7# Vénérez Le Grand Dieu Chèvre !

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Harry avait cessé de courir depuis plusieurs heures, maintenant. À vrai dire, il n'avait couru véritablement que sur cinquante mètres, ce qui en soit était déjà un exploit pour le fainéant qu'il était. Ce qui lui avait donné cette avance considérable sur ses compagnons (les imbéciles lancés à sa poursuite), c'était la chute (parfaitement) involontaire qu'il avait faite sur un morceau d'écorce particulièrement imposant. Obéissant à la gravité, le morceaux de bois à moitié pourri avait glissé le long de la pente raide et mouillée, en entraînant avec lui le gamin vociférant, qui s'accrochait stupidement, au lieu de lâcher prise avant que son moyen de transport improvisé ne prenne trop de vitesse, et de se réceptionner indemne sur le sol. Il avait ainsi descendu la montagne en un temps record, ne rencontrant pour obstacle que des buissons d'orties et de houx, trop peu épais pour le stopper définitivement, mais suffisamment denses pour lui lacérer la peau au passage.

Sa course s'était terminée lorsqu'il avait fait une brusque chute dans le cours mouvementé d'un fleuve.

- OOOUUUUUAAAAAHHHH-GLOU-GLOU-gloargh !... avait-il crié en chutant comme un con dans l'eau sale.

Bien entendu, vous pouvez imaginer qu'il ne savait pas nager.

C'est pas drôle, sinon.

Il n'avait survécu que grâce à un nouveau tronc d'arbre, déraciné par les crues récentes, et qui avait fendu les eaux troubles juste devant lui. Il avait alors, par une présence d'esprit qui faisait (et ferait) le malheur de tous le monde, saisit le tronc à plein bras, et réussi à refaire surface, crachant de l'eau par tous les orifices possibles et imaginables.

Bande de dégueulasses.

Le courant l'avait emporté sur deux bons kilomètres, le perdant un peu plus au milieu du sinistre et dangereux marécage de Mangdort. Bien entendu, il ne tomba sur aucune des dangereuses et mortelles créatures qui peuplaient le marais. Il atterrit sans dommage sur la berge, au détour d'un coude que faisait le fleuve, et sortit enfin de l'eau, indemne et complètement trempé.

- Putain de rivière de merde de quête à la con de saloperie de chevalier-mage de bordel de branche de connard de pute ! Brailla-t-il en frappant le bout de bois qui l'avait porté jusqu'ici sans dommage (le dit bout de bois, rongé par la pourriture, se rompit en deux et coula à pic).

Ça ne voulait rien dire, mais ça résumait bien sa pensée et sa situation actuelle.

D'un pas chancelant, il se dirigea vers une imposante construction qui se dressait un peu plus loin, devant lui, au milieu des herbes des marais et des nappes de brume puantes.

Le bâtiment en lui-même ressemblait à un temple, laissé à l'abandon depuis des lustres. Sa porte d'entrée était immense, faite de bois d'ébène sculpté de scènes de massacres et de morts diverses et violentes. La pierre de l'édifice alliait le granite rouge sang et l'obsidienne noire comme l'abîme. Une coupole énorme se dressait au-dessus de l'édifice, rouge et menaçante sur l'horizon blafarde. Tout autour du temple, on pouvait deviner la présence de nombreux ossements, la plupart humain, et d'étranges machineries pleines de cordes, de pointes acérées et de masses amovibles.

En résumé, l'endroit ne paraissait pas particulièrement accueillant.

Harry, bien sûr, qui ne s'occupait toujours que de lui-même, marcha tout droit vers la porte, et, arrivé devant le battant de cinq mètres de haut, tapa de toutes ses forces restantes contre le bois, en criant :

- Faites moi entrer, bande de bouffons ! Chuis le fils du Balron de la Florencine, et j'vous ferais tous zigouiller et empaler si vous m'ouvrez pas cette putain de porte, que vous m'honorez pas et que vous ne devenez pas mes serviteurs dévoués dans les dix secondes qui suivent.

Il était une fois...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant