Terminus

5. Hélène

Je me suis levée très tôt. J'arrivais plus à dormir. L'alcool ça me fait ça. Je suis crevée mais je tourne et retourne dans mon lit sans parvenir à fermer l'œil. Alors je me suis étirée. Je me suis levée. Ce que j'ai regretté parce que la tête a commencé à me tourner. La veille, on était allées avec Lola et Jade se poser en ville, à la terrasse d'un café, afin de voir un peu de monde, pour changer d'air, et on avait pas mal traîné... Finalement j'étais rentrée à 3h du matin.
Je suis descendue vaille que vaille à la cuisine prendre un verre d'eau. Je regardais par la fenêtre, perdue dans mes pensées, me disant que franchement, j'avais perdu une soirée. Qu'est-ce que ça m'avait apporté sinon la gueule de bois? Je m'étais pas tant amusée que ça. Les vacances c'est le pied, glander j'adore, mais il manque vite un but à tout ça. J'adore les filles et rigole bien avec elles mais j'avais envie d'autre chose, d'autres présences. En plus je perds vraiment ma journée, quand je suis dans cet état là...
Puis j'ai entendu un bruit de téléphone. Je me suis retournée. C'était le smartphone d'Hélène qui trainait dans son sac, par terre. La veille, quand j'avais quitté la maison, elle était encore en ville avec des copines ou je ne sais pas, et Pierre n'était pas encore rentré du labo. Je me demandais avec qui elle était. Et où? Et pourquoi elle avait laissé son téléphone là. Ça ne lui ressemblait pas... Et voila, j'ai été trop curieuse. J'ai attrapé le téléphone dans le sac. J'ai déverrouillé l'écran. J'ai lu le message. Il venait d'un certain Greg. On parie que c'est l'homme à la voiture noire? Ça disait "elle n'est pas là ce soir non plus tu sais te libérer". C'est tout. Alors j'ai remonté la conversation pour voir les messages précédents. Toujours pareil, et toujours avec ce ton. "Ce soir chez moi" "maintenant chambre 134" "arrête de m'appeler" "elle rentre ce soir"... Mon sang n'a fait qu'un tour. Non pas que j'étais surprise... Mais c'était d'un froid. Ça m'a giflé en pleine figure et je me suis imaginée ma tante rabaissée à ce mec que je ne connaissais pas mais qui me donnait la nausée. Tant qu'à faire de briser son couple et sa famille, autant le faire par et avec passion, non?! J'avais l'impression qu'elle était sa soumise. A sa guise. Lui marié, juste envie ou besoin d'un petit coup comme ça, elle, cherchant sans cesse l'attention de son mari, subissant plus qu' acceptant sa vie rangée et ses rêves a présents disparus... Pourquoi avait-elle décidé de tomber si bas? Quand je l'avais vue descendre de la voiture noire, j'imaginais l'homme dont elle avait toujours rêvé au volant, beau, sans doute un peu artiste, tendre, respectueux et pour lequel elle aurait cédé en dernier recours, par passion, non sans un peu de culpabilité. Un mec avec qui elle avait des projets encore secrets, des fantasmes d'avenir...
Je n'imaginais pas ma tante briser son mariage en sachant qu'elle n'aurait rien en retour. Rien qui ne la mette en valeur, ne la ramène à sa vie d'avant ou ne lui apporte quelque chose en plus.
A moins justement que ça soit précisément la raison de son adultère : il n'y aurait rien de plus, elle le savait, et grâce à cela, elle ne serait pas tentée de tout quitter et de briser sa famille, de repartir à zéro, de se retrouver sans rien. Elle avait trop peur pour ça. Cette infidélité reflétait parfaitement son caractère : c'était une couarde, elle n'avait pas la force de prendre de décision radicale. Et c'est pour cela qu'elle était malheureuse. Le cercle vicieux...
J'ai déposé le smartphone où je l'avais trouvé. J'ai hésité à supprimer les messages. Comme si le fait de ne pas les avoir vu pouvait les empêcher d'avoir existé. Et pour épargner Chloé... J'ai eu peur qu'elle découvre les messages, tout comme je venais de le faire.

---- A suivre ----