Être honnête (se laisser aller)

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Dimanche matin

« Il ny a pas meilleur endroit pour ressentir la solitude, que dans un endroit bondé de gens »
Je me sens si étrange. Je regarde ma mère à ma droite : elle a les yeux fermés. Elle semble si heureuse. A ma gauche, mon père parait si gentil, pendant quil fredonne un cantique à l'Eternel. Cela va faire une heure depuis que je suis à l'église et j'ai comme l'impression que cela va encore durer une éternité. Toutes les semaines, mes parents me font vivre cette interminable attente. Je ne réplique jamais, du coup, ils croient que j'aime ça.
Je porte mon costume gris. Mon père me l'a amené l'an dernier à son retour de Floride. Toutes les fois que je le porte, il a toujours ce même regard de satisfaction. Le pantalon commence à devenir trop étroit à mon goût, mais je ne compte rien dire. Je ne veux surtout pas le rendre furieux. Pendant que je le regarde prier, je fais une rapide introspection de ma vie. Je me rends compte que je n'ai pas la foi, cette chose coriace qui est sensée servir de socle pour le bien-être de ma vie spirituelle. Mais, ce dont je suis certain, si je devais prier pour une quelconque chose, ce serait pour que la providence me rende moins laid...
L'homélie dure plus de trente minutes. Lorsque le pasteur formule les mots de bénédiction, je pousse un soupir de soulagement tout en émettant un léger sourire au coin de la bouche. Je n'ai qu'une chose en tête : Althéa.
Quand nous sommes rentrés de l'église, un vieil homme était en train d'égorger un cabri. Maman ma alors fait savoir qu'elle recevrait des amis en fin de journée. Jai regardé la scène avec attention et je crois que si je devais écrire un quelconque texte pour immortaliser ce spectacle auquel jai pris part, je l'intitulerais Le vieil homme, le couteau et le pauvre cabri. Tout compte fait, je ne mangerai pas de cette bête.
J'ai mis un peu d'ordre dans ma chambre. J'ai rangé mes livres. Il va falloir que je trouve un autre endroit pour les mettre que dans des cartons. Jai ensuite regardé la télé. Et cest là que je me suis rendu compte que jétais de bonne humeur.

                            ***
Dimanche, 4h05 Pm.

La mère d'Althéa vient m'ouvrir. C'est une dame bien gentille. Je la connais depuis qu'elles ont emménagé ici. Une fois, je l'ai aidé à ramasser ses provisions éparpillées en pleine rue. Depuis, elle me sourit toujours lorsqu'elle me voit.
Lorsque je lui demande si sa fille est là, la maman d'Althéa marque un temps d'arrêt, me dévisage de bas en haut puis m'invite à la suivre. J'ai vacillé l'espace d'un court instant !
Une douce musique de violon émane de leur salon. J'ai toujours aimé la musique, même si je n'ai jamais eu le courage de persévérer dans l'apprentissage d'un quelconque instrument, faute de patience. C'est Althéa qui joue. J'ignorais quelle jouait au Violon. Pire, elle en joue avec brio. Je suis ému et je reste pendant de longues secondes à l'embrasure de la porte, là où sa maman m'a gentiment laissé à écouter jouer la douce Althéa. Je profite pour la regarder : cet après-midi, elle porte une robe, lui arrivant à hauteur des genoux. Elle semble si désirable que, l'espace d'un instant, je fleuris l'idée de m'avancer par derrière et de la tenir par les hanches
Elle arrête de jouer pendant un instant pendant quelle se masse l'épaule droite. Je grignote chacun de ses gestes. Althéa est spéciale. Je pense qu'au bout d'un instant, elle a senti une présence muette dans son dos, puisqu'elle s'est vivement retournée. Lorsqu'elle m'a vu, debout tel un idiot (Je dois tout de même l'avouer !) elle m'a drôlement regardé, puis a dit :
« Ah, c'est toi ! Bonsoir. »
Je réponds maladroitement, comme j'en ai l'habitude. Elle émet un sourire puis m'invite à pénétrer dans la grande pièce. Je m'exécute timidement.
« Je suppose que c'est Christian qui t'envoie, une nouvelle fois ? »
Je secoue la tête frénétiquement et je lui réponds que ce n'est pas le cas.
« Alors, pourquoi t'es là ? »
« Je t'ai apporté un livre. »
Je m'approche plus près d'elle et je lui tends le livre que je tiens dans les mains : Les vierges du Paradis de Barbara Wood.
Elle parait étonnée, puis me dit :
« Je parie que tu ne l'as jamais ouvert ce bouquin. »
« J'en connais chaque infime partie. »
Pour la première fois depuis mon arrivée, je gagne un peu d'assurance, je remarque que mes mains ne tremblent plus. Althéa semble vouloir me tester, elle ne semble toujours pas convaincue de ma démarche. Tenant encore son violon de sa main gauche, elle me dit :
« Lis moi en un extrait alors ! »
Je souris, je n'attendais que ça ! J'ouvre le livre à la page 308, et je lis :

« Quand un homme et une femme se retrouvent seuls, Satan fait le troisième larron ! »
Elle me regarde d'un air stupéfié, puis sourit largement. Elle me prend le livre des mains et commence à lire la quatrième de couverture. Au bout d'un instant, elle me dit :
« Ça parait fort intéressant. Merci ! »
Je souris, soulagé.
« Viens, ne restons pas là, allons nous asseoir sous la galerie. »
Je la suis doucement, satisfait de moi-même.

