Le quartier rouge

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Je courais dans les rues sombres et humides. Mes nouveaux cheveux blancs se collaient sur mon visage, m'empêchant de visualiser ma route. Une flaque d'eau éclaboussa, le froid commençait à se ressentir, mes membres mouillés étaient gelés.

Mais il ne fallait pas que je m'arrête, la porte de sortie n'était plus qu'à quelques kilomètres. Jamais ils ne viendront me chercher là-bas.

Les passants habillés avec la tenue normalisée me regardaient curieusement. Il était rare de voir une jeune femme affolée, sprinter et peu vêtue de surcroîts. C'était même tabou.

Dans un dernier élan de courage, je grimpais à une clôture, les ferrailles métalliques m'égratignaient les jambes. Sans moindre mal, je sautais. Mon corps avait retrouvé toute sa vitalité. L'image de mon ancien corps raide mort resurgissait dans ma mémoire. Je me frappais le visage.

Ce n'est pas le moment de faiblir Amélia ! Me résonnai-je.

De l'autre côté, je me savais en sécurité. Je m'enfonçais dans un décor totalement différent d'il y à peine quelques minutes. Les bâtiments colorés avaient donné son nom au quartier rouge, mais pas que, c'était aussi l'endroit où l'autorité du régime n'osait s'introduire.

Tous les marginaux et les personnes rejetés de la société siègent ici. La particularité du système c'est qu'il épure dès la naissance les enfants qui ne s'inscrivent pas dans le moule. Mais il ne peut pas contrôler à vie la dérive de certains individus. Les personnes se cachent donc ici, entre les murs rouges et sales du quartier, pour ne pas finir martyre de cette société trop conformiste.

J'étais enfin arrivée à destination. Devant moi, le NUCLEA'BB, un bar miteux que j'avais l'habitude de fréquenter. A l'intérieur des murs transparents avec un liquide rouge qui coulait en discontinue, des tables noires. Les clients complètements raides gisaient ou planaient à leur place. Certain même appelait une fille ou deux pour aller passer un moment de détente dans une pièce du fond.

Je m'approchais du bar sombre qui ressemblait à une coque de bateau. Je regardais la carte. Aucun cocktail au menu, comme tous les soirs. Ce bar ne vend pas des prestations ordinaires. Ici on ne consomme que les substances les plus jouissives du moment.

« Oko ! » L'appelai-je.

La jeune barmaid à la peau sombre arriva, des dreadlocks fluo pendaient le long de son tee-shirt violet affichant le logo du bar. Malgré mon identité changée, elle hésita un moment, puis en apercevant la cicatrice sur mon poignet, elle s'exclama :

« Hey ! Amélia !

- Cela fait un moment que tu ne m'as pas donné de nouvelles ? Dit-elle en arborant une mine contrariée. J'étais super inquiète ! »

Quand je voyais ses yeux parcourir mon nouveau visage, je savais qu'elle comprenait ce que je venais d'endurer. Elle était une des seules qui connaissaient mon secret et qui m'aidaient à le cacher.

- Ils m'ont encore retrouvée....murmurai-je.

- Ces fils de chien ! Ils n'arrêteront jamais ! Comment ont-ils fait pour te localiser ?

- Je n'en ai aucune idée, moi qui pensais que sans la capsule...dis-je en touchant ma cicatrise affreuse sur mon poignet.

- C'est vraiment étrange ... Mais aussi pourquoi es-tu sortie du quartier ?

- J'ai mes raisons. Lui répondis-je.

- Soit, ne me dit rien, dit-elle vexée.

- Tu sais très bien pourquoi je suis sortie !

- Tes parents ? Mais la dernière fois les informations obtenues ne t'ont mené à rien. »

Je réfléchissais à ses propos, il était vrai que cela faisait un moment que je collectais des renseignements pour retrouver la trace de mes parents biologiques. Mais pour l'instant, les trois quarts étaient complètement erronés ou insuffisants. Je savais que les rencontrer était la clé pour découvrir qui j'étais vraiment.

« Ne t'inquiète donc pas ! Tu vas les voir un jour, j'en suis sûr !

- Ce qui m'inquiète, c'est comment ont-ils pu me repérer ? Si à chaque fois, je me fais attaquer, je ne pourrai bientôt plus sortir.

- Tu n'as pas d'autre capsule ? me demanda-t-elle.

- Que veux-tu dire ?

- Il est probable que celle que tu avais dans ton bras n'est pas la seule, si ça se trouve tu en as une autre dans ton corps. Ça ne m'étonnerait pas qu'ADNER puce plusieurs fois ses jouets pour s'assurer de ne pas les perdre.

- Ne me dit pas cela !

- Amélia, il faut que tu te fasses une raison !

- Merde, il va falloir que je retourne chez ce vieux rat. Dis-je dégoutée.

- Malheureusement, il n'y a que lui qui peut aider.

- Et si elle se trouvait dans un endroit vital et que se fou doive m'opérer ?

- A toi de voir si tu es prête à prendre le risque ?

- Je serai prête à mourir s'il le faut ! » M'exclamai-je déterminée.

Sans visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant