Ayame

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- C'est un ordre Ayame.

    Je sais au ton de sa voix qu'il n'y a plus de négociation possible. Je reste silencieuse tandis que mon père sort  hâtivement du séjour où notre discussion nous a menés. Comment ose-t-il m'imposer la présence de cette fille au château ? Que dis-je, auprès de moi ! Un long soupir s'échappe de mes lèvres. J'ai besoin de penser à autre chose pour me calmer.

    Du regard, je cherche comment me distraire.

    Notre séjour est magnifique. Loin de moi l'idée de me vanter, mais aucun détail n'est laissé au hasard. La décoration classique reste subtile et aucune babiole inutile ne traîne. Seuls quelques vases et statues trouvent leur place sur les nombreuses commodes et étagères de la pièce, sans pour autant charger l'espace outre mesure. Ils apportent juste une touche de raffinement supplémentaire, comme le subtil parfum que dégage les fleurs blanches.

    Les surfaces sont larges, même si l'agencement des meubles est intelligemment pensé. Les nombreuses fenêtres bordant les murs confèrent à la pièce toute la luminosité dont elle a besoin. Enfin, le sol de marbre est presque entièrement recouvert de doux tapis, aussi beaux que les peintures qui décorent les murs et contribuent à la beauté du lieu.

    Il est si agréable de venir s'y poser pour admirer l'immense domaine à travers les fenêtres, prendre le thé entre amis, ou encore pour recevoir du monde, d'autant plus que sa proximité avec la salle à manger est un atout non négligeable.


    Tout est merveilleux ici. Vraiment. Mais mon élément préféré reste le piano à queue blanc. L'instrument, entreposé dans un coin de la pièce non loin de la petite table basse centrale où nous prenons le thé, est magnifique.

    J'avais pour habitude de jouer, moi et Lorys avions des cours ensemble depuis tout petits. Mais depuis qu'il a quitté le château, je n'ai pas pu me résoudre à jouer la moindre note. Même après avoir retrouvé mon frère, je n'en avais plus envie. Trop de souvenirs. Parfois, je m'assois devant, sur le petit tabouret, et je contemple les touches. Elles sont d'une brillance incomparable, et m'évoquent tant de choses... J'aimais tellement jouer.  Quelque chose semble m'appeler, me dire de jouer à nouveau. Quelque chose de lointain qui a un goût de famille et de liberté. Mais pas un seul instant, pas un seul, je ne me laisse aller à poser la main sur le clavier.

    À la place, je m'adosse contre un dossier de l'un des canapés de la pièce, attendant cette idiote de voleuse. Je ne peux pas croire que mon père la garde ici, ce n'est qu'une imbécile.

    Ma dame de compagnie ! Ridicule. J'en ai autant que je veux des dames de compagnie ! Ce n'est sûrement pas une mal élevée comme elle qui va changer quoique ce soit à ma vie.

    Ma vie... Cette pensée me ramène à la réalité. Aujourd'hui, je sors acheter ma robe de mariée.

    J'entends des bruits de pas. La voilà qui entre, talonnée de près par Noah.

    Mais qu'est ce qu'il lui trouve à cette folle !

    Je les dévisage, énervée de les voir ensemble. Mon petit frère ne devrait pas rester auprès de cette Dylane. Son influence pourrait être mauvaise pour lui, elle n'est clairement pas fréquentable.

- La diligence est prête mesdemoiselles !


    Mes envies de meurtre sont refrénées quand Carya vient nous chercher et nous guide vers l'entrée. 

    Noah court dehors tout excité de nous voir partir, ce qui m'arrache un sourire attendri, qui s'efface aussitôt. J'aimerais que Lorys soit là aussi. Non pas que ce jour soit heureux, loin de là, mais au moins nous aurions eu l'air d'une famille heureuse à nouveau.


AveriyahOù les histoires vivent. Découvrez maintenant