Chapitre 1 ◊ Lumière

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Adrien.

Une sonnerie stridente me tira de mon sommeil profond, m'arrachant un grognement. Nous étions lundi matin, une semaine avant la reprise des cours, et il fallait que je me réhabitue progressivement à reprendre un train de vie normal: fini les réveils à midi et les veillées jusqu'à deux heure du mat'! Il était huit heures, comme venait fièrement de me l'annoncer mon réveil, et une nouvelle journée commençait. Résolu, je balançai le fin duvet qui me tenait lieu de couette en cette période très chaude de l'année et me levai, me dirigeant vers mes rideaux que j'ouvris d'un coup sec. Malgré l'heure matinale, le soleil était déjà à son zénith si bien que je dus porter une main à mes yeux pour me protéger de ce soudain éblouissement.

Encore un peu endormi, je me dirigeai vers la cuisine en étouffant un long bâillement pour me servir un paquet de gâteaux et une tasse de café que j'engloutis aussitôt sans plus de cérémonie. Posant négligemment ma tasse désormais vide sur le comptoir, je tournai les talons, repassant dans ma chambre pour accéder à ma salle d'eau personnelle. M'appuyant contre le bord du lavabo que je tenais des deux mains, je fixai le mur face à moi la mâchoire serrée. Ce mur où trônait autrefois un miroir était désormais vierge, mais une marque plus claire témoignait de l'ancienne présence de la glace.

Quand nous avions aménagé dans cette maison la semaine dernière, j'avais vite fait de réarranger mon espace personnel à ma manière: les murs fraîchement repeints de blanc portaient les marques de l'ancien papier peint arraché à la hâte, et tous les cadres, restés pourtant à leur place originelle, avait été vidé de leur contenu. Je vivais désormais dans une pièce fantôme. Une pièce intemporelle où les époques se mélangeaient, et où seul le moment présent comptait. Cette chambre vide et impersonnelle représentait ce que je traversai en ce moment, à l'image de notre déménagement: un point de rupture, où tout le passé tente d'être oublié et où l'avenir ne demande qu'à être forgé. Cette pièce était intemporelle et impersonnelle; elle attendait de se remplir de souvenirs témoins d'une nouvelle époque.

Fixant toujours le mur vierge, l'absence de miroir était la seul trace de mon passé récent qui m'avait suivi jusqu'ici: les choses devaient changer, certes, mais voir mon reflet tous les matins n'était pas encore une chose que j'étais prêt à affronter. Certaines blessures prennent du temps à guérir, peu importe le nombre de kilomètres que l'on parcourt pour tenter d'y échapper.

Je finis par ouvrir le robinet et plonger ma tête sous le petit jet glacé, laissant les gouttes d'eau se frayer un chemin entre mes boucles brunes pour atteindre mon crâne, puis glisser lentement le long de mon visage. Après quelques minutes passées ainsi, quand mes idées furent aussi claires que l'eau ruisselante, je fermai le robinet et me frictionnai énergiquement la tête, amplifiant ainsi le bazar de ma tignasse brune. Mais je m'en préoccupai peu, et préférai me brosser les dents avant de retourner dans ma chambre pour enfiler une tenue décente. Ceci fait, je me dirigeai vers ma petit commode, un des seuls meubles de la pièce, pour en extraire quelques billets et des clés que je fourrai au fond de ma poche. Puis, j'attrapai mon casque de motard et sortis de la maison en claquant la porte.

Sur le perron, la vue de ma bécane rouge rutilant au soleil m'arracha mon premier sourire de la journée, et j'enfilai prestement mon casque avant de l'enfourcher. Profitant du bonheur de sentir ce moteur puissant rugir sous moi, je finis par relâcher les freins, laissant l'engin filer à travers les rues de ma nouvelle ville. Une nouvelle journée d'exploration commençait.

Aux alentours de 17h, j'étais allongé dans les champs aux côtés de ma moto, regardant les nuages défiler paresseusement dans ce ciel d'un bleu limpide. J'avais fini par me lasser de mon exploration, et profitai désormais du calme que la campagne avait à m'apporter, contrairement à mon ancienne ville où tout n'était que chaos, bousculades et klaxons. J'étais sur le point de m'endormir quand l'image furtive d'une fille rousse juchée sur son magnifique étalon me fit rouvrir brusquement les yeux.

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