Helldown #1 - Ville de sang

Chapitre 11(corrigé)

Depuis qu'il avait obtenu la confirmation que Wyatt était toujours en vie, Dageus Morelli dit l'Odin, ne décolérait pas. Il était fou de rage.D'une part parce que ce salopard de Maxwell s'était joué de lui et de l'autre parce que sa fichue gamine avait eu le culot de le défier.

Personne ne défiait l'Odin !

Du moins, personne n'était assez cinglé pour le faire ! Hormis cet imbécile de Reagan dont la fourrure épinglée sur le mur derrière son bureau représentait le meilleur avertissement pour tous ceux qui osaient ne serait-ce que penser le contrarier.

Et aujourd'hui il était bien plus que contrarié, il brûlait de tuer quelqu'un!

Si ce fumier de Maxwell était encore en vie, il l'aurait écorché vif, aurait accroché sa peau de tigre sur son mur. Mieux encore ! Il l'aurait réduit à l'état de carpette pour sa salle de bain !

Il n'en revenait toujours pas d'avoir été berné comme un débutant. S'il avait su la vérité plus tôt...

Au fond de lui, il était loin de ressentir ce calme presque glacial qu'il affichait en toute circonstance. Non, au fond de lui, la fureur l'habitait.Merde! Il ne se tiendrait pas derrière l'immense bureau en teck sombre ni ne toiserait son sujet d'un regard qu'il tentait de garder le plus impassible possible en sachant cela inutile.

- Alors ? J'attends !

Matt Finigan haussa un sourcil presque condescendant puis secoua la tête pour se reprendre sachant parfaitement les risques qu'il encourrait à rester hautain.

- Tu aurais dû savoir qu'elle ne se laisserait pas intimider. Heilin est une vraie tête de bois !
- Je suis l'Odin ! Gronda-t-il.
- Justement ! Ton statut ne l'impressionne pas du tout. Vraiment pas. Tu n'as pas entendu tous les noms d'oiseaux auxquels tu as droit. Il y en avait d'assez exotiques, s'amusa l'Headhunter.

Étrangement, Matt était le seul waste duquel Dageus tolérait ce genre comportement. Il jouait de l'ironie et du sarcasme mais jamais il ne se permettait de se moquer de lui plus que Dageus ne le lui autorisait.Il tenait un peu à sa vie, même si ces dernières années, elle lui avait semblé morne sans sa meilleure amie - Dageus l'avait assez entendu répété pour l'avoir assimilé.

- Cesse d'afficher cette mine de martyr, c'est horripilant !
- Si j'en suis là aujourd'hui, c'est ta faute, Dageus.

Ce dernier croisa les bras tout en se redressant dans son fauteuil puis observa Matt comme s'il pouvait d'un simple regard connaître tous ses secrets. Le Headhunter grogna, il détestait réellement ça.

- Je me fiche de savoir comment mais je veux que Wyatt vienne vivre parmi les siens. Là où il sera en sécurité.
- Elle refusera, grimaça-t-il excédé. Encore !
- Essaie à nouveau et dis-lui bien que si je me déplace, ce serait à ses risques et périls !
- Tu perds ton temps, je le lui ai déjà expliqué. Devis aussi. La braquer ne te mènera nulle part. Je sais comment elle fonctionne.
- Raison de plus. Si tu ne réussis pas à la raisonner, tu prieras pour que ta peau ne vienne pas s'ajouter à celle de Reagan !
- Il ne fallait pas la mordre ! Et encore moins réitérer la morsure après ! Craqua le blond. Elle était déjà assez hargneuse...
- Je dois le faire et tu sais pourquoi, alors ne discute pas !
- Comme vous voudrez votre majesté, railla-t-il quittant le bureau en traînant des pieds.

Il savait combien l'Odin détestait ce bruit sur le carrelage.

Une fois seul, Dageus ouvrit le tiroir secret de son bureau pour en sortir une vieille photo prématurément jaunie. Perdu dans ses pensées, il caressa de l'index le petit visage souriant pour lequel il aurait volontiers abandonné sa vie. Un visage qu'il n'aurait jamais cru revoir un jour.

Et pourtant...

Il étudia longuement le second cliché. Matt l'avait posé sur le bureau dès son arrivée. La différence était si flagrante que son cœur se serra douloureusement. Sur cette prise de vue, il reconnut les yeux de Wyatt immenses et sombres sans y déceler cette lueur pourpre caractéristique. Au contraire, son regard reflétait tant de souffrances que sa gorge se noua. Ses cheveux de jais accentuaient la pâleur de son teint autrefois doré comme le sien. Son corps, mêmes'il avait grandi à l'adolescence, était si mince. Les joues rebondies de ses souvenirs avaient laissé place à de plus creuses. Encore une fois, la finesse de ses membres le fit trembler de rage. Les privations, le souci de devoir passé inaperçu dans un monde qui n'était pas le sien, avaient laissé des traces.

Il haïssait les humains. Viscéralement. Ils mettaient à mort les siens dans l'espoir ridicule de récupérer un pouvoir qu'ils ne possédaient et ne posséderaient jamais. Pendant longtemps il avait cru à la disparition de son Wyatt, enlevé par cette spirale de haine mortelle. Alors dès que Devis lui apprit la survie de son frère, ils'était invité chez les humains qui en avaient la garde. A cette époque, il croyait encore. Il rêvait encore.

Jamais être Odin ne lui avait procuré tant de satisfactions. Pas une seule fois. Jusqu'à cet instant !

Devenu chef des wastes à dix-sept ans, une fois sa formation auprès de Jerry Maxwell terminée, son rôle n'avait été qu'une succession de décisions difficiles et accablantes. Dès lors comment trouver un intérêt dans une position soumise au bon vouloir humain. Ces misérables dont le rôle avait été de prendre soin de son frère avaient failli. Pire ! Ils s'étaient chargés, eux-mêmes,d'ôter à son cadet toute trace d'innocence et d'espoir. La punition avait été sans appel et justifiée à ses yeux par les souffrances endurées par son frère. Peut-être que les anéantir fut une manière d'effacer cette culpabilité qui continuait de le dévorer en silence. Peut-être.

Néanmoins il ne regretterait jamais cet acte.

Comment le pourrait-il ? Indubitablement en consentant à la charge d'Odin,il avait accepté d'être dans la merde jusqu'au cou. D'autant plus que le monde waste pouvait se révéler aussi impitoyable que celui des humains : une seule minute d'hésitation,d'inattention, et il mourrait. Les tentatives d'assassinats ne se comptaient plus depuis son arrivée aux côtés de Jerry. Cependant,il avait aussi tué pour vivre, tué pour maintenir l'ordre dans ce Panthéon qui, à l'époque, partait à la dérive. Le sang sur ses mains ne le dérangeait plus depuis des années et son instinct de survie ne faiblissait jamais. Malgré cela, son premier rôle consisterait toujours à protéger les siens, à garantir leur sécurité par n'importe quel moyen. Il n'hésitait pas un seul instant à éliminer quiconque se mettait en travers de sa route pour parvenir à ses fins ou au calme.

Il devait retrouver son frère pour recouvrer un semblant de paix intérieur. L'avoir auprès de lui ne pourrait que le tranquilliser.

Wyatt devait lui être rendu... en attendant l'éveil complet de sa reine.

Après tout un Odin ne peut régner sans sa Vanadis.

Une seconde règle immuable.