Chapitre 3 Partie 2

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Bouche bée, je m'avance lentement : la pièce est remplie d'objets étranges... Les murs sont gris foncé, un tapis rouge sang s'étale sur le sol, où sont dessinés des symboles incompréhensibles. Sur le mur du fond, une sorte de bouc étrange dans une étoile est peint. Une commode s'aligne le long d'un mur, jonchée de bougies de toutes sortes, ainsi que des pierres. Une longue robe noire est accrochée dans un coin, une cloche se tient sur une table, et d'épais rideaux noirs empêchent la quasi totalité de la lumière de passer. Un lit est posé sommairement dans un coin de la pièce immense. L'air est lourd, je me sens très vite oppressée. J'ai la désagréable impression d'être observée, suivie, par quelque chose d'invisible. Un poids écrase ma poitrine, comme si quelqu'un s'était assis dessus. Mon cœur s'accélère, tandis que je commence déjà à reculer. Terrorisée, je sors précipitamment et ferme la porte, le cœur battant à toute allure et tremblante.

- Louise !

La voix de Gabriel retentit, et je m'écarte rapidement de la chambre, en état de choc. Il vient dans le couloir, visiblement agacé. Instinctivement je me précipite dans le salon, rassurée par la lumière. Je suis certaine que je viens de découvrir quelque chose de terrible...

- Je t'avais dit un quart d'heure ! On est en retard, maintenant !

Il s'active à faire je ne sais quoi quand il pile tout-à-coup en m'inspectant de la tête aux pieds. Son regard sur moi est assez insistant.

- Ça te va très bien, me dit-il doucement avant de fermer la porte à clefs.

- Merci... Tu es... très classe.

Il me sourit deux secondes, verrouille la porte d'entrée puis démarre la voiture. Il est vêtu d'un costard noir basique, mais à la coupe parfaite qui lui colle au corps. On ne remarque presque que sa carrure et ses yeux. Il n'a toujours pas réussi à dompter ses cheveux.

Peu à peu mes tremblements s'apaisent, mon souffle se calme et je me détends légèrement. Ma terreur ne tarde pas à s'estomper.

Soudain une sonnerie de téléphone m'arrache de mes rêveries. C'est le mien.

- Louise ? Tout va bien ?

- Salut chéri.

Un sourire naît sur mon visage. Toute mon angoisse à disparue. Luka...

- Tout va bien, ne t'inquiète pas pour moi.

- Tu as loupé ton métro ? Je peux venir te chercher si tu veux je viens de débaucher.

- Oh...

Je suis gênée. Je n'avais pas vraiment prévu qu'il m'appelle, et j'ai totalement oublié de le prévenir... Je me sens encore obligée de lui mentir. Quelle idiote...

- En fait je ne sais pas si je vais rentrer ce soir...

- Quoi ?

- Je... je suis avec des collègues qui me font une surprise et... je ne sais pas où elles m'emmènent.

Un silence pesant me répond.

- Et tu avais l'intention de me prévenir un jour ? me dit-il finalement d'un ton de reproche.

- Bien sûr Luka ! Je suis désolée, elles ne m'ont pas laissé trop le temps jusque là.

Je sens sa tristesse malgré son silence. Je m'en veux ... mon cœur se serre.

- Bon, eh bien dans ce cas amuse-toi bien.

Et il raccroche avant que je n'ai le temps de répliquer. Je ne peux m'empêcher de me mordre violemment la lèvre. A côté de moi, Gabriel ne pipe pas un mot. Il ne me regarde même pas, concentré sur la route, et je suis certaine qu'il fait comme s'il n'avait rien entendu. Je détourne la tête, tentant de me focaliser sur le paysage.

Au bout d'un moment le silence finit pas devenir trop lourd :

- Et au fait avec ton patron tu n'as pas eu de problème la dernière fois ?

- A ton avis, je réplique amèrement.

- Merde...

- Oui, merde, comme tu dis !

La colère remplace ma culpabilité : tout est de sa faute. Si je ne l'avais pas rencontré, je n'aurais eu aucun problème. Mais il a fallut qu'il débarque dans ma vie et me voilà en train de déraper totalement.

- Tu fais chier Gabriel !!

C'est sorti tout seul. Je n'ai pas pu m'en empêcher. Je perds le contrôle de moi-même. Quand il est là, je suis tellement différente ! Pourtant je sais qu'il n'y est pour rien, je sais que je suis profondément injuste. Mais je me sens tellement mal...

- Quand est-ce que tu te décides à me dire où on va ? je coupe pour changer de sujet.

- Je t'emmène à une petite soirée.

L'image de sa chambre me revient soudain en mémoire, me frappant de plein fouet.

Je suis à deux doigts d'aborder le sujet de la chambre, mais je n'ose pas. Je n'aurais pas du voir ça. Mais qu'est-ce que ça signifit ? Pourquoi ces objets se retrouvent chez lui ? Je ne veux pas croire qu'il soit impliqué dans des histoires semblables. Je ne veux pas imaginer...

- On est arrivé.

La voiture entre dans la grande cour d'un manoir superbement entretenu. La nuit est déjà tombée, et des lanternes éclairent le jardin et l'entrée. Des dizaines de voitures sont alignées au fond de l'allée, et il faut avouer que ce sont en général de très beaux modèles. Je suis éberluée par cette bâtisse somptueuse digne d'un film. Quelques groupes de personnes se sont formés devant certaines voitures, et la porte d'entrée est grande ouverte.

- Qui sont tous ces gens ? je demande.

- Pour la plupart des amis.

- Tu les connais tous ?

- Presque.

Il part se garer mais au moment de sortir il me stoppe et me tends un objet.

- Mets ce masque.

- Pourquoi ? C'est une sorte de bal ?

- Ah ah, un peu oui !

Il rit et met le sien, composé d'une moitié blanche et d'une moitié noire. Ses yeux ressortent de façon spectaculaire.

Dès que nous descendons de voiture, quelques paires d'eux se tournent immédiatement vers nous.

Gabriel me tends un bras que je prends sans hésiter, et nous nous dirigeons vers le manoir.

- Hey, Gabriel !

Un homme accompagné d'une jeune femme viennent aussitôt vers nous, un sourire hypocrite aux lèvres. Je sais tout de suite les reconnaître, ces sourires-là... Ils portent eux aussi des masques. Je tente de les imaginer sans, mais c'est tout bonnement impossible.

- Salut, Edgar. Tu passes une bonne soirée ?

- Très bonne, Gabriel, très bonne.

Comment Gabriel a-t-il pu le reconnaître ? Le regard d'Edgar s'attarde sur moi, et je commence à être mal-à-l'aise sous son insistance.

- Une nouvelle ?

- Non, c'est juste une amie.

Il hoche la tête d'un air peu convaincu puis ils prirent congés de nous. Souriant, Gabriel a l'air à l'aise dans cette ambiance. A l'intérieur, c'est encore plus majestueux. Un grand hall accueille plus d'une centaine de personnes je pense. Que des couples habillés de façon très chic, en noir pour la plupart. Tout le monde est masqué. D'immenses lustres éclairent la salle, plutôt calme vu le nombre de personnes présentes. Par réflexe, je serre le bras de Gabriel qui me regarde, surpris.

- Tu es intimidée ? me dis Gabriel.

- Un peu...

- Ça ira mieux tout à l'heure, tu verras.

Il m'adresse un grand sourire qui me serre tout à coup le cœur. Louise, qu'est-ce que tu fais ?!

- Je vais te présenter notre hôte, m'annonce Gabriel.

Pour lui ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant