La taverne du Sanglier Saoul n'était pas un des lieux les plus recommandés dans les brochures touristiques du royaume de Naldarode.
Mais alors, vraiment pas.
Pour commencer, elle était perdue sur l'un des chemins les plus impraticables et les plus infestés de bandits du Royaume. Le dit chemin desservait une contrée pauvre, voire totalement abandonnée, et finissait sa course quelque part dans la sombre et pluvieuse forêt d'Argamande, qui jouxtait les marécages de Mangdort, un endroit tout sauf agréable.
La bâtisse en elle-même, constamment martelée par les gouttes de pluies (sauf en hiver, où la neige et la grêle remplaçaient la pluie), ne parvenait même plus à pourrir tranquillement. Du sol au plafond, le bâtiment était toujours imprégné d'humidité. Les cafards, les termites, les vermines de toutes sortes avaient envahi les placards, les lits crasseux, le mobilier bancal et mal rafistolé. La nourriture était infecte, l'alcool frelaté et hors de prix, le patron vieux, désagréable et malodorant.
Malheureusement, c'était aussi la seule taverne existante sur plus de cent lieues à la ronde. De ce fait, la plupart des malheureux qui habitaient la région n'avaient d'autres choix, s'ils voulaient se désaltérer autrement qu'avec de l'eau de pluie, que de payer le prix astronomique demandé par le patron du Sanglier Saoul pour un simple verre d'apéritif.
Ce jour là, un mardi pour être précis, il pleuvait sur la taverne du Sanglier Saoul. Au comptoir, accoudé à ce qui avait été un chêne famélique (c'est à dire à la planche en bois du comptoir), Thomas, 58 ans, vieux grincheux, bougon, tricheur, menteur, voleur, escroc en tous genres et en toutes espèces, laid comme une taupe et presque aussi aveugle, souffrant de rhumatismes, d'un rhume coriace et d'un ongle incarné, et accessoirement propriétaire et tavernier de l'établissement, astiquait des verres sales à l'aide d'un chiffon malpropre, en maugréant.
Ce n'était pas qu'il aimait maugréer, ni même qu'il ait eu une véritable raison de maugréer. Les affaires allaient bien, les clients, bien que malsains et malhonnêtes, se pressaient par dizaines à son bar pour réclamer n'importe quel liquide capable de les rendre ivres en moins de deux verres. Il n'y avait d'habitude pas plus de deux bagarres généralisées par jour, les morts étaient rapidement évacués par les fauteurs de troubles, qui recevaient alors un verre gratuit de la maison pour les inciter à réitérer leurs efforts la fois suivante. Aucun des bandits qui se pressaient dans le repaire n'auraient jamais songé à lever ne serait-ce qu'un poing sur Thomas, au risque de voir le seul bar du coin fermer. Personne ne voulait ça. Non, personne.
Alors, me demanderez-vous, si vous avez suivi jusqu'ici sans disjoncter, pourquoi Thomas, ce brave Patron de bar presque honnête (mais pas tout à fait quand même), maugréait-il tout seul, dans son coin, en faisant la vaisselle ?
Pour se donner une contenance, voilà tout.
La simplicité même.
C'était purement commercial. Un patron de bar accueillant, jovial, sain d'esprit comme de santé, avec un casier judiciaire sans tache, derrière un comptoir propre et des verres sans taches, d'abord c'était suspect, et ensuite ça pouvait induire en erreur le consommateur moyen, qui prenait la taverne pour bien mieux qu'elle ne l'était véritablement. Le client, enthousiasmé par ces éléments d'entrée, s'imaginait des trucs improbables, des boissons aux goûts délicieusement merveilleux, des plats dressés avec une exquise élégance et aux saveurs exotiques inégalées... Tout ça pour se voir servir une bière, avec un steak-frite.
Décevant, n'est-ce pas ?
Aussi, dans cette optique, Thomas avait-il construit l'entrée de son établissement de façon à ce que les clients s'imaginent que le bar était miteux, mal construit, humide et pourrissant, sombre, en un mot hostile et répugnant, de manière à ce qu'ils s'imaginent les pires atrocités et que leurs attentes soient les plus basses et les plus pessimistes possibles. Bien entendu, la taverne était tout à la fois miteuse, mal construite, humide et pourrissante, sombre, en un mot hostile et répugnante, mais au moins les clients n'étaient pas déçus, puisqu'ils savaient déjà à quoi s'attendre.
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Il était une fois...
HumorQu'est ce que peut donner la rencontre entre une peste insupportable, héritière d'un seigneur puissant, un vieux magicien renvoyé de l'académie avec une case en moins et une taupe de combat, un chevalier de première classe vaniteux, une petite paysa...