau enfouie et la porte est refermée jusqu'à mercredi, le jour de leur enterrement.

Ange ou Démon?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant