I- Comment Onisim Wolkov rencontra Alejandro Reyes à son anniversaire, et pourquoi il aurait préféré l'oublier
Tout commença le soir du 2 mai, qui marquait pour Onisim Rodionovitch Wolkov, dit Nym, son passage dans ce qu'on peut appeler la "majorité civile".
Ce jour-là, il se trouvait en France.
Depuis septembre, le jeune homme avait quitté le froid glacial de Tomsk, sa ville natale, perdue au fin fond de la Sibérie russe, pour les vignobles de Bourgogne (1). Nym avait effectivement décidé de passer son année de terminale en France, afin de s'imprégner de la culture qui avait été celle de son père, pendant les 26 premières années de sa vie (2). Il avait donc atterri chez Aaron, un garçon de 3 mois et demi son aîné qui avait du mal à masquer ses origines arabes, vouait un culte quasi divin à Ed Sheeran et Demi Lovato, et aimait regarder les jolis garçons qui passaient devant la terrasse des cafés, auxquelles il s'asseyait pour étancher à la fois sa soif et son besoin de poser les yeux sur des gens attirants.
L'arrivée du russe remontait alors à 9 mois. En voyant pour la première fois le petit blond à l'air sombre descendre du train, Aaron avait tout de suite saisi que Onisim était du genre asocial. Mais peu importait, il en avait dompté d'autres.
Après avoir laissé le russe s'installer, il avait lancé la phase deux, à base de petites blagues et de taquineries, histoire de mettre le russe à l'aise. Au fur et à mesure, il avait réussi à l'intégrer dans sa bande, et même, Ô miracle, à ce qu'il se fasse des amis. Pas beaucoup, mais quand même. A vrai dire, Aaron avait vu en Nym la possibilité d'une relation un peu plus poussée que celle purement amicale qu'il avait déjà mis du temps à bâtir.
On ne pouvait pas dire que le russe était repoussant. Loin de là. Grands yeux bleus noyés derrière des mèches blondes un peu trop longues, des muscles admirablement bien dessinés pour son âge (3), et un côté introverti et discret assez mystérieux pour donner envie d'aller gratter un peu le vernis. De plus, la petite taille du russe, et le fait que son visage ait l'air encore assez enfantin pour que les vielles dames du coin expriment leur contentement avec un « Merci, mon petit chéri » tendre quand il les aidait à porter leurs courses, faisait de Nym un garçon adorable.
Malheureusement, les techniques de Aaron pour tenter de se rapprocher encore un peu plus du russe furent vaines. En plus, le français avait dû détendre un peu le jeu, quand il avait compris que Onisim était asexuel(4). Encore un de perdu, avait-il pensé après cette découverte, avant de hausser les épaules, et de retourner checker sa timeline sur Pinterest.
Cependant, Aaron n'était pas dupe, il voyait bien les regards un peu trop soutenus pour être honnêtes que Nym laissait traîner sur certains garçons de leur classe. Il ne lui avait pour autant jamais fait la remarque. Si Nym avait voulu lui dire quoique ce soit là dessus, il l'aurait fait.
Bon, Aaron essayait de lui tendre des perches, parfois, mais le russe avait la sale manie de ne pas les saisir. Voire de ne même pas s'apercevoir de leur existence.
Quand Aaron et lui étaient assis à la terrasse d'un café, et qu'un représentant de la gent masculine assez agréable à regarder passait devant eux, le français avait l'habitude de lancer un sourire en coin à son ami, en lui faisant remarquer que ce garçon n'était pas trop mal, n'est-ce pas Nym ? Le russe haussait les épaules et avalait une gorgée de son Arizona thé noir à la pêche.
Alors Aaron avait laissé tomber. Du moins avait-il décidé de laisser son ami en paix pendant un moment. De son côté, Nym avait remarqué que le français ne lui demandait tout à coup plus son avis sur le physique de toutes les pauvres âmes qui passaient. Au début, il avait apprécié le geste, mais connaissant le côté très légèrement maléfique de son ami, il savait que ce genre de cessez-le-feu n'était que le signe d'un retour en grandes pompes, et au moment où il s'y attendrait le moins.
