Chapitre 5 : Mensonges et cachotteries

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Ce fut Eva qui prit la parole d'un ton presque suppliant. Elle s'avança vers leur interlocuteur en levant les mains en signe d'apaisement.

- Il faut que vous nous croyez monsieur ! On ne plaisante pas, nous aussi on en a pas cru nos yeux au début mais il respire et puis son cœur bat en plus ! Je vous assure que c'est vrai ! On l'a amené chez Cléo en attendant de venir vous voir, on peut vous le ramener ici si vous ne nous croyez pas. S'il vous plait vérifiez par vous-même. Si c'est une blague on se fait virer et puis on répondra de nos actes, et sinon vous auriez alors une chance de remédier à la tempête bizarre dehors, vous n'avez rien à perdre. S'il vous plait...

Wilfrid les toisa. Les trois plaisantins méritaient un bout coup de pied aux fesses pour avoir l'audace de lui faire une telle farce pendant des heures aussi graves. Mais d'un autre côté la jeune fille aux cheveux noirs n'avait pas tort. Il ne lui en coûtait rien de vérifier leurs dires.

- Très bien. Allons tout de suite voir votre respirant. Je vous préviens que je ne crois pas à ces histoires de vivants.

- A-attendez comment ça tout de suite ? Vous voulez venir chez moi ?!

- Exactement.

Si on avait dit un jour à Cléo que le Fossoyeur en personne irait faire un tour chez elle, elle vous aurait ri au nez. D'ailleurs, l'ancien poilu détonnait franchement dans le bazar coloré et très années 80 qui constituait l'intérieur de l'endroit. Il regarda autour de lui et renifla d'un air désapprobateur. Elle se retint de justesse de lui faire une remarque cinglante dans laquelle les mots "si vous êtes pas content" et "pouvez aller vous faire foutre" n'auraient pas eu le meilleur des effets.

Erwan était avachi sur un canapé prune, ronflant comme une locomotive, un filet de bave au coin de la bouche. Quelle grâce, il était complètement et totalement vivant à n'en point douter. Le Fossoyeur l'observa attentivement. Il finit par se retourner pour s'adresser au quatuor fantomatique.

- Bien. Il est capital que cette information reste secrète. Il serai inutile et dangereux de déclencher plus encore la panique en ville. Je vous confie une mission d'une importance vitale si je puis dire, vous êtes en charge du respirant. Veillez à ce qu'il soit pris pour un tout nouvel arrivant, personne ne doit se douter de sa vraie nature. C'est entendu ?

- Euh oui monsieur. Mais vous allez quand même faire quelque chose pour lui n'est ce pas ...?

- Bien sûr ...?

- Peter monsieur.

- Oui Peter, il ne peut pas rester ici c'est certain. Je vais me renseigner sur des cas éventuels de vivants à Ghost Town, et chercher comment lui faire quitter la ville au plus vite.

Pendant ce temps, bien loin de se douter de ce qui se jouait dans le petit salon, Erwan était plongé dans un rêve étrange. Il se trouvait dans un endroit si sombre qu'il ne pouvait absolument rien distinguer. Complètement perdu il tournait frénétiquement sur lui-même pour tenter de s'accrocher à quelque chose, n'importe quoi, qui lui servirait de repère. Peine perdue.

Bientôt, les échos d'une voix familière lui parvinrent, indistincts et faibles, comme de très loin. Il semblait s'agir d'une voix féminine aux intonations douces et tristes. Il parvint à reconnaître son prénom. Il comprit alors qu'il lui fallait s'éveiller. Il ordonna de toutes ses forces à son corps de bouger, rien qu'un peu, rien qu'un doigt, ou même juste un orteil, afin de sortir de sa léthargie. Il lui sembla lutter des heures sans obtenir le moindre résultat, Morphée le tenait apparemment bien fermement dans ses bras.

La voix n'avait cessé de s'adresser à lui. Bien qu'il ne comprenne pas ce qu'elle lui murmurait il en était heureux, cela avait quelque chose d'apaisant, et lui permettait de ne pas perdre complètement la boule dans cette obscurité infinie. La personne qui lui parlait se mit alors à répéter son nom, de plus en plus fort, de plus en plus distinctement.

- Erwan ! Réveilles toi abruti !

Le jeune homme sursauta si vivement qu'il manqua de tomber du canapé. Cléo se dressait au-dessus de lui. Il soupira bruyamment en se massant les tempes. Une migraine à en faire pâlir d'envie un marteau piqueur lui vrillait le crâne.

- On est allés voir le Fossoyeur, il va nous aider, il nous a donné des instructions. Alors, voilà ce qu'on va faire...

Ghost townOù les histoires vivent. Découvrez maintenant