La nuit se termine dans cet hôtel parisien, les voitures défilent dans la rue, les premiers passants se pressent sur les trottoirs et disparaissent dans les bouches de métro. Le plafond gris du décor parisien n'est pas l'élément qui aura le plus manqué à Valérand, mais ces bruits, ces femmes qui marchent perchées sur leurs hauts talons, ces enfants qui courent, ces magasins aux vitrines chamarrées, tout cela a beaucoup manqué a l'immortel.
Il est sept heures du matin, Marcus n'a pas fermé l'oeil de la nuit, il est toujours assis, impassible contre la porte d'entrée, prêt à agir à tout moment. Pour Arthur la nuit a été différente, le jeune historien a complété ses notes sur l'immortel, noté certaines de ses habitudes qui auraient pu le trahir comme une incompréhension face à certain élément de la chambre, le téléphone, la télévision, les ampoules électriques. Mais Valérand s'est bien adapté a tout ces changements, il a eu le temps. Il a appris à connaitre la télévision avant son incarcération, il connait les voitures de notre époque, bien qu'elles lui paraissent toutes exigus et molles. Sa seule découverte, c'est l'informatique, mais bien décidé a ne rien laisser transparaître, Alexandre fait semblant de maîtriser et de connaitre l'outil. Il étouffe sa surprise lorsque Arthur sort un ordinateur portable, il ravale un léger bruit d'étonnement lorsque l'historien montre à Marcus les dernieres images de vidéosurveillance de l'hôtel. Jusqu'à présent, Valérand n'a rien dit, il n'a donné aucun élément, ni même aucun indice.
Toujours plongé dans ses pensées et son mutisme, l'immortel ne remarque pas que les deux hommes plient bagage. Marcus se saisit de deux gros sacs, contenant probablement l'arsenal complet pour protéger un homme qui ne peut pas mourir, et Arthur lui, son sac en bandoulière, est déjà sur le pas de la porte, attendant les ordres du policier. Marcus pose ses sacs aux pieds de Arthur, se dirige vers Valérand, et lui dit : "Monsieur Valérand, nous allons vous emmener dans un endroit ou vous pourrez résider jusqu'à la fin de l'enquête vous concernant, une fois que le président aura décidé de votre libération définitive, vous pourrez aller où vous voulez, pour l'instant, je vous prie de nous suivre"Devant tant de solennité, Valérand coopère, il se lève, enfile ses chaussures et suit ainsi Marcus et Arthur. Ils descendent un escalier en colimaçon, et se retrouve dans le hall de l'hôtel, désert. Aucun employé. Ils sortent de l'hôtel et s'engouffre alors dans une camionnette noire.
"Allons y" ordonne Marcus au chauffeur, un autre homme dont la jovialité semble avoir disparu depuis toujours.
Sur les coups de huit heures, la camionnette s'arrête, au pied d'un autre immeuble hausmannien, au coeur de Paris probablement. Tous, sauf le chauffeur, sortent du véhicule et pénètre cette fois par une petite porte discrète à droite de l'entrée principale. Alexandre est précédé de Marcus, derrière lui, Arthur presse le pas pour suivre la cadence imposée par le policier. Les trois hommes arrivent dans une petite salle sombre, au bout de ce couloir lugubre, une porte, puis deux, et enfin ils arrivent dans ce qui semble être la copie conforme de ce qu'a connu Valérand depuis une cinquantaine d'années.
Pourquoi emmener à nouveau Valérand dans une prison, pourquoi ne pas le mettre en confiance pour l'aider à se confesser ? Ils n'ont pas le temps de se poser la question, au fond de la pièce sombre, un bruit se fait entendre. Marcus le savait, l'endroit n'est pas spécialement sûr, mais il voulait venir ici pour récupérer les affaires de Valérand, celle qui lui ont été confisqué lors de son incarcération en 1957, et celles qui ont été saisies pour effacer toutes traces de son existence. Ici, Marcus compte redonner un semblant de dignité a Valérand, et lui rendre un bout de sa vie d'avant, car ce n'est pas une prison mais bien l'ancien dépôt des archives de la police nationale, et c'est dans la salle secrète de ces archives qu'ont été déposé les affaires de l'immortel. Noble idée me direz-vous, mais l'homme qui arrive en courant vers l'immortel n'a semble t'il pas le même point de vue. D'un bond il arrive sur Marcus, lui fiche son poing dans le ventre, le fait tomber à terre et se dégage de l'étreinte du policier. Il fait un pas vers Valérand, sort un couteau, lui enfonce sèchement dans le ventre et tourne la lame dans sa chair. Avant même que puisse intervenir Arthur, qui quand bien même aurait-il trouvé le courage de se battre, n'aurait pas pesé lourd dans les débats, et surtout avant que Marcus ne se relève et ne risque de le capturer, le meurtrier se retourne vers eux, avec à ses pieds l'immortel, et dit d'un ton tremblant "Mors non est".. puis s'écroule ironiquement, après avoir croqué dans une petite capsule de cyanure caché dans sa bouche.Marcus se relève tant bien que mal, il n'a que des blessures superficielles, il se dirige vers Valérand, affolé, souffrant mortellement au sol, dans une mare de son propre sang. Arthur tient la tête de l'immortel, les deux compères n'ont pas encore l'habitude de voir un être qui ne peut pas mourir, et très humainement, à ce moment là, craignent pour sa vie.
Mais bien évidemment, Valérand ne meurt pas, pendant dix minutes sa chair se reconstruit, il perd connaissance, son coeur s'arrête même quelques secondes, sa respiration cesse, et puis elle repart, son pouls s'accélère comme pour redonner de l'élan à son corps, et dans un sursaut, il se relève, en sueur et pâle. Pour la première fois, Arthur et Marcus ont éprouvé la miraculeuse immortalité de leur protégé.
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Le fil rouge
AventureAlexandre Valérand est prisonnier depuis 53 ans, au coeur de Paris, quel horrible crime a t'il pu commettre pour mériter une telle peine d'emprisonnement, et ce dans le plus grand secret ?