Kugelis

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Alana s'est débrouillée avec le directeur de l'hôpital afin que je puisse sortir de ce putain d'endroit en fin de semaine. Après avoir signé quelques papiers, comme si à mon âge j'avais encore besoin d'une tutrice. De toute façon, je sais pertinemment qu'elle ne sera pas sur mon dos, du moins, pas trop. Je l'espère. Je sais qu'elle veut bien faire, mais être seul me conviendrait mieux. Je la laisse cependant venir me chercher, puisque je n'ai pas d'argent sur moi pour payer un taxi. Alors lorsqu'elle arrive enfin, je charge mes affaires sur les sièges arrières de son véhicule avant de m'installer sur le siège parallèle au sien. Un « merci » traverse la barrière de mes lèvres suite à quoi, elle m'annonce qu'elle me ramène chez moi. Chez moi. Mes doigts se crispent une nouvelle fois sur mon jeans, une boule se forme dans mon ventre et j'ai bizarrement envie de vomir. Mon attitude ne lui échappe visiblement pas, c'est pour cela qu'elle me propose de m'héberger chez elle, si retourner là-bas est trop dur pour moi. Cependant, je refuse. Je refuse parce que je sais qu'elle s'est sentie obligée de me le dire, par pitié. Et je n'ai pas besoin de sa pitié. Je n'ai besoin de rien, si ce n'est toi. Alors je lui demande de me conduire jusqu'à toi. C'est à ce moment là que je remarque ses mains, ces dernières se sont resserrées autour du volant et elle fronce ses sourcils avant de se ressaisir et d'acquiescer par un signe de tête. Je sais que je ne devrai pas, mais je n'ai pas eu l'occasion de vraiment te dire au revoir, ça ne devrait pas la surprendre. D'ailleurs, je me demande qui est venu à ton enterrement. Jack ? Alana ? Bedelia ? Ou bien, ils t'ont tout simplement enterré sans cérémonie, ce qui est fort probable. Qui voudrait assister aux funérailles du célèbre éventreur de Chesapeake ? Freddie Lounds. Je l'avais presque oubliée durant ces dernières semaines. Peut-être qu'elle est sur le point de publier son fameux livre, que je jetterai avec plaisir au feu.

Quelques minutes après, peut-être même une heure après, Alana se gare sur le parking du cimetière de Baltimore. Je l'entends me dire qu'elle peut m'attendre, mais je la contredis une nouvelle fois tout en lui assurant que tout ira bien, que je me débrouillerai en suite, qu'elle peut rentrer voir son fils. Je m'attends à ce qu'elle proteste mais pour toute réponse elle hoche sa tête. Alors je sors, en récupérant mon sac à dos.

    Je n'ai pas eu de difficulté à te repérer parmi ces pierres tombales, puisque tu fais parti de celles qu'on ne remarque presque pas, dans un coin, où rien n'est présent, même pas un seul bouquet de fleurs. Et sur cette pierre, je peux y lire ton nom, mal gravé. Hannibal Lecter. Je détourne mon regard de ces lettres, parce que c'est trop dur de les observer et je décide de m'asseoir en face de cette dernière. Je ne sais pas ce qui me prend, mais c'est après un long soupir que je fais présence de ma voix.


    - Bonjour, Hannibal. Je suis désolé, je n'ai rien apporté, j'aurais dû ? Sûrement. Si tu pouvais voir où ils t'ont laissé, tu aurais détesté. Je déteste qu'ils t'aient négligé comme ça, ce n'est tellement pas... Toi. Et je suis désolé de n'avoir rien fait par rapport à ça et de ne pas être venu te voir plus tôt, j'ai été... Occupé pendant quelques temps. Je m'arrête pendant quelques secondes, tandis que mes doigts jouent nerveusement entre eux, puis je reprends. Tu sais, j'ai repensé à cette nuit. On aurait dû fuir. Pourquoi tu m'as laissé nous faire ça ? Ce n'est pas toi qui rêvais de partir, loin d'ici ? Loin de Jack, loin du FBI et de toute cette merde ? Je passe l'une de mes mains sur mon visage, tout en laissant un faible rire m'échapper et en jetant quelques regards autour de moi. Désolé, je sais que tu n'aimes pas les gens vulgaires. Et je me retrouve à parler à voix haute, à une tombe. Mais j'aimerai tellement que tu saches à quel point je suis désolé de ne pas avoir compris plus tôt que tu es mon choix, mon putain de choix. Et je suis désolé de t'avoir rejeté après que tu m'aies ramené chez moi, tu sais, après Mason. On aurait dû fuir à ce moment là. Ou plutôt pendant cette fameuse nuit, avec Abigail. J'ai foiré. J'ai complètement foiré et je vous ai perdu tous les deux. Tu crois que c'est normal de ressentir une telle douleur, hein dis-moi ? C'est ce que tu voulais non ? Puisque tu es mort et que moi, je suis toujours ici, sans toi. Puisque tu prévois toujours tout. Puisque finalement si j'ai un train d'avance sur toi, c'est que tu en as déjà deux sur moi. Tu es curieux de savoir ce que je compte faire après toi, c'est ça ? Alors tout ça, ce n'était que du bluff ? Ça n'a jamais été sincère pour toi ? Putain, réponds-moi ! Tu n'avais pas le droit de me dire toutes ces choses, tu n'avais pas le droit de partir sans moi. Pourquoi tous les gens qui comptent dans ma vie finissent-ils par s'éloigner de moi ? Je me surprends à hausser la voix et à sentir quelques perles roulées sur mes joues, ces dernières que je n'ai même pas remarqué jusqu'à présent. Alors je réplique, plus calmement cette fois-ci. Alana est venue me dire que Chilton est mort, il n'a pas survécu à ses brûlures. Et Bedelia si tu savais ce qu'elle a fait... Puis... Tu me manques, Hannibal. Je ne crois pas que j'aurais pu te le dire en face, mais ce n'est pas comme si tu allais apparaître tout d'un coup devant moi alors... Tu me manques. Avant toi, j'étais bien trop occupé à me morfondre, à me détruire dans un coin puis t'es venu, tu m'as montré une nouvelle perception de la vie et tu m'as accepté pour deux. Alors oui, je me sens encore plus mal qu'avant ton arrivée, mais merci. Finalement, je dirai que tu es la meilleure chose qui me soit arrivée dans la vie, mais tu es aussi la pire. Un ange passe et je me relève enfin en attrapant mon sac. Je ne pense pas que je reviendrai te rendre visite d'ici quelques temps, mais je te promets que je le ferai, une fois que j'aurai terminé ce que tu veux que je fasse. A bientôt, Docteur Lecter.





C'est après avoir posé ma main sur le granit,que je tourne les talons jusqu'à la sortie, en chassant les quelques larmes encore présentes sous mes yeux, à l'aide ma manche. Je ne sais pas si t'avoir adressé ces quelques mots m'a fait me sentir mieux, mais je me sens beaucoup plus déterminé et j'ai un plan. Il faut que je retourne chez moi, prendre quelques affaires en plus, il faut que j'appelle Jack. Ou plutôt non, c'est lui qui me contactera bientôt. S'il pensait s'être débarrassé des horreurs de l'éventreur de Chesapeake, il n'a encore rien vu. Et je compte bien accomplir cette promesse que tu as fait à Alana, il y a de ça un an. Tu vois Hannibal, ta mort n'a pas annoncé la fin mais le début de quelque chose de grand, de fort, le début de ma résurrection.

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