"Très loin, au plus profond du secret de notre âme, un cheval caracole... Symbole de la force déferlante, de la puissance, du mouvement, de l'action." — D.H. Lawrence
Aujourd'hui, c'était la rentrée. Je ne saurais vraiment dire ce que je ressentais à cette idée. De l'impatience? Je ne pensais pas; je n'était pas spécialement pressé d'être entouré de visages inconnus, encore plus qu'ils me dévisagent comme une bête curieuse — comme le nouveau. De l'angoisse alors peut-être? Non plus. Après tout, ça ne pouvait pas être pire que l'atmosphère qui régnait chez moi... Je pensai que actuellement, c'était simplement de la curiosité; découvrir un nouveau lieu, de nouveaux professeurs... Quant à de nouveaux camarades, c'était peut-être la perspective qui me réjouissait le moins. Non pas que je sois asocial ou agoraphobe, c'était simplement que je pouvait pas prévoir comment j'allais réagir à leur présence, et cela avait quelque chose de stressant, surtout quand je savais que je ne pourrai pas forcément me contrôler...
Raaah quand je parlai comme ça j'avais l'impression d'être un dangereux psychopathe! Enfin, j'avais toujours eu l'impression d'en être plus ou moins un quelque part; après tout je savais bien qu'il y avait un truc qui tournait pas rond chez moi, sauf que avant je m'en foutais un peu à vrai dire (pour ne pas dire totalement). Ce que les autres pensaient de moi, ce n'était plus vraiment mon problème. A une époque, il est vrai, j'avais eu des amis, je pourrai même dire que j'étais plutôt apprécié comme type. Sauf que quand tout avait dérapé — quand j'avais dérapé — je ne les voyais même plus eux, ceux qui avait été mes amis. Je sentais leur présence à mes côtés, mais c'est comme s'ils n'existaient pas vraiment, pâles fantômes de ma vie passée avec lesquels j'étais contraint de coexister.
Mais maintenant, je changeais de lycée, ça pouvait être l'occasion de tout recommencer à zéro. Ici, rien ni personne ne me rattachait à ma vie d'avant. De plus depuis que... depuis que j'avais rencontré Maud et Knight, ce changement qui s'opérait petit à petit en moi me faisait voir les choses différemment — me faisait voir les choses tout court en fait. Et quelque part, l'opinion des autres, peut-être que j'en avais plus si rien à foutre que ça en fin de compte. Alors maintenant, lève ton cul de ton lit Adrien, et prépare-toi à aller dans ce foutu bahut!
Sur cet encouragement de ma conscience, je sortis du lit. Et puis, peut-être bien que je verrai Maud aujourd'hui. Jusqu'à présent, cette idée ne m'avait jamais traversée mais il est vrai qu'il ne devait pas avoir énormément de lycées dans cette petite ville, il y avait donc de fortes chances pour que je l'aperçoive...
Ma moto pétarada tandis que j'arrivai dans la petite place devant le lycée Voltaire. Le bruit attira l'œil de bon nombre de jeunes agglutinés là, et je reconnus tout de suite les regards des connaisseurs: ce sont ceux qui jugeaient ma bécane d'un œil expert, avec un petit rictus. Oui le modèle ne correspondait pas au moteur, oui je l'avais bricolée, un problème? Apparemment non, car on me lança simplement des signes de tête — le respect mutuel chez les motards.
Après avoir garé mon engin, je redevins un type normal et si maintenant les regards s'arrêtaient sur moi, c'était simplement parce que j'étais "le Nouveau". J'avançai à travers la foule d'élèves, jouant des coudes. Toute cette agitation, ces éclats de rire sonores, ces odeurs entremêlées me mettaient mal à l'aise. Le plus rapidement possible, je repérai ma classe sur les tableaux d'affichage et m'éloignai de la cohue. Je ne savais pas vraiment où j'allais, me dirigeant vers le seul bâtiment. Ma salle était la 142, mais je n'avais aucune idée de son emplacement.
Je pénétrai dans le hall du bâtiment très lumineux, jusqu'à arriver en son centre. De là, au pied d'un escalier menant aux étages supérieurs, des portes de salle s'ouvraient tout autour, la structure semblait être circulaire. Sans bouger, je reconnus donc un réfectoire et une aile qui semblait dédiée à l'administration.
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Wordless Rider
Teen FictionParfois, des catastrophes arrivent, laissant des séquelles profondes qui peut-être jamais ne guériront. Adrien, trois ans après la catastrophe qui lui ôta en partie la parole, déménagea à la campagne dans l'espoir de tracer un trait sur son passé et...