À force de s'agiter frénétiquement, Birdie a les cheveux collés sur le front. Le mois de juillet a eu
son lot de soleil radieux et de températures estivales, mais ce n'était rien comparé à ce mois d'août.
Quatre jours qu'on frôle la canicule. Que Londres se transforme peu à peu en solarium géant, où les
corps assommés et affaiblis par la chaleur se traînent, à la recherche d'un coin d'ombre ou d'une
brise inexistante.
Par chance, la townhouse est climatisée – un supermilliardaire sait faire face à ce genre de
difficultés, même lorsqu'il s'agit de défier mère nature ! Le jardin, lui, est impraticable aux heures
ensoleillées et c'est un problème. À force d'accumuler un trop-plein d'énergie, Birdie est sur le point d'exploser.
On approche les vingt caprices quotidiens...
Mr Malik étant retenu à droite, à gauche, en haut, en bas – partout, sauf ici, avec moi – j'ai dû
prendre une décision sans le consulter, ce matin. Une décision de la plus haute importance.
Commander une Junior Pool, piscine hors-sol assez large mais très peu profonde. Zayn verra peut-être ça comme un acte d'insubordination. Je vois ça comme une nécessité absolue. Il est vital que Birdie puisse à nouveau se défouler dans le jardin. Sans ça, je ne tiendrai pas un jour de plus.
– Le « paquet » a été livré et installé ! m'annonce joyeusement Connor dans l'interphone.
– J'arrive, on est prêtes ! Enfin presque ! m'écrié-je alors que le petit monstre vient d'enlever son
maillot pour la sixième fois – en six minutes.
Elle gazouille d'impatience et se débat dans mes bras en découvrant le rectangle bleu qui trône
dans le coin reculé du jardin – tout près d'une grande haie qui offre un peu d'ombre. Il est presque
17 heures, j'ai tartiné et retartiné sa peau de crème solaire indice 50 : les dangers du soleil sont
maîtrisés. Je retire ma robe légère et réajuste mon bikini. Le mien est rouge à pois blancs. Celui de
Birdie est blanc, à petites cerises. Nous sommes – grotesquement – assorties.
C'est ensemble, mes longs pieds fins accompagnant ses petits pieds dodus, que nous entrons dans
l'eau, en poussant des soupirs de ravissement. L'eau fraîche me procure une sensation de bien-être
instantané, alors que Birdie est déjà occupée à boire le contenu de la piscine. Je la soulève dans mes
bras en riant et m'assieds dans le petit bassin en lâchant des petits cris stridents. Me voir en position
de faiblesse fait glousser la petite peste, qui est apparemment totalement insensible aux chocs de
températures. Mes hanches, elles, ne parviennent toujours pas à s'en remettre...
– Où papa ? me demande la rouquine trente minutes plus tard, après avoir réussi à vider la moitié
du bassin.
– Papa travaille, ma puce, il va rentrer tard. Il viendra t'embrasser quand tu dormiras, lui dis-je le
plus joyeusement possible.
Elle me scrute pendant quelques secondes, semblant sceptique – cette petite est bien trop mûre
pour son âge – puis lâche un cri rauque et retourne à ses occupations : noyer une par une chaque
fourmi qui a l'audace de s'approcher trop près.
Les insectes sont nos amis, Birdie...
Je l'observe, silencieuse, un peu peinée pour elle. Son père lui manque cruellement, c'est une
évidence. Mais si j'en crois les histoires farfelues qu'elle raconte à haute voix deux minutes plus tard – malgré son vocabulaire limité – elle est déjà passée à autre chose. À son tour, mon esprit s'égare et revient sur mon sujet de prédilection de ces derniers jours. Les absences répétées de Lord Malik.
