"Est-ce que tu es... Comment te poser la question... Tu es attirée par les filles?".
Un silence s'installa entre mon père et moi lorsqu'il prononça sa phrase. Il semblait mal à l'aise, et je ne sus pourquoi je me mis à rire. Il fut surpris et se gratta la nuque en baissant la tête alors que je ne pouvais empêcher ce fou rire.
" Je suis bête, désolé, dit-il en se mettant à rire lui aussi.
- Non c'est pas pour ça hum... Pourquoi tu me dis ça? Lui demandai-je.
- Ne m'en veux pas mais, j'ai jeté un coup d'œil sur ton ordinateur, sur ton historique...
- Attends.. Tu as fais quoi ?"
Il semblait gêné en avouant ce qu'il avait fait alors que j'étais prise de colère. Je n'y croyais pas; mon père qui avait toujours été adorable avec moi, qui ne se mêlait pas de ma vie intime, comme pouvait le faire ma mère, avait fouillé dans mon historique. Je me posai alors la question, pourquoi avait-il fait ça?
"Pourquoi tu as fais ça? lui demandai-je, je veux dire, c'est quelque chose de privé.
- Je suis désolé Sacha, mais je voyais que tu n'allais pas très bien en ce moment. Je me suis inquiété, comprends moi, me répondit mon père, se sentant coupable.
- Si, si, bien sûr que je te comprends mais, qu'est-ce que tu as vu sur mon historique pour que tu penses que je sois lesbienne ?
- Hé bien,tu as fais une recherche hier, sur comment faire son coming-out à des homophobes. Donc j'ai pensé à toi, et ta mère... Tu vois où je veux en venir?"
Encore une fois, un rire s'échappa d'entre mes lèvres, nervosité j'imaginais. Il se tapota le front, il devait se sentir stupide. Je cherchais un petit mensonge pour lui faire changer d'avis, et j'y parvins.
"C'était pour une amie qui aime les filles et elle m'avait demandé conseil. Mais, n'en parle pas à maman, s'il te plait, m'exclamai-je.
- D'accord. Ne t'inquiète pas, ta mère n'en saura rien. Dis à ton amie qu'il faut qu'elle prenne confiance en elle et qu'elle essaie de mettre ses parents sur la piste mais sans qu'ils se doutent trop de quelque chose, me conseilla t-il.
- Je lui dirais, merci."
Il me prit dans ses bras et me serra aussi fort qu'il le pouvait. J'essayai de me débattre, je souris et je sentis que lui aussi était heureux. Je retrouvais cette complicité que j'avais avec lui étant plus jeune. Je fis d'ailleurs la grimace lorsque je sentis la forte odeur de son parfum et je ris à cette pensée; je haie le parfum des hommes. Il me murmura, avant de sortir de ma chambre:
"Sache que si tu m'avais répondu que tu aimais les filles, je n'aurai pas mal réagi. Quoi que tu fasses, quoi que tu sois, je t'aime et je t'aimerai. Tu seras toujours ma petite princesse."
Je souris comme pas possible lorsqu'il ferma la porte. Je ne savais pas vraiment pourquoi, tout d'un coup, j'étais si contente. Mon père n'était pas du tout comme ma mère, il s'en moquait si j'aimais les filles ou non. Je regrettais sur le coup de ne pas lui avoir avouer mon homosexualité. J'aurais aimé être comme Maxine Caulfield du jeu vidéo Life is strange et avoir le pouvoir de remonter dans le temps.
Voyant qu'il se faisait tard, je me glissai dans ma couverture et pris mon téléphone pour vérifier si j'avais des messages. J'en avais quelques uns de numéro inconnu mais je n'y fis pas attention. L'idée me vint et je décidai d'envoyer un SMS à Axelle pour lui raconter ce qu'il venait de se passer avec mon père. J'éteignis ensuite mon portable puis la lumière et m'endormis profondément.
*
Bip... Bip...
Ma main vint s'écraser comme à son habitude sur mon réveil. Je m'étirai dans mon lit et me frottai les yeux. Je jetai un coup d'œil sur mon réveil: 6h30. Je soupirai, aucune envie d'aller dans ce lycée maudit, aucune envie de me refaire frapper et insulter. Je passai mon doigt sur ma lèvre et constatai que ma blessure s'était légèrement refermée. Je tapotai ma table de chevet avec ma main à la recherche de mon téléphone, et lorsque je le trouvais enfin, je l'allumai et regardai mes nouvelles notifications: Instagram 99+ demandes de messages.
Je ne réfléchis pas et glissai mon doigt vers l'application pour me déconnecter. Je fis de même pour Snapchat, remarquant que j'avais de nombreux messages aussi. Je me levai de mon lit pour aller me préparer, et j'hésitai fortement à aller au lycée.Je sortis de la maison, en courant d'ailleurs voyant que le bus allait bientôt partir de ma rue. J'avais beaucoup hésité à m'habiller, à me maquiller, à manger, à partir, mais je me rappelai qu'on était deux à être dans la merde, Ella risquait aussi de se faire insulter et à deux nous serions plus fortes. Le car s'arrêta à quelques mètres après l'arrêt, et je montai doucement les marches, au détriment du chauffeur qui n'avait qu'une envie; finir son trajet. Je marchai dans l'allée alors que le véhicule roulait. J'avais du mal à avancer, mais je faisais de mon mieux en m'accrochant au siège. Certaines personnes me regardaient mal, mais je n'y faisais pas attention. D'autres laissaient leur pied dépasser dans l'allée, histoire de me faire tomber, mais je les esquivais. Je m'assis enfin à ma place et je mis aussitôt mes écouteurs dans mes oreilles et écoutai un remix de la chanson d'Adèle, Hello. C'est ainsi que j'évitais les insultes des garçons du fond, les regards dégoûtés des élèves modèles. Je voyais bien que mon "amie" Clarisse, qui était assise à quelques sièges de ma place, me fixait en se pinçant les lèvres. Je devais tellement la dégoûter, nous qui étions si proche, j'étais déçue de l'avoir perdue. Je recevais des livres, des boulettes de papier, et autres objets dans la figure, mais je n'y prêtai pas attention. Le bus s'arrêta devant la maison de Thibault et je souris. Je plongeai mon regard automatiquement sur l'entrée du bus, et je le vis, affolé, me chercher du regard. Il courait presque lorsqu'il me trouva enfin. Quelque chose avait changé chez lui, il s'était coupé les cheveux et les avait mis en arrière, ce qui lui changeait complètement, dans le bon sens. Je souris en le voyant, et son air inquiet disparu pour laisser place, lui aussi, à un sourire.
"Après ton coming-out, mes cheveux! Ça fait beaucoup de changement pas vrai ? me dit-il en s'asseyant à côté de moi.
- Je suis pas encore sortie du placard, mes parents ne sont pas au courant, lui répondis-je.
- Mais attends voir, il me prit le menton et tourna mon visage vers lui, tu es blessée ! Ils t'ont sacrément amochée ces petits cons!
- Amochée? Hum... Merci?"
Il rit et on finit le trajet en bus en parlant de tout et de rien. Je me sentais vraiment mieux, mais ce n'était pas pour longtemps. Thibault s'était arrêté deux arrêts avant celui du lycée car il avait un rendez-vous, et je me retrouvais alors seule, enfin... Deux garçons vinrent me rejoindre, ils m'étaient inconnus mais je réussis à reconnaître le plus grand, il était avec Dimitri lorsque je me suis fait frappée. Celui-ci mit sa main dans mes cheveux et me décoiffa tandis que j'essayai de retirer sa main.
"Laisse moi, m'écriai-je pour qu'il s'arrête, mais ça ne servit à rien.
- C'est si dommage que ton visage aille mieux, moi qui voulait que tu sois défigurée, dit le plus grand des deux.
- Je parie que tu as été te plaindre à tes parents chéris, ah! J'oubliais, tu ne peux pas, ils sont homophobes ! Oh.. Pauvre Bébé Sacha... répliqua l'autre.
- Allez vous faire foutre, répondis-je.
- Tu veux jouer à ça?"
Je n'eus même pas le temps de réagir que le plus jeune me poussa contre la vitre du bus et ma tête heurta la fenêtre. Je reçus une bonne gifle au visage. Je soupirai, je n'avais pas mal, ça allait. Tout le car rit aux éclats, immatures, et les deux lycéens repartirent rejoindre leur bande au fond.
Le bus s'arrêta devant le lycée, je jetai un coup d'œil par la fenêtre et j'aperçus Ella au portail en compagnie d'Axelle. Elle semblait toute excitée et guettait la sortie de mon car, elle devait être impatiente de me voir.
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Laissez Moi Aimer - Tome 1
Teen FictionSacha et Ella, deux adolescentes de seconde, sont ensemble depuis plusieurs mois. Par peur des conséquences et de la réaction de son entourage, notamment de ses parents, Sacha préfère se cacher et être la plus discrète possible au détriment de sa pe...