Chapitre 5 : Orage et des espoirs

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La pluie battait les carreaux à grand fracas. L'écho des gouttes s'écrasant contre la paroi vitrée se répercutait à travers les pièces du pavillon presque vide. Les lumières étaient éteintes, seul le simili-feu crépitait silencieusement dans la cheminée, diffusant une faible lueur sur le sol.

Jean-Marie était avachi dans son fauteuil. Il ne bougeait pas, clignait à peine des yeux. Des sillons étaient creusés sur ses joues ridées, là où les larmes avaient coulé en abondance pendant des heures. Ses lunettes reposaient à même le sol, jetées à terre dans un éclat de colère et de désespoir mêlé. L'un des verres était brisé, à l'image du cœur de son propriétaire. 

La soirée avait viré à l'orage : alors que tout semblait si doux, si beau, si parfait, les événements avaient cru bon de s'inverser. Lesquen était arrivé et avait tout fait chavirer.  Donald était parti sans un au-revoir, sans même prononcer un mot, la voiture soulevant un nuage de poussière dans son sillage, balayant les rêves -ou plutôt les illusions- de Jean-Marie. Ce dernier avait laissé libre cours à sa rage devant le jeune Henry qui avait osé jouer les troubles-fête. Comment avait-il pu ? Jamais de la vie il n'avait souhaité ce qui s'était produit. Ses réflexes s'étaient émoussés avec l'âge et la passion qui l'habitaient l'avait aveuglé : il n'avait rien vu venir, n'avait rien pu faire. 

Une fois la voiture hors de vue et le nuage de poussière retombé, il avait chassé Lesquen de sa propriété, le frappant de sa canne à la pointe acérée et vociférant toutes les insultes et leur viriante allemande qui lui traversaient l'esprit. Essoufflé, il s'était arrêté au portail qui donnait sur la grande route, et avait lâché un dernier "RAUS" à Henry qui courrait toujours, la chemise débraillée, les cheveux ébouriffés et le cou rougi par les coups de canne.

La voiture avait totalement disparu. Quelques automobilistes passaient là sans prêter attention au vieil homme au visage couvert de sueur, sa canne toujours en main, tremblotant sous l'effort et l'émotion qui lui tenaillait toujours les membres. Il était retourné rageusement dans son pavillon, plantant sa canne dans les graviers à chaque pas, grognant, pestant et râlant de toute son âme contre ce jeune freluquet qui avait osé se croire digne l'embrasser.

Le cuir du fauteuil craqua sous ses fesses lorsqu'il entreprit enfin de se relever. Sa canne avait glissé à terre et l'effort se révéla plus difficile que tout ce qu'il avait imaginé. La lumière des flammes dansait devant ses yeux. A moins qu'il ne s'agisse d'étoiles issues de son imagination. Il n'arrivait plus à faire la différence entre cette dernière et le réel. Ces derniers jours avaient-ils seulement eu lieu ? Avait-il embrassé puis fait l'amour au futur Président des Etats-Unis ? L'avait-il seulement connu ? Sa sénilité lui affirmait sans cesse le contraire, contrastant avec la douleur cuisante mais ô combien agréable qui régnait toujours sur ses cuisses et son arrière-train, seul souvenir tangible du passage de Donald Trump. 

Il alla fureter dans la cuisine du pavillon, ouvrit la porte du frigidaire et contempla les reliefs du repas de la veille : du saucisson bien français, quelques bouteilles de vin rouge vides, un morceau de baguette rassie de la veille. Jean-Marie se félicitait d'avoir toujours chez lui des produits issus de son terroir, propres à l'identité de la nation. Donald avait su faire preuve d'une curiosité sans borne à l'égard de ce que lui avait proposé Jean-Marie, dévorant tranche après tranche, buvant jusqu'à être plus rouge qu'orange, chose qui prit du temps malgré tout comme en témoignant l'amas de bouteilles qui trônait dans l'évier de la cuisine. Il ouvrit un placard qu'il trouva vide hormis quelques miettes et une boite de maquereaux à la moutarde. Avec un soupir, il repoussa la porte et s'assit sur la chaise au centre de la pièce, celle-là même où le cauchemar avait débuté. 

Il n'avait pas mangé depuis la veille mais rien ne lui faisait envie, il ne ressentait même pas la fin. Une boule qui mêlait tristesse et angoisse comblait le vide de son estomac. Il ne voyait pas ce qui pouvait apaiser cette souffrance qui envahissait sa personne toute entière. Qu'avait-il bien pu faire pour mériter tout cela ? Il avait passé des années en Algérie à manier la gégène avec zèle et brio, et tout ça pour quoi ? Un œil en moins et un amant évanoui après une nuit en sa compagnie. 

Jean-Marie le Pen x Donald TrumpOù les histoires vivent. Découvrez maintenant