Troisième niveau partie 2

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A ce moment même, le téléphone sonna. Coup de téléphone angoissant juste au moment angoissant, comme dans les films d'horreur américains. Drôle de coïncidence, triste harmonie, sursaut d'angoisse. Au début je crus que c'était encore une de ces farces. Il jouait avec moi, alors ce ne pouvait être qu'un autre de ses coups. Je décrochai le téléphone avec peur et hésitation, comme les personnages l'avaient souvent fait sur l'écran de ma télévison. Mais d'habitude, moi je n'étais pas dans la scène. J'étais juste cachée derrière mon oreiller, bol de popcorns à la main. A l'époque, je ne le savais pas encore, mais je ne connaissais pas la vrai peur. Celle dont c'est de toi qu'il s'agit. Téléphone à l'oreille, je dis d'une voix tremblante:
" _ Allô?
_ Oui, ici Monsieur Shermann, pourrais-je parler à votre mère s'il vous plait?
Tout mon stress retomba d'un coup mais remonta aussi vite. Monsieur Shermann était le patron de ma mère. Elle travaillait dans une boîte de massage dans le centre. Qu'est ce que j'allais pouvoir lui dire? Les mots sortirent de ma bouche sans réfléchir.
_ Hum... Je... Désolé elle ne peut pas répondre pour le moment, dis-je un peu hésitante au début.
_ Cela fait trois jours qu'elle ne vient pas travailler et elle ne m'as pas prévenu ni justifier son absence continua-t-il.
_ Désolé je pensais qu'elle vous avait prévenu, elle est très malade et passe la journée au lit répondis-je.
_ Savez-vous dans combien de temps elle compte revenir? Demanda-t-il.
_ Non, désolé, je n'en ai aucune idée, rétorquais-je.
La discussion se termina par des remerciements et des souhaits de rétablissements. Malgré mon réveil tardif, toutes ses histoires me fatiguaient énormément et mes nuits étaient plutôt agitées. J'allais me coucher, les dents serrées, joues rentrées, essayant de ne pas pleurer, malgré les larmes au bord de la dégringolade.

***

J'avais passé la nuit à pleurer. Je me réveillais les yeux rougis par les larmes, mes cheveux humides et mon oreiller trempé. J'avais l'impression d'avoir pleurer toutes les larmes de mon corps. Comment pouvais-je être encore en vie, j'aurais dû mourrir desséchée par le manque d'eau dans mon corps. J'aurais peut être préféré. Je n'aurais plus à vivre tout ça, à endurer tout ça. Mais Hannah et ma mère?! Que leur arriverait-il si je n'était plus là? Non! Je chassais immédiatement cette idée de ma tête.
Je n'avais aucune envie de manger... Encore... Pas de petit déjeuner ce matin. Lorsque je me regardai dans le miroir en me préparant, je repensais aux paroles du " joueur anonyme". Qu'est ce qu'il me préparait cette fois-ci? Je sortis par le garage. Il y avait toujours la vieille voiture de mon père. Elle y était restée même après sa mort. Pas envie de la toucher, peur de la déplacer. C'était une vieille deux chevaux qui avait appartenu bien avant a mon grand-père. J'allumai la lumière pour traverser la pièce. Je commençai à avancer, mon sac sur le dos, les clefs de la porte du garage à la main. A dire vrai, si je passais par ce côté, ce n'était pas juste pour dire bonjour à la voiture de mon père et réveiller tous les vieux souvenirs. Non, plutôt pour éviter de tomber sur je ne sais quoi qui aurait décidé de venir faire un tour sur mon palier. J'en avais assez de tomber sur des corps ou des poupées de clown hurlant dans mes oreilles et hantant désormais mes nuits. Je m'avançais, contournant le véhicule. Soudain, quelque chose me stoppa. La lumière venait brusquement de s'éteindre. Je fis demi tour sur moi-même et me dirigeai vers l'interrupteur en marchant à tâtons. Quand celui-ci était éteint, il émettait une petite lumière bleu. Je n'avais pas encore posé le doigt dessus, que la lumière se ralluma. Je me retournai. Quelqu'un avait-il appuyer sur l'autre bouton? Je mis du temps à comprendre ce qu'il se passait. Je n'étais plus dans le garage. J'étais dans un endroit, vide, rempli de millier de reflets de ma silhouette. Ça y est, la troisième épreuve commençait.

Je tournais la tête dans un sens, dans l'autre sens

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Je tournais la tête dans un sens, dans l'autre sens. Tous mes reflets me reproduisaient. Des copies conformes de moi-même. Je me retrouvais, peu importe où je regardais, nez à nez avec un autre moi. Je restai pendant longtemps à contempler les centaines, les milliers de moi. Mon reflet s'étendait à des kilomètres. Je levai la main, ainsi que les mille autres moi. Je commençais à marcher. Tous mes reflets se mirent à bouger dans des directions différentes. J'en croisais qui venaient vers moi, dans la direction inverse de la mienne. Lorsque je les croisais, je tournais la tête vers eux. Ils tournaient la tête vers moi. Je les regardais dans les yeux... Je me regardais dans les yeux... " Regarde toi bien dans le miroir. " cette phrase tournait et retournait dans ma tête. Qu'étais-je censée faire au milieu de tous ces moi. J'avançais, sans savoir où j'allais. Avancer. Encore tout droit. Me croiser. Tout le temps. D'autres reflets marchaient à côté, devant, derrière moi. Dans la même direction, ou d'autres. Certains me suivaient, j'en suivait d'autres. Certains s'éloignaient, d'autres se rapprochaient. Je marchais, de plus en plus vite, plus vite, plus vite, encore et encore. Plus vite... La même phrase dans la tête, accompagnée d'une mélodie. Du piano, du violon, de la flûte, de l'accordéon, du tambour. D'abord une douce mélodie. Puis elle accéléra en même temps que mes pas. Tout s'agitait. Tout allait plus vite. Mes reflets, mes pas, la musique, musique inexistante. Juste en moi, dans ma tête. Mais il y avait tellement de moi avec cette musique dans la tête. C'était comme si les notes sortaient des oreilles de tous ces moi. Jusqu'à se faire entendre de l'extérieur. Si fort. Plus fort. Plus vite. J'accélérais. La musique s'emballait. Devenant agressive. Je courais désormais. Je courais. On courait tous. Un infini désordre de mes reflets affolés, courant dans tous les sens, sur cette musique déjantée. Folle. Étais-je folle? Stop! Je m'arrêtais. Tout s'arrêta. Même la musique. Je tournai la tête vers un reflet qui marchait, courrait à côté de moi depuis le début. Je le regardai un moment, essoufflée. Tout était calme à présent. Je m'approchai de ce reflet, plus près. De plus en plus. Je tendis ma main, il fit de même. Nos doigts se frôlèrent. Plus près. Encore, jusqu'à ce que nos mains se touchent. A l'instant même où nos paumes se touchèrent, tous les autres reflets disparurent dans un nuage de fumée. J'étais désormais seule avec un seul reflet. Plus qu'un seul autre moi. Tout était noir. Je regardais autour de moi, là où il y avait eu les autres reflets. J'avais toujours ma main sur la sienne. Enfin, la mienne. Je me regardai dans les yeux. Mon reflet fit une tête étrange. Il changeai de forme, de traits, de visage. Peu à peu, il devenait une autre personne, une personne que je connaissais... Louane! Elle me regardais toujours. Je vis se dessiner sur son visage un sourire mal sain. Elle se retourna, désignant quelque chose du doigt. J'avançai afin de voir ce qu'elle me montrait. Devant moi se dressait un immense cercueil en bois de cerisier, jonché sur une table noir recouverte d'un drap blanc. Des roses noirs étaient parsemées sur la table. Je m'approchai pour voir qui était dedans. Je commençais par voir des mains, mains d'homme, blanches, comme de la neige. Plus j'avançais, plus je voyais le cadavre qui y reposait. Des mains, des bras, des épaules... Jusqu'à découvrir qui était la. Je m'en doutais d'ailleurs. Mon père... Les souvenirs de son enterrement ressurgir tellement nettes. Les personnes qui étaient  présentes apparurent autour de moi alors que louane avait disparue. Je vis ma mère, effondrée, ma sœur, ne comprenant pas vraiment ce qu'il se passait, jusqu'à se qu'elle voit le corps, pétrifiée par les pleurs, mes grand-parents, au teint aussi blafard que le cadavre, se serrant dans les bras l'un l'autre, ne pouvant regarder a l'intérieur du cercueil. Des parents ne devraient pas avoir à assister à la mort de leur enfant. Et puis je me vis moi, les joues trempées de larmes. Je revivais l'enterrement de mon père. Une vision horrible. La mort d'un proche vous touche au plus profond de vous, au point, parfois, de vous changer vous-même. La première fois, je n'avais pas vu qu'il y avait autant de monde, trop aveuglée par la tristesse. Il y avait des amis de mon père, et des gens que je ne connaissais même pas. Sûrement des collègues de travail. Un homme, habillé entièrement de noir et portant un haut de forme s'approcha du cercueil, je le vis bouger les lèvres comme pour dire quelque chose à mon père. J'étais trop loin pour comprendre ce qu'il murmurait. Une dame prit sa place, Angela, une amie d'enfance de mon cher papa. La première fois, je n'avais pas remarqué tous ces détails. Je m'approchai encore plus du cercueil. Le corps de mon père avait été habillé et maquillé. Je ressentais quelque chose de bizarre, l'ambiance était lourde, pesante. Je levais la tête. Tout le monde me regardais. L'autre moi, la vrai moi de ce jour là, avait disparu. Les gens me jetaient un regard noir, d'autres avaient l'air choqués. Qu'est ce que j'avais? Mon regard se redirigea vers le cercueil. Ce que je vis me glaça le sang. En fait... Je ne saurais pas vraiment dire ce que je ressentais. De la peur, de l'angoisse, du dégoût. Ce n'était plus le corps de mon père qui reposait là... C'était le mien! Je regardai les gens avec horreur, les yeux grands ouverts, le cœur battant. Je m'éloignais, je glissais, je ne le voulais pas mais je partais. Je quittais ce souvenir. Je voulais m'expliquer. Pour dire quoi? Je tendais la main, je voulais les rattraper, m'accrocher à eux, mais je n'y arrivais pas, ils partaient. " Attendez!" M'écriai-je. Rien a faire. Ils étaient trop loin, et très vite, tout ne fus que noir. Noir, avec une petite lumière bleu...

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⏰ Dernière mise à jour : Mar 19, 2016 ⏰

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