~Chapitre 8~

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Cela fait près d'une heure que je prends des clichés de la ville, de tout ce que je vois, sous tous les angles. En passant aussi par la multitude de feuilles qui jonchent le sol. Je m'étonne d'ailleurs de cette nouvelle couverture qui recouvre presque toute la ville, je ne me souviens pas avoir vu tant d'arbres que cela ces derniers jours même si le climat doux le permet, ce sont surtout des arbustes. En parlant de ces feuilles, elles sont magnifiques, je n'en ai jamais vues de pareilles en France, ni nulle part. Elles ont la même forme que des feuilles d'érable, avec des couleurs vives et éclatantes, d'un dégradé frappant entre le rouge écarlate et l'orange abricot. Je prends plusieurs autres photos de ce décor impressionnant en cette période de l'année.

Je m'arrête dans ma contemplation, regarde ma montre, il est bientôt 20 heures, la nuit ne va pas tarder à tomber. Je range l'appareil numérique, de toute façon j'ai plus d'une centaine de photos à présent, j'aurai l'embarras du choix. Mes pensées se dirigent vers ceux qui m'ont accueillie, je ne les connais pas depuis longtemps mais... ils me manqueront, ça me fait un peu mal de savoir qu'ils veulent rester ici pour mourir mais c'est leur choix. Ça sera le dernier dîner que je passerai en leur compagnie.

Je soupire et relève le regard, le sol est tapissé de rouge carmin, l'image est très étrange. Je m'arrêtais un instant, une ombre passe calmement dans le ciel teinté de lueurs orangées. Soudain, le vent doux qui soufflait dans mon dos s'intensifie pour devenir brutal. L'air déjà frais semble pourtant se glacer. Une bourrasque me bouscule, faisant s'envoler mon écharpe et quelques feuilles autour de moi. La morsure du froid sur mon visage me fait regretter de ne pas avoir enfilé de cagoule avant de partir. Le vent siffle à travers les arbres, on aurait dit un loup criant à la mort. Les battements de mon cœur s'intensifient et ma respiration va bientôt faire de même si je ne réagis pas. C'est bon je dois me calmer, c'est juste le temps qui devient capricieux. Pas besoin de paniquer. Un carillon retentit à ma droite, des rires sourds, des voix en sourdine résonnent autour de moi. Bon dieu, qu'est-ce qu'il se passe maintenant. Un cri. J'inspire brusquement, mes yeux s'ouvrent, je ne m'étais même pas rendu compte que je les avais fermés. Je fixe le sol devant moi n'osant bouger. Je devais calmer ma respiration et mon cœur si je voulais penser rationnellement. J'ai toujours été une personne stressée, des exercices de respiration ce n'est pas ce qu'il manque. Je régulais ma respiration mais les murmures effrayés flottant autour de moi n'aidaient vraiment pas à la concentration. Mes yeux clignent rapidement observant un peu plus loin dans la rue. Je sens que si je me retourne... Je...je ne sais pas, j'ai comme un mauvais pressentiment. Une présence. Quelqu'un est là, derrière moi. Je sens comme un regard semblable à une lame effilée franchir mon corps. Je tourne doucement ma tête. Je n'y arriverais jamais comme ça. Je prends sur moi, me retourne rapidement sur mes jambes, me préparant à une éventuelle fuite. La tempête se transforme en légère brise et le temps se fait lourd. Lourd et sombre, seul les quelques lampadaires éparpillés projetaient un faible faisceau de lumière. Mon regard était attiré sur les côtés mais je savais que si je cédais à cette tentation je serais incapable de ramener mes yeux en face de moi. Ce ne sont sans doute que des lampadaires. Je pouvais à présent entendre mon souffle haché. Ma mâchoire commençait à trembler, je sens mes dents claquer les unes contre les autres. Mes jambes flageolent, un voile se forme devant mes yeux, je ne vois qu'un épais brouillard, les nuages cachent les derniers rayons du soleil et la Lune majestueuse, apparait derrière des nuages noirs d'encre. Le vent souffle doucement, les feuilles encore en l'air planent calmement, l'une d'elle se pose à mes pieds. Je me baisse lentement. La feuille est rosée, presque translucide, ses nervures sont en revanche d'un rouge flamboyant. Intriguée je tends une main tremblante vers elle. Non ! Ma conscience ressort soudainement de son état endormi, je ne devrais pas essayer de la toucher... Mais quelque chose m'attire inévitablement vers ce rouge palpitant, je pensais que c'était le vent qui agitait la feuille de faible soubresaut mais en observant bien on pouvait voir que les nervures battaient au rythme des mouvements de l'entité. Comme si elle était encore vivante... Je saisis délicatement la tige mais lorsque je touche son corps une sensation de brûlure envahit mon doigt. Je la lâche brusquement et sous mes yeux elle se décompose au sol laissant place à une flaque rouge poisseuse. Une forte odeur de rouille arrive à mon nez et je suis rapidement prise d'un haut-le-cœur. Autour de moi le phénomène se répète, une sorte de mare s'étend rapidement devant moi, l'émanation devient plus puissante. La brise légère porte l'odeur jusqu'à mes narines. 

Du sang.

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