Pour lui ...

Chapitre 3 Partie 3

Et il m'entraîne parmi la foule, se frayant un chemin entre les femmes en robe et les hommes en costard. Tout au fond du hall se trouve un très grand escalier qui mène aux étages supérieurs. Nous croisons des dizaines de personnes, mais nous finissons par atteindre le premier étage. Il y a déjà beaucoup moins de monde... Des éclats de voix proviennent d'une pièce au fond du couloir. Gabriel s'y dirige d'un pas sûr de lui. Il a l'habitude de venir ici, c'est certain.

Une dizaine d'hommes et quelques rares femmes sont réunis dans la pièce. Un homme est élégamment assis dans un vieux fauteuils près d'une cheminée imposante. Autour de lui, assis ou non, les hommes discutent, tandis qu'une ou deux femmes sont posées sur leurs genoux. Dès que nous rentrons, tous les regards se tournent vers nous et les discussions s'éteignent brusquement.

- Gabriel !

L'homme se lève de son fauteuil, nous dominant de toute sa hauteur, et vient serrer la main de Gabriel.

- Bonsoir, Shetter.

- Bonsoir, bonsoir, mademoiselle ... ?

- Korjakova. Louise Korjakova.

- Bienvenu ! Vous êtes une nouvelle ?

Ses petits yeux menaçants plongent dans les miens : pourquoi me posent-ils tous la même question ? Et surtout : nouvelle de quoi ?

- En fait je l'ai juste invitée comme ça, répond Gabriel.

- Hum, hum... Ça fait longtemps que vous vous connaissez ?

- Non.

Je fus étonnée par la réponse très brève et sans appel de Gabriel. L'homme en face de nous me jaugea avant de retourner avec ses camarades.

- Donc on disait, Ian...

Les hommes reprirent leur conversation comme si je n'étais pas là. Gabriel était plutôt actif dans la discussion et semble écouté par les hommes qui hochent la tête à chacune de ses paroles.

- Les effets secondaires ne se sont pas encore dissipés, c'est normal, il fallait s'y attendre. Il a été trop loin.

- Pourtant vous avez fait la même chose que d'habitude, non ?

- Non, on a été un peu plus loin. Je crois qu'il n'a pas l'habitude.

- Ian est encore trop jeune, tout simplement...

Je me sens drôlement mal-à-l'aise. Ils semblent dans leur monde, ou plutôt je ne suis pas dans le mien. Quels effets secondaires ? De la drogue ? Trop jeune pour quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Il ira mieux dans combien de temps ? demande l'un des amis de Shetter.

- D'ici un mois ou deux je pense.

- Tout ce passera bien ?

- Aucune idée. Je ne sais pas à qui il a eu affaire.

Je ne pipe pas mot. Leurs regards sous leur masque me tiennent en respect. En réalité, je suis très intimidée par tout ce luxe et ce prestige qui m'était jusqu'alors inconnu. Je sens les muscles tendus de Gabriel contre mon bras.

- On verra avec le temps.

Shetter hoche la tête d'un air entendu. Puis soudainement, Gabriel décide de partir.

- On se reverra plus tard, annonce-t-il brièvement avant de tourner les talons et de m'emporter avec lui.

Je le suis dans discuter, mal à l'aise. Nous redescendons dans le grand hall, plus bondée encore. Quelques couples nous dévisagent, n'arrangeant en rien mon sentiment de ne pas être à ma place.