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« Le danger que l'on pressent, mais que l'on ne voit pas, est celui qui trouble le plus. »

Jules César

La nuit était déjà tombée.

7H 12

En sortant, elle entendit Caroline dire : -on se voit demain, d'accord.

Monica inspira profondément et hocha la tête. Elle s'engouffra dans la boutique, puis s'éloigna en direction de la zone piétonnière. Magic était le dernier magasin ouvert du quartier. Les autres avaient tous fermés pendant qu'elles se changeaient avec Caroline. Cela semblait incroyable, mais les rues s'étaient vidées en l'espace de quelques minutes.

Le vent frais se mit à souffler sur les voies piétonnes bordées de vitrines grillagées, de rideaux de fer et des portes cadenassées. Un tas de feuille quitta le sol pavé en tourbillonnant, puis retomba presque aussitôt. Elle rentra la tête dans les épaules et pressa le pas. Un étrange bourdonnement lui parvint aux oreilles et elle leva les yeux. Un réverbère semblait avoir du mal à s'allumer, diffusant une lumière vive avant de s'éteindre complètement. Monica regarda le phénomène se produire plusieurs fois de suite avant de se remettre en marche. Ce genre de chose arrivait fréquemment, se dit-elle pour se rassurer.

Et puis les autres réverbères fonctionnaient. La rue était suffisamment éclairée. Il y avait assez de lumière, certes, mais il y avait également des zones plongées dans l'obscurité. Alors qu'elle accélérait une nouvelle fois l'allure, une ombre oblique, là sur le pavé, lui donna un coup au cœur. L'instant d'après, elle réalisait que c'était la sienne. Mais une angoisse chassait l'autre. Â présent, elle avait l'impression que le bruit de ses talons produisait un léger écho, comme si quelqu'un la suivait en s'efforçant de claquer ses pas sur les siens. Le vent se leva de nouveau, entrainant des feuilles dans une ronde aérienne avant de les déposer aux pieds de Monica. D'autres feuilles s'éparpillèrent contre le rebord du trottoir, avec un bruissement semblable à un murmure plein de sous-entendus.

Curieusement, la zone d'ombre semblait s'étendre au fur et à mesure qu'elle s'éloignait. Elle était de plus en plus grande, de plus en plus large, de plus en plus volumineuse. Comme si une montagne noire s'élevait dans son dos. Non, ce n'était pas une masse informe....Ses contours étaient ceux d'un être vêtu d'une cape, d'un démon surgit des entrailles de la terre. Elle eut beau se dire qu'elle était ridicule, qu'elle était le jouet de son imagination, elle se mit presque à courir.

L'écho semblait résonner une fraction de seconde trop tard pour être celui de ses pas.

Comme une pulsation. Comme un cœur qui battait à contretemps.

Elle prit ses jambes à son cou, quittant la zone piétonne pour s'engager dans la première rue perpendiculaire. Celui qui la suivait l'avait sciemment contrainte à quitter l'artère principale pour s'enfoncer dans un secteur plus sombre et encore moins peuplé. D'ailleurs, il ne prenait plus la peine de se montrer discret. Elle en était maintenant sur et certaine : quelqu'un la suivait. Toutes les boutiques, tous les restaurants qui jalonnaient sa fuite étaient fermés.

Derrière elle, les pas étaient désormais rapides, martelant le sol à une cadence infernale. Elle avait beau se dire qu'il ne s'agissait que d'un homme, elle avait le sentiment d'être poursuivit par un être démoniaque qui n'appartenait pas vraiment au genre humain. Un être qui suintait le mal.

Ou était donc passés les habitants de cette ville ?

Des poupée de cire lui offrirent leurs sourires bienveillants derrière la vitre d'un magasin. Un bâtiment historique, fermé au public, venait ensuite. De l'autre côté de la rue se trouvait le mémorial édifié à la mémoire des victimes disparues dont les corps n'ont jamais été retrouvés. Et le cimetière. Curieusement, ses grilles étaient largement ouvertes. Monica se demanda vaguement pourquoi, mais elle n'avait pas le temps de se poser de question, et encore moins d'y répondre. Y pénétrer pouvait paraitre suicidaire, mais elle connaissait les lieux comme sa poche. Elle pouvait le traverser à toute vitesse, même en plein nuit, et espérer que son poursuivant se perdrait dans la pédale des vielles tombes.

Et puis, il gagnait du terrain, et elle n'avait pas de meilleure stratégie. Elle fonça à travers les grilles écartées, avant de s'arrêter net. L'ombre n'était plus derrière elle.

Elle se retrouvait quelque part, devant elle.

Elle resta figée, avec à sa droite la section où reposaient les jeunes enfants, à sa gauche les ruines d'un monument funéraire, en face une haute stèle.

Elle savait que quelqu'un, quelque chose, l'avait conduite jusqu'au cimetière, puis avait trouvé le moyen d'y parvenir avant elle pour lui bloquer le passage et la retenir ici.

Des mots chuchotés s'invitèrent dans sa tête. « Viens...Plus près, plus près....Incline-toi devant moi, viens.... » Ces mots l'attiraient, comme une invitation à laquelle on ne pouvait se soustraire. Ils évoquaient une colline ou se mêlaient le pouvoir, la vie et la mort.

« Honore-nous....Vénère-nous..... »

L'obscurité s'épaissit autour d'elle, prenant une forme, un volume, comme si elle devenait une matière vivante.

Impossible....Elle se faisait des idées. Ce n'était rien d'autre que le pouvoir de la suggestion ; son cerveau qui lui jouait des tours en donnant vie à ses frayeurs. C'était comme si sa faculté de se mettre à la place d'une victime disparue.... (De ressentir ce qui leur été arrivé en combinant logique et intuition pour débrider son imagination)....s'était soudain retournée contre elle, créant un monstre avec les peurs qui la hantaient depuis la découverte de ces disparitions, a cela s'ajoute le danger dont lui avait averti la vielle femme.

La magie noire.

Pour chasser cette ombre mouvante qui semblait communiquer avec elle par télépathie, pour le gommer, elle devait sortir de cet état de réceptivité à ses propres angoisses.

Et personne n'allait lui faire du mal, pas même le diable, eut-il jaillit de l'enfer dans le seul but de s'en prendre à elle.

-Non, balbutia-t-elle pour se donner du courage puis plus fermement, elle dit d'une voie déterminée.

-Non,

Elle scruta les ténèbres qui enveloppaient le cimetière quand une lueur dorée semblable à une flamme prit possession de son être. C'était son énergie.

Puis elle cria plus fort.........Plus fort.

-Nooooooonnnn !!!!!

Ce fut l'explosion totale. Son énergie couleur or révulsa toute trace d'ombre autour d'elle. L'obscurité qui semblait encore si intense, si compacte la seconde d'avant, se déchira en l'espace d'un instant.

Sarioki : "Je suis de l'ombre"Où les histoires vivent. Découvrez maintenant