Ses yeux perçants ne se sont pas posés sur moi depuis une éternité et cela s'apparente désormais à
de la torture. Si je suis revenue, c'est pour un tas de raisons, mais je refuse de me voiler la face :
c'est en majeure partie pour lui. Pour ses pupilles noires qui transpercent mon âme. Pour ce sourire
parfois fier, parfois tendre, qui barre ses lèvres. Pour ce corps d'Apollon qui se contracte ou se
détend à mon contact. Tout ça, j'en suis privée depuis des jours. Et depuis des jours, j'imagine qu'il
offre ces petits instants de lui à d'autres. Ou à une autre.
Celle-dont-je-ne-veux-pas-prononcer-le-nom.
Où dort-il quand il ne rentre pas à la townhouse ? Avec elle ? Pourquoi ces absences répétées,
prolongées, alors qu'il a toujours – à ma connaissance – été un père très dévoué et investi ? Imogen
m'avait pourtant assuré qu'Zayn mettait un point d'honneur à être un parent digne de ce nom. Qu'il pouvait se montrer très dur avec ceux qui n'assumaient pas leurs responsabilités et délaissaient leurs enfants. Ma gorge se serre lorsque je réalise que depuis mon retour – dix jours plus tôt – ce n'est pas ce rôle qu'il fuit. C'est moi.
Clairement, c'est ma présence ici qui le tient éloigné. Si ça ne tenait qu'à lui, je ne serais pas
là. C'est uniquement parce que Birdie me réclamait qu'il est venu me chercher... Et je devrais
trouver ça normal. Ça ne devrait pas faire aussi mal...
Ma dernière conversation avec Joe – qui date de quelques heures à peine – me revient à l'esprit.
Ça donnait quelque chose comme :
– Tu devrais profiter de la vie, de ton célibat, Sid ! Te taper tout ce qui bouge, juste pour le fun et
juste pour te sortir ton milliardaire de la tête. Il ne t'apportera jamais ce que tu recherches...
– Je sais que c'est une cause perdue avec lui, mais je ne vois pas l'intérêt de coucher avec
n'importe qui, m'étais-je défendue.
– Coucher, embrasser, flirter : peu importe jusqu'où tu te sentiras prête à aller ! dit-elle. Joue,
amuse-toi, prends conscience de l'effet que tu leur fais, ressens cette petite étincelle encore et
encore... C'est bon pour le moral et bon pour l'ego, sœurette.
– Peut-être, mais ça ne me ressemble pas. J'aurais l'impression d'être quelqu'un d'autre.
– Tu crois vraiment qu'il bosse jour et nuit depuis dix jours, lui ? m'avait-elle demandé, d'une
voix douce.
– Non.
– Il a toutes les femmes de la haute à ses pieds, Sid. Ouvre les yeux...
Aïe. L'argument de trop. Qui ne passe pas. Du tout.
– Je dois te laisser, Birdie vient de se réveiller, avais-je menti pour écourter cette conversation.
– Ok. Tu nous rejoins au bar demain soir ou je te retrouve plus tard à l'appart ? Je te préviens, je
risque de rentrer tard. Le vendredi, c'est toujours la folie.
– Il fait beaucoup trop chaud pour picoler et danser, je crois que je vais passer la soirée dans la
baignoire...
– Tu sais vraiment comment t'éclater, toi... s'était-elle moquée avant de raccrocher.
***
Il est presque une heure du matin quand je réalise que mon téléphone portable manque à l'appel.
J'enfile une nuisette qui traînait là pour partir à sa recherche. Je me concentre une minute, passe en
revue mes derniers déplacements et émets seulement deux possibilités : mon smartphone se trouve
soit sur la table basse du grand salon, soit sur un plan de travail de la cuisine. Je quitte mes
appartements sur la pointe des pieds – nus – et m'engouffre en territoire ennemi. La maison est
plongée dans le silence, pas une âme éveillée. J'ignore si Zayn est rentré, je n'ai rien entendu – les écouteurs qui étaient logés dans mes oreilles y sont sûrement pour quelque chose. Le parquet frais craque sous mes pas, je parviens à ne rien renverser sur mon passage, malgré l'obscurité. J'arrive enfin dans le salon : rien. Aucune trace de mon téléphone. Un peu agacée, je prends la direction de la cuisine en tirant rapidement sur ma nuisette.
Elle est vraiment, vraiment courte...
Je presse le pas en réalisant ce que le tissu couvre – et ne couvre pas, surtout – et pénètre dans la
grande pièce aux placards chromés. Un instant plus tard, mon cœur manque un battement et je lâche
un cri bestial. Le frigo américain est ouvert, une lumière bleutée s'en échappe. Derrière la grande
porte, le profil d'Zayn apparaît. Sa mâchoire est crispée, je le vois d'ici. Je tire sur la dentelle
comme une gourde alors que ses yeux vifs se tournent vers moi. Un verre de lait à la main, il m'observe me liquéfier sur place. Ses pupilles me passent aux rayons X, de haut en bas, puis de bas
en haut.
Je crois d'abord percevoir l'esquisse d'un sourire – gourmand, joueur – sur son visage, puis
ses yeux se font plus durs, plus froids à nouveau et c'est un soupir mécontent qui s'échappe de sa
bouche. Cet homme est déstabilisant au possible. C'est du feu et de la glace qui courent dans ses
veines. Une minute il me déshabille du regard et semble prêt à me faire les choses les plus
inavouables, la minute d'après je l'exaspère et ne lui inspire que du mépris.
Un traducteur, s'il vous plaît !
– Tu as soif ? finit-il par me demander en me montrant la brique de lait.
– Non, merci, je cherche juste mon...
– Il est là, me coupe-t-il en faisant glisser le téléphone vers moi, sur le plan de travail.
Sa barbe a disparu, mais ses cheveux foncés ont poussé depuis notre première rencontre et ce côté
coiffé-décoiffé le rend encore plus irrésistible. Plus viril, plus animal. À en juger par sa tenue, il
vient de rentrer. Son pantalon de costard n'a pas bougé, mais sa cravate est dénouée et sa chemise
blanche déboutonnée au niveau du cou. Un fantasme en chair et en os.
Il s'adosse au réfrigérateur refermé et étire son cou à droite, puis à gauche, une jambe
nonchalamment croisée devant l'autre. La pose que prendrait un top model pendant un shooting photo.
La pose que je ne peux m'empêcher de scruter, les yeux happés par tant de... perfection.
– Autre chose ? lâche-t-il soudain en fixant son verre.
– Non... Enfin si. Tu as eu mon message ?
– Pour la pataugeoire ? Oui. Tu as bien fait.
– Je ne voulais pas que tu penses que je m'autorise à prendre des décisions à ta place, ajouté-je en
faisant clairement du zèle.
– Je ne pense rien, Emilie, je n'ai pas le temps pour ce genre de futilités. Tu fais très bien ton
travail, Birdie ne jure que par toi, je n'ai rien à redire.
Pendant une seconde, son ton s'est adouci, puis ses yeux se sont posés sur le bas de ma nuisette et
son agacement est réapparu.
– Il est tard, tu devrais aller te coucher, conclut-il d'une voix autoritaire, avant de vider son verre
d'un trait.
– J'ai perdu ma mère il y a quelques mois, je n'ai jamais vraiment eu de père, mais je sais une
chose : je n'ai pas besoin de toi pour me dire quoi faire, réponds-je en serrant les dents.
– Tu es mon employée, riposte-t-il en plissant les yeux, pour mieux lire en moi.
– Oui, employée. Pas esclave. Ce que je fais la nuit me regarde. Birdie est censée être ta
responsabilité à cette heure-ci. Enfin ça, c'était lorsque tu te souvenais qu'elle existe.
Ma voix sifflante et assassine vient de le frapper en plein visage. Je le défie une dernière fois du
regard – le sien est insondable, mélange de choc, de colère et... d'une autre émotion, que je ne
saurais définir. Ni une, ni deux, je fais demi-tour et prends la sortie, les jambes flageolantes.
– Emilie, reviens ici ! entends-je derrière moi.
Pour me faire virer sur le champ... ou pire ? Non merci ! J'ai été dure, mais après tout, il ne l'a
pas volé !
– Bonne nuit, Mr Malik, lâché-je en accélérant le pas dans l'escalier.
Six heures plus tard, je me retiens de balancer mon radio-réveil par la fenêtre du 30 St George
Street. Après ma confrontation musclée avec Zayn, j'ai mis une petite éternité à m'endormir, ne
sachant plus où j'en étais. Quelques heures de sommeil plus tard, rien n'a vraiment changé. J'ignore à quelle sauce je vais être mangée lors de notre prochaine rencontre. J'ignore si je vais conserver mon job et si c'est d'ailleurs ce que je souhaite. La proposition de Joe me paraît étrangement séduisante, tout à coup : quitter la townhouse et me rallier à « sa cause ». Envisager un tout autre futur, fait de petits boulots, de flirts à la chaîne, de bières fruitées et de totale insouciance.
Insouciance ? Pour ma jumelle, peut-être... Moi, j'appelle ça de l'incertitude. Et je la vis très
mal.
Uniforme : en place. Chignon : haut perché. Maquillage : juste ce qu'il faut pour cacher ces vilains
cernes et donner un peu d'éclat à mes yeux ternis par la fatigue. Il est presque huit heures et Birdie ne s'est toujours pas manifestée. J'éteins le babyphone et l'allume à nouveau, juste au cas où.
Toujours rien. Je décide d'en profiter pour préparer mon sac en vue du week-end. Ce soir, je serai libre. Que j'opte pour la baignoire remplie d'eau glacée ou pour le Crazy Monkey rempli de mecs chauds comme la braise, j'échapperai au contrôle de Mr Malik. À ses yeux aussi fascinants
qu'indiscrets, à ses manières aussi excitantes qu'horripilantes.
Je ne suis pas folle : n'importe qui serait intimidé face à ce colosse !
Correction : n'importe qui sauf Joe.
Impression que le sol s'échappe sous mes pieds. Birdie n'est pas dans son lit. Après quelques
secondes de totale panique, mon cerveau tente de dresser une liste de possibilités – certaines plus
plausibles que d'autres. Imogen est peut-être de passage ? Connor a voulu m'offrir une heure de répit en la sortant du lit ? Doudou Lapin a décidé de se rebeller et a englouti la petite ? Zayn m'a déjà remplacée, une nouvelle nanny est en train de lui préparer son biberon ?
J'appelle à l'interphone, personne ne répond. J'arpente les deux premiers étages à une vitesse
record, en prêtant attention à chaque recoin : aucune trace de Birdie. Personne dans le jardin. Vent de panique. Il ne me reste plus qu'une chose à faire. Me rendre au troisième étage – l'étage de Lord
Malik, où je ne mets plus les pieds depuis l'incident de la serviette – et le fouiller de fond en
comble. Mon cœur bat à tout rompre, mon inquiétude grimpe un peu plus à chaque pas. Qu'est-il
arrivé à la rouquine ?
À ma rouquine...
Troisième niveau : me voilà. Personne dans le couloir. Ni dans le grand bureau, la petite
bibliothèque, la salle de télévision. J'inspire un grand coup avant d'ouvrir la prochaine porte, qui
mène à la suite parentale. Je pénètre dans l'étroit couloir, passe l'impressionnant dressing, la
clinquante salle de bains... Plus qu'une porte et je débarquerai dans la chambre d'Zayn. Je ne me
le permettrais jamais, d'ordinaire, mais là c'est différent.
Retrouver Birdie, c'est tout ce qui compte.
J'ouvre la double porte au ralenti et les découvre là, à quelques mètres de moi. Je ne suis pas
rassurée, je suis bien plus que ça. Émue, je crois que c'est le mot. Profondément endormis, le père et sa poupée occupent chacun un côté du grand lit aux draps foncés. Au centre, leurs mains se rejoignent, posées l'une sur l'autre. Les petits doigts entremêlés aux grands. J'observe ce tableau pendant de longues secondes, totalement sous le charme, lorsque les yeux sombres d'Zayn croisent les miens.
Un sourire paresseux se dessine sur ses lèvres alors qu'il articule silencieusement un « Désolé pour
cette nuit ». Je lui adresse un petit clin d'œil, puis fais lentement demi-tour pour les laisser se
réveiller doucement et profiter de ce moment – que je devine trop rare. Juste tous les deux.
Ils me rejoignent un quart d'heure plus tard, dans la grande cuisine du rez-de-chaussée. Connor
vient justement de quitter la pièce après avoir bu son Earl Grey cul sec – une panne de réveil, pour
lui aussi. Je tends son biberon à Birdie, qui me l'arrache presque des mains et se débat lorsque son
père tente de l'installer dans sa chaise haute. Sans jamais hausser le ton, il parvient finalement à se
faire obéir.
Et moi qui ai osé le traiter de mauvais père...
– Je meurs de faim ! me dit-il, tout sourire. Œufs, bacon et toasts pour deux ?
– Oui, mais sans le cholestérol qui va avec, si possible... ris-je doucement, soulagée de le voir de
si bonne humeur.
Il va vraiment cuisiner pour moi ?
– Avec ou sans tomates, les œufs ? me propose-t-il en ouvrant le frigo.
– Surprends-moi... murmuré-je avant de regretter l'ambiguïté de ma réponse.
La tension est palpable, entre nous. Ses yeux sombres m'interrogent l'espace d'une seconde, puis
ils descendent sur mes lèvres avant de se détourner. Zayn se racle la gorge, passe une main dans
ses cheveux et se lance dans sa mission. Il s'empare des différents ingrédients, met le bacon à cuire,
casse les œufs, les bat, coupe une tomate en petits dés et jette le mélange dans la poêle légèrement
huilée. Je le regarde faire, obnubilée par sa concentration et par les muscles qui roulent sous sa peau
tendue à chaque mouvement. Le géant brun prépare un demi-toast au passage et le tend à sa fille, qui s'empresse de le porter à sa bouche – en se repeignant la frimousse de beurre. Il rit en voyant le
résultat et l'embrasse sur le bout du nez. En polo noir et jean brut, il semble être un autre homme.
Toujours aussi beau, aussi magnétique, mais plus accessible, plus... humain.
N'en profite pas pour jouer avec le feu, Sid...
Osera, osera pas ?
Oh et puis mer** !
– Je sais à quoi m'attendre maintenant, commenté-je, un sourire en coin sur mes lèvres.
Malik coupe le feu, puis se tourne vers moi en s'appuyant sur le rebord de l'évier.
– Ce qui veut dire ? sourit-il en plissant les yeux, comme pour me mettre en garde.
– Que je t'ai enfin analysé. Ours mal léché la nuit et Papa Ours au petit matin.
Son regard reste plongé dans le mien, son sourire ne s'élargit pas, rien ne semble se passer. Le
silence dure de longues et pénibles secondes, puis, ne pouvant plus le retenir, mon milliardaire laisse enfin échapper un rire franc et guttural.
– Tu n'as pas toujours dit ça de moi, la nuit... souffle-t-il en remplissant mon assiette.
Il fait référence à... à... cette soirée où tout a dérapé ?
– Zayn... rougis-je en allant m'asseoir à l'autre bout de la table. Le pacte, souviens-toi...
– Justement, tu t'en souviens uniquement quand ça t'arrange, de ce pacte, plaisante-t-il en poussant
le plat vers moi. Mange, maintenant.
– Encore un ordre... soupiré-je théâtralement en prenant une première bouchée – succulente.
– Milie ! Papa ! Bisous ! lâche tout à coup Birdie en embrassant son toast mâchouillé.
Son père et moi nous regardons, interdits, avant d'éclater de rire.
– Elle est dans sa période bisous, expliqué-je. Hier, elle a demandé dix fois à Connor d'embrasser Nanny.
– Laquelle ? sourit-il étrangement en se mordant la joue.
– Nanny le hamster, soufflé-je en sentant mes joues chauffer.
– Je préfère ça. Personne n'embrasse Nanny Emilie, dans cette maison, gronde-t-il en se levant
de sa chaise.
– Beudie bisou Milie ! s'agite à nouveau la rouquine.
– Pas même toi ! grogne-t-il en attrapant sa fille pour la faire sauter en l'air – ce qui est une
excellente idée, juste après un repas.
Je pourrais les contempler pendant des heures. Voir ces deux-là si proches, si complices, si fous
l'un de l'autre, ça me met du baume au cœur. Et ça me fait un peu mal, aussi. J'aimais ma mère à la
folie et elle me manque atrocement. Ces petits instants de joie partagée et de tendresse me manquent plus que tout. La vie me les a volés.
– Il y a quelqu'un ? Allo, allo ? s'impatiente une voix insupportable et guindée, un peu plus loin.
La tête – de pimbêche – de Camilla passe la porte de la cuisine et le soufflé retombe. La magie
s'envole, je dégringole de mon petit nuage. Dans sa robe moulante de créateur, elle m'adresse à
peine un regard, fixe Birdie d'un air presque dégoûté, puis dirige ses yeux de biche vers Zayn.
– Pas de costume ? Tu crois vraiment que tu vas impressionner nos concurrents dans cette tenue ?
sourit-elle bêtement, très fière de sa remarque.
– Je passais du temps en famille, Cam'. Laisse-moi juste dix minutes pour me changer, rétorque-t-
il en posant sa fille par terre et en filant à grandes enjambées.
« En famille... » J'en fais partie ?
La snobinarde aussi a tiqué, si j'en crois son air de yorkshire constipé.
– D'ailleurs, Camilla, tu ferais bien de maîtriser ton dossier, cette fois ! crie-t-il, au loin. Tu as
failli nous coûter soixante millions, hier...
Que la repartie de cet homme est savoureuse, quand elle ne m'est pas destinée...
***
Neuf minutes plus tard, Birdie est de retour dans sa chaise haute – l'heure tant redoutée de la
compote a sonné. Zayn est dans l'entrée et ne semble pas spécialement pressé de quitter la
townhouse – malgré les remarques acides de son « associée » qui a préféré aller l'attendre dans la
berline. J'observe le colosse brun depuis le couloir. Alors qu'il passe la main dans ses cheveux,
réajuste sa montre et ferme son attaché-case, je tente le tout pour le tout. Sa cravate n'est pas
parfaitement droite et je compte utiliser ce prétexte pour l'interroger sur un sujet... sensible. Très
sensible. Ce mystère me rend folle. Je dois savoir.
– Toi et Camilla, vous êtes... ? demandé-je en attrapant sa cravate sans lui demander son avis.
Ses sourcils s'écarquillent, il me regarde resserrer le tissu gris souris en souriant légèrement. Ce
sourire de sale gosse qui me donne envie de lui arracher ses vêtements, plutôt que les ajuster.
– On est... riches, beaux et célèbres, répond-il en faisant son innocent.
– Très malin, tu sais très bien où je veux en venir, râlé-je en reculant d'un pas.
– Oui, je sais parfaitement, murmure-t-il en me ramenant soudain vers lui pour déposer un baiser
sur mes lèvres.
Mon cœur fait un bond, mon cerveau est en surchauffe, toute ma peau frémit, mais c'est déjà fini.
Quand la porte de la townhouse se referme derrière lui, je sens encore l'empreinte de ses lèvres
douces et brûlantes sur les miennes.
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VOUS LISEZ
Call me nanny or baby. {z.m}
FanfictionEn débarquant à Londres avec sa sœur jumelle, Emilie s'attendait à tout sauf à devenir la nounou de Birdie, la petite fille capricieuse du richissime Zayn Malik. La jeune Française vient de perdre sa mère, son nouveau patron pleure sa femme, disparu...