Chapitre 3 : Sur la route du bonheur

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Jean-Marie se tassa un peu plus au fond de son fauteuil. Le cuir était très à son goût, un peu à l'image de celui de ses fauteuils dans son appartement à l'autre bout de la capitale. La matière craquait à chaque mouvement qu'il esquissait, rompant le silence qui régnait dans la voiture suivant les avenues éclairées de la capitale. 

La soirée était belle. Les étoiles brillaient dans la nuit noire, dessinant une myriade de points lumineux sur l'étendue infinie du ciel qui s'allongeait paisiblement jusqu'au fin fond de l'horizon. Les immeubles de Paris se distinguaient de ce plafond scintillant, les fenêtres allumées contrastant avec les devantures aux allures si diverses, parfois immaculées de blanc, parfois excentriques, parfois délabrées. Quelques arbres bordaient çà et là la route, rajoutant une couleur de plus au décor parisien, alors que les réverbères ajoutaient au tableau des dizaines d'ombres qui semblaient se mouvoir et suivre du regard la voiture. 

Jean-Marie se sentait étrangement à l'aise dans cet environnement quand bien même il n'avait rencontré l'homme qui était assis en face de lui que quelques heures auparavant. Donald semblait tout aussi détendu, ses cheveux ébouriffés se reflétant sur les vitres teintées du véhicule. La luminosité ambiante était faible, rehaussée de temps à autre par un lampadaire plus puissant que ses semblables. 

Nul ne pipait mot. Jean-Marie regardait alternativement le paysage nocturne de la ville et cet homme encore mystérieux à ses yeux. L'allant dont il avait fait preuve dans sa propre loge face à lui-même, alors qu'ils ne s'étaient jamais vus l'avait impressionné, plus encore qu'il n'aurait pu l'imaginer. Lui, un vieil homme désormais, à demi-aveugle, rejeté de tous, même par une grande partie de sa propre famille, avait su être accueilli à sa juste valeur par cet homme qui, semblait-il, l'avait déjà cerné dès la première minute. Pour la première fois depuis des années, Jean-Marie se sentait vulnérable, à la merci de tous, comme si la moindre de ses défenses avait été mise à jour et contournée. Mais cela ne lui déplaisait pas, il aimait ce sentiment qui le répugnait tant autrefois. Il avait étrangement confiance en cet inconnu, comme si une petite voix intérieure lui soufflait de suivre son instinct. 

Son portable vibra soudainement, le tirant de ses réflexions. Fouillant dans la poche de son manteau au niveau de ses ex-pectoraux, il sortit son portable, un "iphaune" comme le prononçaient si bien ses compatriotes. Il passa son doigt sur l'écran, faisant basculer son fond d'écran de l'aigle impérial allemand sur un texto de sa petite-fille Marion qui s'enquérait de ce qu'il faisait, n'ayant pas pu le joindre dans son appartement. Jean-Marie passa outre le smiley souriant qu'il ne comprenait pas au milieu du message et pianota quelques mots rassurants en guise de réponse, prétextant une envie de sortie nocturne sans révéler davantage de détails. Le tactile n'était décidément pas à son goût. Ses doigts ridés entraient sans cesse en contact avec la mauvaise lettre et écrire chaque mot devenait une torture pour ses vieux os. 

Une fois le SMS envoyé à force d'efforts et de grognements, Jean-Marie remit précipitamment le portable à sa place et esquissa un sourire en direction de Donald. Une grimace se dessina à son tour sur son visage qui paraissait moins orangé que d'ordinaire du fait de la luminosité ambiante, les dents blanches resplendissaient toujours sur ce visage que Jean-Marie venait juste de rencontrer, lui procurant un étrange réconfort devant ses déconvenues politiques et familiales. 

Le silence se prolongeait. Jean-Marie ne souhaitait pas le briser. Cette ambiance lui plaisait alors que seul le ronronnement du moteur venait troubler l'atmosphère tranquille de la voiture qui circulait maintenant sur des routes de plus en plus larges et de plus en plus vite. On quittait Paris. Jean-Marie ne s'en inquiétait pas outre mesure, mais ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur leur destination commune. Que pouvait bien avoir en tête ce Donald Trump ?

Jean-Marie le Pen x Donald TrumpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant