Vedarai

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« Je ne peux plus lui mentir. »

Ces mots résonnent bruyamment à l'intérieur de ma tête, à tel point que je me demande si je ne vais pas me mettre à crier. D'ailleurs ils me remarquent, tous les deux. Je remarque l'air terrifié que prend Alana, je peux entendre le soupir de Jack avant qu'il ne passe sa main sur son visage. Puis, je l'observe nous faire signe d'entrer. Il faut que je sache. J'ai l'impression de perdre la tête, plus qu'avant en tout cas. Et je suis complètement perdu, c'est comme si je me réveillais d'un long sommeil, comme si je ne savais plus vraiment qui j'étais, où je vais, dans quel but. Mais après tout je n'ai pas tellement tort, c'est après m'être réveillé dans cet hôpital que tout a changé. Que tout s'est empiré.
J'entre dans sa maison quelques secondes après Alana, me dirigeant automatiquement vers son salon où est déjà assise cette dernière. Et lorsque je m'assois près d'elle, elle s'empresse de prendre ma main ce qui me fait hésiter. Est-ce que j'ai réellement envie de savoir ce qu'ils me cachent ? Cependant, je n'ai pas le temps d'y réfléchir que Jack s'installe sur son fauteuil, en face de nous. Il croise ses doigts entre eux, en prenant cet air sérieux, qui pourrait terroriser n'importe quel môme. Mais je ne suis pas un môme.

- Hannibal est vivant.

Dix coups de couteau, mille balles dans l'épaule, dix mille chutes du haut d'une falaise. Rien n'est assez grand comparé à la douleur que je ressens maintenant. Et c'est tellement bizarre, parce que d'un côté je suis tellement soulagé que tu sois encore là. Sans m'en rendre compte, je resserre l'emprise de ma main sur celle de Alana. Sans m'en rendre compte, je crois que je me suis arrêté de respirer.
Mais putain, si tu es vivant, pourquoi n'es-tu pas venu me chercher ? Pourquoi tu m'as laissé pourrir dans ce putain d'endroit ? Pourquoi tu m'as laissé croire que tout était perdu ? Que je t'avais perdu. Où est-ce que tu es maintenant ? Est-ce que tu vas bien ? Et pourquoi bordel, te faire passer pour mort ? J'aurais dû le savoir. En voyant la peur dans les yeux de Jack ce matin. J'aurais dû le savoir en sachant qu'ils envoyaient tes affaires en direction de Quantico. Ils te cherchent.

- Avant tout Will, je veux que tu saches qu'on a décidé de te le cacher pour ton bien. Poursuit Jack. Hannibal te manipulait, il n'est bon pour personne et encore moins pour toi. Il fallait que l'on arrive à t'en éloigner, d'une façon ou d'une autre.

- J'étais contre ça. Intervient Alana. Mais je me suis aussi dit que ça pourrait te donner une chance de tout recommencer, de repartir sur de bonnes bases. Oh Will, je suis désolée.

Putain, mais qu'est-ce qu'ils me racontent là ?

- Hannibal a pris la fuite. On l'a aperçu dans une station service un jour après que l'on t'ait retrouvé, apparemment il aurait quitté le pays et c'est fort probable, encore une fois. On pense qu'il est monté à bord d'un bateau de clandestins qui se dirigerait vers l'Europe. On en est pas sûr, on a perdu sa trace après ça, tout ce qu'on sait, c'est qu'il pense que ne nous le croyons mort.

Je manque de m'étouffer avec ma propre salive quand Jack ajoute cette dernière phrase. C'est une blague. Une putain de blague. Tu ne m'aurais jamais laissé, pas après ce qu'il venait de se passer ce soir là. Avant que je ne nous pousse, tous les deux, dans l'eau. Ce n'est pas possible. Je ne peux pas y croire, pourtant c'est la vérité. Tu m'as abandonné. Et je ne sais pas ce qui est le pire, que tu m'aies laissé, ou que tu n'aies pas essayé de savoir si j'étais en vie. Parce que tu ne l'as pas fait, pas vrai ? Parce que finalement, je ne suis qu'un pion de plus dans ton jeu d'échec. Et je suis le fou que tu as voulu sacrifier. J'ai subitement envie de hurler, de pleurer, les deux à la fois. Je me redresse sans prendre la peine d'ajouter un seul mot, je prends le chemin jusqu'à la sortie sans m'arrêter lorsqu'ils prononcent mon prénom à de nombreuses reprises. J'ai vraiment dû être le pire des salauds dans une vie antérieure pour vivre toute cette merde aujourd'hui. Je n'ai jamais été ce gars populaire à l'école, mais plutôt le petit nouveau dont personne ne se préoccupe. Je n'ai pas eu de mère qui puisse me border le soir ou je ne sais quelles autres conneries. Je n'ai jamais eu de chance avec les filles, je n'ai jamais su ce que je voulais faire et je n'ai même pas réussi à passer les tests du FBI. Pourtant, dans cette vie, j'ai trouvé mon âme-sœur mais qui s'avère être un putain de sociopathe cannibale. Mais quelle vie merdique.

Je rejoins le véhicule de Alana quelques secondes après, je monte du côté du conducteur en démarrant sans perdre encore plus de temps. Heureusement pour moi, elle a laissé les clefs sur le contact, puisque de base elle ne pensait pas que je descendrais de la voiture. Je ne sais pas où je vais. Si seulement tu étais ici, je t'aurais foutu mon poing à la gueule. Et c'est d'ailleurs sur la route, que je l'aperçois. Ce cerf élaphe. Ce même cerf qui me suit depuis trois ans déjà. Je le vois également, ce wendigo qui tire sur son bois ramifié jusqu'à l'arracher. Je perds la tête. Qu'est-ce que tu me fais ?

*********

- Que faites-vous ici, Will ?

Sans prendre la peine qu'elle se décale, je mets un pied à l'intérieur. Bedelia ne semble pas vraiment surprise de me voir. Comme si elle savait que tôt ou tard j'allais venir la voir pour des explications. Seulement je n'ai pas le temps de discuter, je plaque mon avant-bras sur son cou et je la pousse jusqu'à ce que son dos rencontre le mur. Un rire s'échappe de ses lèvres, ce qui me déstabilise un court instant. Putain, pourquoi tout le monde est complètement frappé dans cette ville ?

- Où se trouve-t-il ?

- Je n'en ai aucune idée.

Je perds patience. C'est après l'avoir attrapé par le bras que je la tire jusqu'à atteindre son salon, où une fois dedans je la pousse sans douceur sur son fauteuil. Même maintenant, la seule émotion que je perçois chez elle c'est l'amusement. Et je déteste ça.

- Ecoutez-moi bien, Bedelia. Je ne le répéterai qu'une seule fois et vous savez autant que moi que je n'aurai aucun scrupule à vous arracher ce sourire de votre visage si je n'ai pas ma réponse.

Elle resserre son peignoir de chambre autour de sa taille et c'est là que je remarque sa prothèse. Alana ne m'a pas menti, elle s'est elle-même coupée son mollet.

- Pensez-vous sincèrement que le docteur Lecter vous aurez abandonné alors qu'il avait trouvé en vous ce qu'il cherchait chez quelqu'un depuis des années ? Me demande-t-elle.

Je ne réponds rien face à ça, parce que, qu'est-ce que je pourrai bien répondre à ça ? Je n'ai pas le temps de jouer aux devinettes. Comme je reste silencieux, elle continue.

- Il s'aime et vous aime plus que n'importe quoi ou qui sur cette terre, Will. Mais vous savez autant que moi qu'il y a une autre personne, avant lui, avant vous.

Mon silence ce prolonge, j'ai du mal à comprendre ce qu'elle essaye de me faire dire. Pourtant, j'ai l'impression d'avoir la réponse sur le bout de la langue, pourquoi ça me paraît si évident alors que j'ai moi-même du mal à former une idée ?

- Chacun a son propre passé. Chacun a ses propres faiblesses, vous en étiez une pour lui mais il en cachait une autre plus... Dévastatrice. Tellement dévastatrice qu'il avait du mal à en parler.

- Ne me dîtes pas que...

- Si.

Et là, tout se bouscule dans ma tête. Ce n'est pas possible. Mais ça me paraît si logique maintenant, cette photo dans ton livre, le fait que tu sois parti sans me prévenir, que tu ais pris ce bateau en direction de l'Europe. C'est quoi ce putain de bordel ?

- C'est... C'est Mischa. Mischa est en vie.

Inside your veinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant