Mes yeux se posent sur des valises, je la regarde à nouveau avec la peur au ventre, tout s'effondre autour de moi. Je crains ce qu'elle va m'annoncer. Je ne veux pas repartir. Aucun mot ne sort de ma bouche, je suis figée. Ses lèvres bougent, mais je n'entends rien, j'aimerais juste m'enfuir.
- Mia, tu m'écoutes ?
Je la regarde agiter ses bras, mais j'ai l'impression d'être paralysée, mais je hurle au fond de moi.
- Mia il faut que je te parle.
Je sors de ma rêverie et lui fais oui de la tête.
- Viens t'asseoir on va discuter tu veux.
- D'accord.
- Comme tu as pu le voir, j'ai fait mes bagages, je retourne chez tes grands-parents, je ne suis pas bien. Il est nécessaire que je change d'air, de réfléchir à tout ce qu'il se passe en ce moment, je suis complètement perdue.
- Comment ça tu pars chez mamie ?
- Oui, toi tu as ta sœur, mais moi je n'ai personne, donc je pars, seule.
- Mais moi je fais quoi ?
- Je désire vivre pour moi maintenant tu comprends. Je dois me reconstruire. Tu as gâché ma vie, si j'avais su ce qui allait m'arriver, je n'aurais jamais fait d'enfants.
Je reste là sans bouger, affligée, par ces mots affreux qui résonnent en moi. Je n'en reviens pas qu'elle ose me dire en face sa déception de nous avoir mis au monde. J'ai l'impression d'étouffer, je ne sais plus respirer, j'ai envie de pleurer, hurler, je la déteste. Elle est là, à me regarder sans un brin de remord ou de tristesse. Qu'elle se sauve, ce sera mieux. Je sors de mes rêveries quand elle me dit :
- Bon, je décolle, je pourrais louper mon bus, ta sœur doit passer ce soir de toute façon.
- Elle est au courant que tu t'absentes ?
- Non, je l'appellerai sur la route, elle s'occupera de toi, tu ne seras pas seule.
Je me dirige vers le canapé pour mettre fin à cette discussion. Je l'entends s'éclipser et le silence s'installe dans l'appartement. Des idées commencent à me passer par la tête pour avoir enfin la paix, peut-être seraient-ils tous mieux si je n'étais plus là, et moi je ne souffrirai plus. Mes pensées dérivent vers Dean, j'étais si bien dans ses bras. C'est quoi ce besoin d'avoir toujours des nouvelles de lui ? Je me sens si vivante en sa présence, il arrive à atténuer ma blessure.
Je ne sais pas combien de temps je suis restée assise à réfléchir, mais je vois que le jour décline petit à petit. Je décide de me lever et d'aller me laver, une fois dans la salle de bain j'ouvre le robinet de la baignoire pour faire chauffer l'eau, je me déshabille et y rentre pour prendre une douche bien chaude. Je la laisse couler sur ma peau froide, des frissons de satisfaction me parcourent l'échine et ça détend mes muscles presque aussitôt. Je commence à imaginer l'effet que Dean pourrait avoir sur mon corps, les battements de mon cœur se mettent à accélérer. Mais qu'est-ce qui m'arrive là ? Je délire, ce n'est pas possible. Je sors et me sèche pour ensuite enfiler un jogging.
Je quitte la salle de bain et vais dans la cuisine. Je regarde ce que je pourrais manger, mais il n'y a pas grand-chose. Ok elle n'a même pas fait de courses pour moi. C'est pas grave, de toute façon je n'ai pas faim. J'avale mon traitement, s'il y a bien une chose que je n'oublierais pas d'absorber c'est bien ça. Je bois un grand verre de jus d'orange et pars en direction du canapé. Quelqu'un tape à la porte, mais je n'ai pas envie d'ouvrir, et puis de toute façon le verrou n'est pas fermé, donc il entrera si c'est important. Au bout de quelques minutes j'entends la voix de ma sœur qui m'appelle, je me retourne, la regarde s'avancer vers moi, et là elle commence à me dire :
- Coucou mon cœur comment ça va ?
- Coucou, ça va et toi ?
- Ça va, où est maman ?
- Partie.
- Comment ça ?
- Elle s'est barrée.
- Où ça ? Explique-moi s'il te plait.
Je me mets à lui raconter tout ce qu'il s'est passé et dit avec notre mère, en gardant les paroles blessantes de celle-ci de côté. Je ne sais pas pourquoi je suis comme ça, mais je me sens obligée de la protéger. Ma sœur m'examine, choquée, et surtout furieuse de la façon dont elle m'a plantée, livrée à moi-même. Je me dis que mon niveau de dépression ne pourra pas s'aggraver, mais je le garde pour moi, je m'imagine qu'elle est assez contrariée pour ne pas en rajouter. Mon beau-frère nous étudie sans rien dire, mais on voit bien dans son regard qu'il y a de la rage et de la haine.
- Tu dors à la maison ce soir, je ne te laisse pas là, surtout qu'il n'y a rien dans le frigo.
- Ça va aller ne t'en fais pas.
- C'est hors de question, c'est quoi cette mère ?! Je suis tellement désolée mon cœur.
-Tu n'y peux rien, je te jure.
- Je me sens coupable que tu aies vécu tout ça, si j'avais été là il ne t'aurait rien fais, pardonne-moi.
- Tu n'as rien à te reprocher, je te le promets. Toi et papa êtes les deux personnes les plus importantes de ma vie.
Je vois ma sœur me préparer un sac de vêtements, je repense à mes chiens que j'ai dû abandonner, mes deux bébés. Mozart avait des poils blancs à taches noires et Beethoven, lui, était blanc à taches marron. Ils étaient si malheureux en vivant enfermés dans notre salle de bain, à ne jamais quitter l'appartement ou alors à se faire taper par ce qu'il faisait leurs besoins par terre. J'avais beau expliquer que si on les promenait ils ne feraient rien, mais non c'était trop dur à comprendre. Je m'en occupais, pour les balader et les nourrir, nettoyer la salle d'eau lorsque je rentrais du travail, mais ce n'était pas assez. Je sens mes larmes recouler par ce que je me demande si on leur a trouvé une famille aimante ou si on les a piqués, au moment où nous les avons déposés, nous avons dû dire que l'on venait de les récupères dehors, abandonnés. Ils n'avaient aucun vaccin, ma mère n'avait jamais jugé ça utile, ni de carnet de santé. Ils m'ont observé et je voyais dans leurs yeux qu'ils étaient malheureux que je les laisse, mais on ne pouvait pas faire autrement. Ils pleuraient en avançant, Amber et mon beau-frère les tiraient. Ça m'a déchiré le cœur. Je crois que je n'oublierais jamais cette scène. Ma sœur me sort de ma rêverie en essuyant mes larmes et en me demandant ce qu'il se passe. Je préfère lui dire que tout va bien, je ne veux pas qu'elle se reproche encore plus de choses, elle n'avait pas le choix. Elle m'a répondu d'accord, mais je sais qu'elle cogite autant que moi et que les heures de sommeil lui manquent aussi.
- On y va mon petit cœur ?
- Oui.
- Alors allez, c'est parti.
- Mon traitement, il ne faut pas l'oublier.
- T'inquiète pas, je l'ai pris.
- Ok.
Le reste de l'après-midi se déroule tranquillement, pour une fois je me sens moi, et c'est merveilleux.
*****
Pendant la soirée, nous avons mangé et regardé la télévision, puis je décide de me doucher pour ensuite aller me coucher. L'eau me fait énormément de bien sur le corps, je me délasse de cette journée horrible. Une fois sortie, je m'enroule dans un énorme drap de bain et attends d'être sèche. Je prends mon téléphone et envoie un message à Dean :
- Bonsoir, j'espère que tu vas bien? Moi ce n'était pas terrible, ma mère est partie, mais bon c'est comme ça. Passe une excellente soirée. Mia.
Je n'ai même pas le temps de poser mon portable qu'il se met à sonner, je regarde l'écran et vois que c'est lui. Je ne veux pas lui parler, j'en ai eu assez pour aujourd'hui. Je le place sur la table de chevet et décide d'ignorer appels et messages pour ce soir. Je dis bonne nuit à ma sœur et mon beau-frère. Je me dirige dans la cuisine pour prendre mon médicament et pars ensuite dans ma chambre. Je me couche triste et blessée par les paroles de ma mère qui tournent en boucle dans ma tête. J'ai juste envie qu'on souffre autant que moi et malheureusement je pense que Dean sera ma victime.

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coeur meurtri
Roman d'amourMia est une jeune femme de 28 ans, elle n'a rien d'exceptionnelle, juste une fille banale. Enfant, elle avait des rêves, comme tous les autres. Du moins, elle pensait, sauf que du jour au lendemain, on lui a tout arraché et il ne lui reste plus rien...