                               ***
Dimanche, 4h30 Pm.

La mère d'Althéa ma offert de la nourriture. J'ai refusé, tout en expliquant que javais mangé plus tôt dans la journée. Elle m'a tout de même forcé à prendre du jus de cerise. Ce que je n'aurais jamais refusé d'ailleurs.
Je suis confortablement installé dans un siège près d'Althéa et je contemple discrètement ses cheveux mi-longs. Lorsqu'elle se retourne et surprend mon action, elle sourit. Je baisse la tête, confus.
Au bout dun instant passé dans un froid silence, je dis :
« Tu joues très bien au violon. »
Son regard sillumine.
« Tu trouves ? »
Je lui réponds que oui cest le cas. Elle me dit :
« Jai commencé à jouer l'an dernier. »
« Je trouve que tu es très douée pour cet instrument. »
Elle me sourit et me remercie. Je baisse à nouveau la tête. Elle s'adresse à moi :
« Je peux te poser une question ? »
« Oui, vas-y. »
« Pourquoi tu es ainsi ? »
« Comment je suis ? »
Je lui retourne la question tout en m'ajustant sur le siège. Elle me dévisage avant de me répondre.
« Je ne veux surtout pas te froisser. »
« Non, vas-y. Je veux entendre ce que tu as à dire »
Elle marque un instant darrêt, puis lâche :
« Tu sembles ne pas avoir confiance en toi-même J'ignore si j'ai tort ou pas, mais jai comme l'impression que tu ne t'affirmes nullement. »
J'ai bien envie de lui dire qu'elle a tout a fait raison. Mais je ne dis rien et je persiste dans mon silence. Elle poursuit :
« Si tu veux qu'on devienne amis, il va falloir que tu arrêtes de baisser la tête après chaque phrase que tu daignes prononcer. »
Je ne dis rien, mais je sais qu'elle comprend. Elle me touche le bras comme pour me dire qu'elle n'a pas voulu me froisser mais je ne suis nullement contrarié. Je suis plutôt heureux qu'elle ait été honnête avec moi.
Je prends congé dAlthéa trente minutes plus tard. Nous nous échangeons nos numéros, et elle promet de m'écrire plus tard dans la soirée. Je suis satisfait de ma journée.
« Merci, Althéa »

                        ***
Dimanche, 7h10 Pm.

Je suis tranquillement assis dans la noirceur de ma chambre. Père vient m'annoncer que Christian demande à me voir. Je l'avais complètement oublié celui-là ! Je me lève rapidement et je pars rapidement à sa rencontre. Je le retrouve dans la cour de notre maison, tranquillement assis sous le manguier.
« Qu'est ce qu'elle ta dit ? »
Je sursaute sans le vouloir face à son insolence démesurée. Christian fait craquer ses doigts.
« Rien du tout. »
Ma réponse est sèche. Christian en est conscient. Il dit :
« Ne serais-tu pas en train de te mesurer à moi, maigrichon ?
Je souris, ces paroles ne m'atteignent pas.
« Je crois que tout compte fait, tu devrais t'en aller dici ! »
« Tu me menaces maintenant ? »
Christian s'avance vers moi, menaçant. Je recule énergiquement mais je n'en démords pas.
« Entre toi et moi, cest fini Christian. Il n'y aura plus d'amitié entre nous deux. Va t'en dici ! »
J'ai parlé fermement. Je m'affirme.
Christian tient son visage entre les deux mains. Puis, il dit :
« Tu es derrière tout ça alors. Je comprends tout maintenant. »
« Tu nes qu'un idiot Christian. Tu dis être mon ami mais tu m'utilises, tu me manipules constamment, et ça, je ne compte plus l'endurer »
Il me regarde longuement, puis, un sourire espiègle aux lèvres, me demande :
« Tu l'aimes ? »
Je sursaute sans le vouloir, mais je ne fais rien. Il poursuit :
« Tu n'es qu'un parfait imbécile. Tu l'aimes ? Mais regarde toi ! Ne t'es tu jamais regardé dans un miroir ? Tu fais peine à voir mon vieux ! Mais ressaisis-toi à la fin, tu penses sincèrement qu'Althéa voudra d'un taré assez mal dans sa peau comme toi ? »
Christian me regarde avec un air de pitié puis se déplace rapidement. J'entends la barrière se refermer violemment, puis ma maman me héler, pour me demander ce qui avait provoqué ce bruit. Je me laisse aller contre l'arbre. Les paroles de Christian retentissent dans ma tête

Sanon!Où les histoires vivent. Découvrez maintenant