Chapitre 2

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~Agathe ~

Quinze jours plus tard...

Une fois les derniers cartons entassés sur la table basse du salon, je me laisse tomber sur le canapé situé derrière moi, à bout de force. Je n'ai pourtant pas apporté beaucoup d'affaires, seulement le strict nécessaire pour s'habiller, avoir une hygiène convenable et quelques bouquins. Mais, la nuit dernière a été si agitée que le trajet a achevé de m'épuiser.

— Tu es certaine de ne pas vouloir rester dîner avec moi ? proposé-je une énième fois à Manon, qui est gentiment venue me donner un coup de main pour mon emménagement dans l'appartement de Simon.

En apprenant ma venue ici, les grands-parents de ce dernier m'ont gentiment proposé de m'héberger dans le deux pièces qu'ils louent à leur petit-fils depuis qu'il a commencé ses études.

— Absolument certaine. La route est longue et demain nous avons... Enfin, j'ai cours à huit heures, se reprend-elle en esquissant un léger sourire.

Elle s'avachit à son tour sur le confortable cuir vieilli et étend ses longues et fines jambes comme elle le peut, parmi l'amas de cartons. Je l'observe attentivement, une once de frustration au fond du regard. Manon n'a jamais mis les pieds dans cet appartement, pourtant elle semble si à l'aise qu'une pointe de jalousie se manifeste dans un coin de ma tête. A l'inverse, je suis venue ici si souvent que j'en connais les moindres recoins cependant, je suis incapable de me sentir aussi bien que lorsque Simon se baladait entre ses murs.

Son absence change toute ma perception des lieux, les murs sont plus ternes, le goutte à goutte du robinet de la salle de bains plus épouvantable, et je suis même convaincue que l'air est devenu plus oppressant. Rien n'est plus pareil sans lui. Même le timbre de voix de mon amie, d’ordinaire si enjoué, me semble tout à coup plus fade.

— En revanche, je ne suis pas contre un petit café, s'anime-t-elle en se levant avec vivacité.

Je l'imite avec moins de dynamisme et me faufile jusqu'à la machine à café que j'ai appris à dompter au fil de mes visites. Manon me rejoint afin de savourer la boisson chaude et s'accoude au bar qui délimite l'espace entre la cuisine et le salon. Très vite, elle s'attarde un moment sur le cadre posé à ses côtés. Son regard croise le mien, avant de se reporter sur la photo.

— A moi aussi il me manque, murmure-t-elle en caressant le verre sous lequel se trouve l'image figée de Simon, plein de vie, et moi, lors des vacances estivales de nos dix-huit ans.

L’esprit chahuté et lointain, je me perds dans mes souvenirs jusqu'à ce que je sente les yeux de Manon posés sur moi. Elle emprisonne tendrement mon poignet de sa main réchauffée par la tasse brûlante et d'une légère pression, mon amie me transmet sa sincère compassion. A chacune des visites de Simon à mon ancien studio, elle était toujours de la partie pour s'amuser avec nous et prendre part à nos fantaisies en tout genre.Je l’observe un instant et comprends que sa voix à belle et bien changé, Simon laisse là aussi un vide pesant.

Quelques minutes plus tard, la jeune femme se dirige vers la porte d'entrée et enfile sa veste avant de s'avancer vers moi. Nous nous étreignons longuement bien que ces marques d'affection ne soient pas vraiment mon style, puis nous nous séparons à contrecœur.

Une fois Manon partie et après l'avoir remerciée une bonne centaine de fois pour sa précieuse aide, j'entame le déballage de mes cartons. J'ajoute mes robes à la penderie de Simon, sans pour autant m'imposer. J'aligne mes produits avec les siens sur le rebord du lavabo et comble les étagères encore vides de la bibliothèque de mes livres. La tâche achevée, je consulte l'horloge de la cuisine qui indique dix-sept heures. J'erre dans le salon afin de passer le temps et y découvre un sachet de bonbons à la violette que Simon a pour habitude de mastiquer depuis quelques années déjà. Le paquet à la main, je me glisse sur le canapé. Le silence pesant contraste tant avec les éclats de rire qui ont souvent raisonné dans cet appartement, que mon cœur se resserre. Un rapide coup d’œil autour de moi et les souvenirs qui s'en suivent parviennent aisément à me convaincre qu'une balade dans le quartier me ferait le plus grand bien.

La Violette (Fr.) - Sous contrat d'édition.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant