Ángelos |✔️

III. Madilyn

« Je dois bien l'ajuster » m'étais-je dit. Mon visage était tout rouge. C'était la première fois que je me préoccupais de bien mettre le corset. Personne ne m'avait jamais vue dans cet état. « Oh ! Mince... Qu'est-ce que je raconte ? » Il allait encore venir me voir. Il me l'avait fait savoir, à sa manière, comme il le faisait d'habitude. Il était différent de tous, ici. Il avait sa propre façon de faire. Je l'appréciais (un peu) plus que mes autres frères, je ne pouvais pas m'en empêcher. C'était incorrect et je le savais. Il le savait peut-être aussi... Mais on n'avait jamais rien fait ! Rien de mal... Non, pas pour le moment... Et je n'avais pas l'intention de le faire. Jamais.

Il arriva. Il s'assit en silence et me regardait. Je m'assis à ses côtés :
— Tu es encore fatigué... Qu'est-ce qu'il te prend ?
D'habitude, il était énergique et amical, beaucoup plus que n'importe qui. Mais quand il venait me voir, c'était pour une raison bien précise.
— Lyn...
— Oui ?
Il ne me disait jamais tout de suite à quoi il pensait. Il réfléchit, regarda ses doigts... Puis, il parla en me regardant vivement dans les yeux :
— Me vois-tu comme eux ?
— Euh... Comme qui ?
J'essayais d'éviter de le regarder directement, même s'il me suivait du regard. Il semblait triste, curieux et fâché à la fois. Des questions comme celle-là étaient normales, chez lui. J'essayai de lui répondre de façon négligente.
— Comme eux... me dit-il encore, timidement.
Je lui souris délicatement. Il me regardait toujours, un peu étonné, comme s'il attendait de moi une réponse claire qui allait résoudre tout son inconfort.
— Eh bien... non. Oui, je pense que non. Tu n'es pas comme eux parce que tu n'es vraiment pas intelligent ! De tous les anges, je suis certaine que le plus con, ça doit sûrement être toi. Mais, évidemment, tu as aussi tes propres qualités... Je crois...
Il me regarda, papillota à plusieurs reprises, puis soupira discrètement. Il sourit et se mit à rire comme si j'avais sorti la meilleure des blagues alors que j'étais vraiment nulle comme comédienne. Mais ça me faisait plaisir de le voir rire. Ses yeux se fermaient, j'aimais les rides qui apparaissaient sous son regard, laissant voir un Lucifer joyeux et irrésistible. Sa frange argentée, je l'adorais. Et sa voix ? J'avais moi aussi une voix charmante et mature... Mais lui... C'était simplement inexplicable l'effet que cette voix faisait sur moi... S'en rendait-il compte ? Savait-il ce qu'il provoquait en moi ? J'espérais de tout mon cœur que non... C'était interdit, totalement hors la loi.
— Tu es aussi sincère que d'habitude, je n'en peux plus ! Ha ha ha !
— Mais arrête de rire !
— Ha ha ! J'arrête, j'arrête, ah ah... Lyn.
— Quoi ?
— Merci...
Il avait toujours ce regard séduisant... Toujours.

Il aimait mes cheveux. Il me le disait, et il les caressait dès qu'il en avait l'opportunité. Moi, j'aimais le serrer entre mes bras, et je le faisais aussi sans hésiter quand j'en avais l'opportunité. Nous, ce n'était pas commun. Il se leva et s'apprêta à partir sans rien dire. Je le pris par la main un moment avant de le lâcher, je ne voulais pas qu'il s'en aille. Je voulais qu'il reste. Il s'approcha de mon visage et, inconsciemment, je fermai les yeux. Cet instant a perduré dans ma mémoire jusqu'à maintenant. Dans ma tête, il s'était passé des choses impensables. Quand j'ouvris mes yeux, il n'était plus là. Mais que croyais-je ? À quoi m'attendais-je ?

Il était parti... Cette soirée, je m'en souviendrais éternellement. Oui... Ce fut la dernière fois... Mais il ne m'a pas manqué. Non, il ne m'a sûrement pas manqué. La raison est simple, et c'est que... Lia est là. Je m'étais rendu compte que j'avais besoin de quelqu'un. Quelqu'un de spécial. Aussi énergétique et amical que lui. Elle avait le même regard séduisant. Sa voix, claire, résonnait dans le ciel et ses mélodies étaient indescriptibles... Mais elle n'était pas aussi accessible que Lucifer. Elle ne venait pas me parler. Elle essayait toujours d'échapper à ses obligations d'ange et me les faisait faire à moi. Et parfois, elle disparaissait...

Ces derniers jours on avait commencé à se disputer souvent :
— Lollia ! S'il te plaît, tu ne vas pas recommencer...
— Allez ! Remplace-moi ! Je veux juste essayer de trouver une histoire pour passer un bon moment. Il y a tant de jolis écrits dans ces bibliothèques, je ne peux pas résister à la tentation d'aller les lire ! Prends ma place aujourd'hui aussi, s'il te plaît !
— Mais je ne veux pas ! J'ai aussi des choses à faire, moi !
— Je t'apporterai quelque chose de bon ! Je compte sur toi ! À plus tard !
— LOLLIA !
C'était à chaque fois comme ça. Que trouvait-elle d'intéressant à ces parchemins ? Elle aimait vraiment lire ? Mais, alors, elle n'avait qu'à lire les écrits d'ici ! Pourquoi désobéir et risquer d'être punie ? Je n'arrivais pas à les comprendre, ni elle, ni lui... Ou c'était probablement que je ne voulais pas comprendre.