-Chapitre 2-

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Le silence envahit la pièce pendant plusieurs minutes. Je décide d'aller me coucher pour rattraper mes heures de sommeil perdues. Je grimpe sur le lit qui m'est destiné depuis maintenant 17 ans. Je m'allonge et contemple le lustre qui n'a pas changé depuis ma dernière visite. Je commence à m'assoupir quand Agathe prend la parole.

- Il faut que l'on trouve absolument un autre moyen de se cacher!

J'entends Cristal soupirer dans le coin de la pièce. Je la comprends.

- Il n'y a plus d'espoir, on a tout essayé, lançai-je.
- Non! cria Agathe, bien sûr que non. Il y a toujours une solution.
- Alors quoi? demanda Jade, désespérée.
- Justement, il faut réfléchir toutes ensemble! répondit Agathe.

Je descends de mon lit pour montrer mon enthousiasme même si je sais pertinemment que cette discussion ne mènera à rien. Célestine fait de même. Je m'assois par terre et réfléchis.
Nos parents sont très gentils. Ils nous ont sûrement offert la meilleure éducation. Ils sont strictes, certes, mais c'est compréhensible pour pouvoir gérer quatorze filles. Ils se sont rencontrés à mon âge. J'aimerai aussi pouvoir rencontrer le "prince charmant". Je n'ai jamais vu de garçon, hormis mon père. Je les imagine grâce aux nombreux livres que j'ai lu. Cela peut paraître dingue mais nos parents nous interdisent de les approcher. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes actuellement enfermées dans cette pièce que l'on appelle "le Cachot".
Ils nous ont promis que nous pourrions accéder à l'extérieur lorsqu'ils auront un garçon. Ils veulent que leur propre fils devienne l'héritier du Royaume. En effet, si l'une d'entre nous se marie, son époux est nommé héritier du Royaume. Mes parents ont donc peur que l'on tombe amoureuse. Je trouve cela égoïste de leur part. Ma mère enchaîne les grossesses depuis 25 ans dans l'espoir d'avoir un jour un fils mais elle n'a eu que des filles. J'ai 8 petites soeurs dont deux jumelles. J'ai donc espéré sept fois avoir un petit frère. J'adore quand même mes soeurs!
La dernière fois que nous avions élaboré un plan, nous avions réussi à dévérouiller la porte et à nous réfugier dans le jardin. Les gardes n'ont pas pris beaucoup de temps avant de nous retrouver. Depuis, ma mère exige que l'on enlève nos chaussures avant d'entrer dans le cachot pour éviter toute tentative de fuite.
La porte s'ouvre, me sortant de mes pensées et laissant entrer une domestique avec un long charriot. Elle nous apporte le repas. Il doit être midi. Cela signifie que cela fait au moins une demi heure que nous sommes ici. Je me dirige vers le buffet et sors les assiettes ainsi que des couverts. Le charriot est déposé au centre de la pièce pour que tout le monde puisse se servir. Nous sommes tout de même très gâtées pour des prisonnières. Agathe reprend sa question.

- Alors? Quelqu'un a une idée? Reprit-elle.
- Agathe... Cela ne sert à rien, tu as bien vu la dernière fois, et puis on pas si mal ici!, répondis-je. On a un service de qualité, des lits douillés et en plus on est toutes ensemble pour une fois!

Elle ne répondit pas. Mais après tout j'ai raison, que l'on soit ici ou dans nos chambres, cela ne change rien! J'aime bien cet endroit, je suis sûrement la seule. Je m'en veux de ne pas être aussi proche de mes soeurs. Je me suis renfermée sur moi-même vers l'âge de 12 ans. Je ne voyais aucun intérêt à ma vie. Je ne savais même pas pourquoi on nous enfermait. Ma mère me disait que c'était pour nous protéger des méchants. Tout ceux qui viennent de l'extérieur sont méchants. On mange toutes dans le silence, seul le buit des couverts qui touchent le fond des assiettes résonne dans la pièce. Je réserve quelques morceaux de viande dans ma poche pour Victoire. Une fois terminé, la domestique repart avec son charriot et nos assiettes vides.

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