Mutilations

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Allongé sur sa couche, Alexandre ne donne pas une grande importance à la journée qu'il vient de vivre, et pourtant, sa visite chez le Docteur Aderbraun a été déterminante. Cachés derrière la vitre sans tain, le Docteur Herbert, spécialiste de l'immunologie, le Ministre de la Défense Jacques Vautret et surtout le Président de la République Alain Jamait constatent les faits. Jusque là, les plus hauts dirigeants de l'Etat n'avaient que quelques informations sur Valérand, quelques rapports qui circulaient, quelques on-dit sur un être immuno-parfait, mais à aucun moment le mot "immortel" n'avait été prononcé.

Alexandre n'a jamais montré aucune agressivité envers ses geôliers, il ne s'est jamais montré vindicatif depuis le jour de son arrivée un matin de 1957. Néanmoins, lorsque son invincibilité fut constatée, et avant même toute discussion avec lui, les médecins et les personnes en charge de sa captivité décidèrent de mener les pires expérimentations sur son organisme. Petit à petit, le corps de Valérand est torturé, brûlé, mutilé, amputé. Aucun centimètre de son corps n'est épargné, il vit des explosions, il est poignardé, il est même vidé de son sang à plusieurs reprises. Et bien évidemment, immortalité oblige, il se remet de toutes ces attaques. Il souffre, il pleure, il implore qu'on le laisse, mais il guérit, ses membres repoussent, ses plaies cicatrisent, son sang réapparaît comme par magie. Valérand est une énigme pour la science. Au fur et a mesure des expérimentations, Alexandre perd patience, il n'a plus envie de coopérer, il se terre, se renferme, ne parle plus que très peu, et lorsque les responsables viennent enfin l'interroger pour connaître son histoire, il refuse de parler. Et les centaines d'interrogatoires qu'il subit par la suite auront tous le même résultat.

Toujours plongé dans ses pensées, Valérand attend qu'il soit midi pour recevoir son repas dans sa cellule. Les pas du garde se rapprochent, il frappe deux fois à la porte, et glisse un plateau repas dans la fente prévue à cet effet. Les plateaux repas ne sont pas les mêmes que dans les autres prisons. Alexandre est bien nourri, il a le droit a de la viande, des légumes, du fromage, et régulièrement il a le droit a un verre de vin de bonne qualité. 
A peine son morceau de boeuf entamé, Valérand est interrompu par l'ouverture soudaine de la porte, un homme armé s'introduit dans la cellule, s'approche de lui, le saisit par le bras et le tire à l'extérieur.

Il est traîné à travers plusieurs couloirs mal éclairés, il n'oppose pas de résistance particulière, mais le garde s'emploie à le brusquer légèrement, excès de zèle ou réelle véhémence, quoiqu'il en soit, Valérand est bel et bien traîné de force. Lui craint de subir d'autres expérimentations scientifiques inhumaines. Au début, les médecins étaient précautionneux, ils accordaient la plus grande importance a l'intégrité physique de Valérand, et puis petit à petit, voyant le corps du prisonnier se remettre de chaque expérimentation, les médecins mirent de coté la délicatesse et les précautions, allant jusqu'à faire exploser son corps de l'intérieur. Sans "succès".

Vous l'aurez compris, Alexandre Valérand a toutes les raisons de détester les médecins, mais ce matin, ce n'est pas le pragmatique Docteur Aderbraun que l'immortel va visiter, ni même un autre homologue tout aussi décomplexé, mais c'est avec la lumière du jour qu'il a rendez-vous. Alexandre est amené jusqu'à une lourde porte de fer, un homme pousse la porte de l'extérieur, et laisse pénétrer la lumière du jour dans le lugubre couloir. Le garde lâche enfin le bras du prisonnier, et ce dernier se retrouve a genoux, aveuglé par le soleil..

Le fil rougeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant