. Allongée et l'herbe caressant mon visage; une image encrée dans ma mémoire. Debout, Pearl pointe du bout de son doigt une planète minuscule parmi toutes ces étoiles; elle affirme que c'est Mars.
- Maman, pourquoi les étoiles brillent ?
- P...
Deux misérables minutes me séparent du dernier appel de Amanda. Et je ne peux m'empêcher de verser quelques larmes pas très discrètes. Onze ans qu'elle est née, et je me rends compte qu'elle me manque énormément et qu'elle ne le sait pas. Bien des fois, je lui ai dis que je l'aimais mais jamais que, sans elle, je ne suis plus rien. Amanda n'est pas seulement ma petite sœur, elle est bien plus; elle est ma meilleure amie, ma fille, mon ange gardien, elle est la part de moi que j'aime le plus. Chaque jour, elle me ressemble de plus en plus; elle grandit et se construit en se basant sur moi. Si je venais à la perdre, je serais perdue. Et tout ça, je n'en prends conscience que maintenant, après avoir raccroché.
Taylor écrase des larmes naissantes aux coins de mes yeux, caressant mes pommettes au passage. Elle attire mon front à ses lèvres et y dépose un tendre baiser, puis, elle me serre dans ses bras.
- Ne t'en fais pas, fait-elle en passant sa main dans mes cheveux.
La tignasse de Alexander apparait dans l'entre-ouverture de la porte. Ressaisies-toi. Taylor me libère et, du revers de ma main, je fais disparaître mes pleurs. Elle lui fait signe de ne pas s'inquiéter et de poursuivre sa route. Pour être sûr de ce qu'elle avance, il me jette un dernier coup d'œil. Il s'en va regagner le premier étage.
- Alors, alors ... Qu'est-ce qu'elle fabrique encore ? (Le nez dans ma commode, Taylor fouine un peu se redressant de temps à autre pour me regarder de la tête aux pieds) Ne me dis pas que tu comptes aller à ton rendez-vous dans cette tenue, Pearl ? Hein ? Un rendez-vous ?
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Elle lève ses yeux verts au ciel, quant à moi, j'attrape le bas de mon t-shirt et l'observe: bien sûr que je comptais sortir avec Alec dans cette tenue, pourquoi me changerai-je ?
- Faut vraiment que je fasse les boutiques avec toi, t'as pas de sous-vêtements plus ... sexy ?
Sur ces mots, elle tire un soutif de sport noir du dernier tiroir de ma commode, puis, sort un boxer féminin blanc simple. La dentelle ou les culottes transparentes s'est pas mon truc ! Désolée, les gars mais c'est comme ça.
- Non, et je ne changerai pas pour plaire à un garçon.
Encore un dernier coup d'œil et je suis prête. Ma veste de baseball rouge, un t-shirt noir YOUNG 23 GIRLS et un jean slim déchiré; pour faire plaisir à ma colocataire (Taylor), je me suis changée. Et j'espère que Alexander ne le remarquera pas. Assise sur mon lit double, Taylor feuillette un magazine people inintéressant pour ma part mais quand je fais éruption dans la chambre, elle le jette par terre et s'exclame:
- Même sans sous-vêtements sexy, tu es ... M-A-G-N-I-F-I-Q-U-E !
Quelqu'un frappe à notre porte et quelqu'un d'autre siffle. Lukas me prend les mains et me fait tourner sur moi-même. Pour ne pas que Alec remarque mon changement de vêtements s'est un peu mort. Pourtant, ce ne sont qu'eux des vêtements banals, que je mets régulièrement. Mais, heureusement, Alec s'est changé. Dans sa chemise rouge, j'en oublierai presque que ses notes ne sont pas fameuses, mais son jean ample et son bonnet gris ajoutent une touche "skateur" qui me plait - faut bien l'avouer, il est mignon. Sa chemise étant coupée mi-long au niveau des manches, j'entrevois un tatouage essentiellement noir: je devine un dragon.
Malgré les années passées sans nouvelles, il est toujours le même: rieur et tombeur. Et quand je le vois avec Taylor, la complicité qu'ils ont me rappelle celle que j'avais auparavant avec lui ou celle que j'ai avec Amanda. Et je veux retrouver l'ancien Alexander. Celui qui me faisait oublier mes problèmes, celui qui est venu à l'enterrement de ma mère et qui m'a fait sourire.
La nuit, cette ville est bien plus belle. Personne ne parle, c'est silencieux. Seuls les bruits de nos pas heurtant les dalles du trottoir retentissent. L'un à côté de l'autre, main dans la main, tout est naturel. Pas de gêne, pas de confusion. Il exprime clairement, sans hésiter, tous les souvenirs qui lui viennent à l'esprit. Il se souvient de tous nos fous rires, des surnoms que je donnais à chacun des enseignants, des fois où nous sommes allés chez le directeur.
- Et la fois où tu es allée dans le bureau du directeur pour lui dire que la bouffe était dégelasse, tu t'en souviens ?
Oh que oui, j'avais amené mon plateau-repas et le lui avait laissé dans son bureau. Comme môsieur ne voulu rien entendre, j'ai discrètement laissé un peu de viande dans un vase posé sur son bureau. Trois semaines plus tard, le morceau de viande y était toujours.
- Une fois en vacances, nous avons accroché des guirlandes lumineuses à un arbre, poursuit-il, tu te souviens de ce que je t'ai dis ce soir-là ?
Je m'arrête net au milieu de la rue déserte de la ville. Pas parce qu'il venait de me remémorer un horrible souvenir - au contraire, c'était génial - mais parce que je ne m'en souvenais pas.
- Euh ... excuses-moi mais non, pas vraiment.
Il se détend à vue d'œil. Le lampadaire au-dessus de nos têtes s'éteint, l'ampoule vient de céder. Alec poursuit son chemin:
