Dimanche 20 août, 18h, la campagne était calme. Le vent faisait doucement onduler les épis de blés dorés par le soleil. Au milieu de ce paysage apaisé, dernière période de sérénité avant la reprise des activités en septembre, se dressait une vieille bâtisse de pierres recouverte par le lierre. Non loin, séparée par une allée de gravillons, se trouvait une grange ouverte, entourée de prés où broutaient tranquillement quelques chevaux. Pour compléter la scène, une carrière de sable tranchait dans cet océan de verdure.
Les pas d'un cheval troublaient le silence de cette campagne. Rythmés, s'enchaînant rapidement et faisant naître un nuage de poussière derrière eux, ils s'élevaient à intervalles régulier au-dessus de barres, restituant quelques infimes instants à la nature sa quiété originelle, jusqu'à ce que la bête baie retrouve le contact avec la terre ferme et reprenne sa course folle.
Sur son dos, sa cavalière se tenait droite, talons descendus et poignets souples, accompagnant les mouvements de sa monture. Sereine, elle embrassait de l'oeil le parcours, donnant de précises indications à son cheval par une pression de mollet ou un pivotement d'épaules. Au moment de franchir les obstacles qui se dressaient face à elle, elle se redressait, levait les fesses de sa selle, les mains suivant le mouvement du cheval. Le regard fixe, sa tresse fauve se balançant derrière elle, elle avait tout d'une cavalière hors paire, surtout vu son jeune âge; elle ne semblait pas avoir plus de seize ans.
En réalité, malgré tout ce calme qu'elle dégageait et l'apparente aisance avec laquelle elle et sa monture franchissaient les obstacles, cette entraînement cachait un enjeu important: le jeune fille comptait participer prochainement à sa première compétition avec son cheval, un très jeune hongre assez nerveux. Elle voulait être sûre que les conditions seraient optimales pour cette étape importante dans leur relation.
Concentrée jusqu'au bout, elle avait une volonté infaillible et une main de fer dans un gant de velours qui lui permettait de gérer son cheval au tempérament de feu. Une fois le dernier obstacle franchi, son expression déterminée se relâcha et ses traits se détendirent, fendus par un sourire. Elle laissa alors ses rênes coulisser entre ses doigts et caressa généreusement sa monture. Celle-ci, évacuant la pression après cet exercice, étendit l'encolure et accéléra l'allure en soufflant bruyamment.
Et alors qu'elle longeait la barrière de bois qui délimitait l'espace de travail, elle y vit un garçon accoudé. Tellement concentrée dans son parcours, elle ne l'avait jusque là pas encore remarqué. Intriguée par une présence masculine, inconnue qui plus est, dans l'écurie de sa mère, elle le dévisagea tandis que son cheval continuait sa course.
Ses boucles brunes encadrant son visage se mirent à onduler à l'instar des épis de blé quand la douce brise souffla, révélant également de petites tâches de rousseurs. Étrangement, les yeux de ce garçon semblaient fixer, comme hypnotisés, les sabots du cheval. Quand tout à coup, son regard vint se planter dans celui de la jeune fille. A cette instant, celle-ci fut captivée par ces yeux ambrés reflétant le soleil, bien qu'elle en soit assez loin. Malgré sa position, habituée à lire à travers les yeux des chevaux, elle vit tout de suite à travers ceux-ci une grande innocence et un émerveillement étonnant, surtout pour un garçon de cet âge — il semblait avoir à peu près le même qu'elle. Puis le cheval, fatigué, repassa au trot, brisant le lien.
Le temps que la cavalière calme et félicite de nouveau sa monture, le garçon avait tourné les talons. La fille haussa alors les épaules d'un air indifférent et mit pied à terre.
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Wordless Rider
Teen FictionParfois, des catastrophes arrivent, laissant des séquelles profondes qui peut-être jamais ne guériront. Adrien, trois ans après la catastrophe qui lui ôta en partie la parole, déménagea à la campagne dans l'espoir de tracer un trait sur son passé et...