Breslau, dimanche 22 septembre 1940
Je suis très content aujourd'hui. J'ai reçu deux cartes : une cette semaine et une ce matin. Je suis enfin rassuré après quatre mois sans nouvelles.
Breslau, dimanche 27 octobre 1940
Il y a déjà trois mois que je suis ici à Breslau. Ça passe lentement, mais ça passe quand même. Avec les dix copains, nous attendons qu'on nous libère, mais il ne me semble pas que ce sera pour cette année. J'espère quand même qu'à Pâques je serai à la maison. J'ai une très bonne mine maintenant. Je pèse près de 70 kilos. Ce matin, en me réveillant, j'ai constaté l'arrivée de madame la neige. C'est maintenant l'hiver. Nous nous baladons dans la cour de la Fabrique chaque dimanche. Nous faisons la chasse au gibier, car il y a ici un petit bois. Ce matin, nous avons loupé un beau lièvre. Dommage, on se serait régalé. Avant de m'endormir tous les soirs, je pense à vous. J'ai quelquefois le cafard en travaillant, mais je le chasse vite et je pense au retour. J'échafaude alors des projets d'avenir. En ce moment (il est 16h) vous pensez peut-être à moi. Vous êtes peut être tous réunis chez marraine et vous causez. En fermant les yeux, je vois Roger, oncle Jean et tante Juliette jouer aux cartes. Ma petite cousine Bernadette doit courir maintenant et je suis ici, prisonnier en Allemagne, à plus de 1500 km de chez vous. Comme il ferait bon vivre là-bas dans notre douce France. Mais cela reviendra. Je suis jeune. J'entre dans la vie et j'espère vivre à mon retour une petite vie bien tranquille. Je la vivrai d'autant mieux après avoir souffert, après en avoir été privé, et surtout après avoir frôlé la mort et vu tant de malheurs.
Breslau, dimanche 3 novembre 1940
Déjà novembre. Déjà et seulement, car je voudrais être au mois de mars 41. Je serais sûrement près de la quille (cf note de bas de page) à ce moment-là. D'après les ouvriers civils, nous serons en France d'ici quelques mois. Et si c'était vrai ? Enfin, j'attends et j'espère. Il n'y a que cela à faire.
J'ai reçu cette semaine avec une très grande joie, deux colis : un d'un kilo et un de cinq. Il y avait du linge et de la nourriture : du chocolat, du sucre, des gaufrettes et des conserves. J'ai tout ce qu'il faut maintenant. Je suce de temps en temps un morceau de sucre ou de chocolat. Je me régale avec les gaufrettes. Je mets de côté les conserves au cas où l'on partirait d'ici. Nous avons touché également 26 marks et 60 pfennigs cette semaine. J'ai acheté du cirage, du fil, une aiguille, du tabac et un briquet. Nous sommes très bien ici. Nous laissons des restes à tous les repas maintenant. Ce n'est plus Sagan. Nous avons mangé du chou rouge et un beau morceau de viande ce midi.
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Journal d'un prisonnier de guerre
Non-FictionCeci n'est pas une fiction. C'est le journal d'un jeune homme de 21 ans, qui a été fait prisonnier au tout début de la Seconde Guerre Mondiale. Il est resté prisonnier en Allemagne de Juin 1940 à avril 1945. C'était aussi mon grand-père. J'en ai hér...