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Arsinoé ne voulait pas venir. D'où son retard. Paule Tailleur attendait, les lèvres dans un café et les yeux sur un carnet. Elle lui fit signe de s'installer. Une seconde de plus pour finir sa tasse et entamer une nouvelle page où elle piqua quelques pointes de crayon.

— Pouvez-vous me donner votre nom ?

Arsinoé ne répondit pas.

— Votre prénom, au moins.

— Ariel.

Paule haussa un sourcil.

— Ce n'est pas masculin ?

— C'est mixte.

— Bon. Vous savez pourquoi nous sommes ici.

— Je suis désolée.

Arsinoé ferma les yeux, laissa l'obscurité la bercer.

— Je suis désolée de ne pas avoir parlé. Je suis désolée d'être restée à l'écart. Je n'aurais pas dû attendre. Je n'aurais pas dû...

Elle n'écouta plus ce qu'elle disait elle-même, laissant l'air quitter ses poumons jusqu'à ce qu'ils fussent douloureux, reprenant son souffle, recommençant.

La mâchoire fatiguée, elle se tut.

— C'était... intéressant ? Mais, madame, votre abandon parental n'est pas la raison pour laquelle je souhaitais vous rencontrer. Pas directement.

Arsinoé battit des paupières.

Deux semaines auparavant, Nicéphore avait été retrouvé par sa petite amie allongé dans son lit, le visage terrifié, des ecchymoses au cou et la gorge écrasée. Pas d'effraction, pas de désordre, pas de témoins, pas de signes avant-coureurs : les circonstances suggéraient l'intervention d'un tueur professionnel.

Un médecin débutant sans histoires, sans ennemis, n'aurait pas dû devenir la cible d'un coûteux assassinat.

— Nous cherchons un commanditaire, et un mobile. Pouvez-vous nous aider ?

Arsinoé déglutit. Paule insista :

— Quand on en parlait avec lui, je me disais que vous deviez être une femme mariée. C'est le cas ? Votre époux n'a pas supporté votre enfant illégitime ?

— Hum, non. Je vis seule avec mon père.

— Ah bon.

Paule le prit en note.

— Donc, vous ne vouliez pas d'enfants ?

— Mon père ne voulait pas que j'aie d'enfants.

Paule lâcha son crayon. Il brinquebala stupidement sur la table et acheva sa course au sol. Elle se contorsionna pour le récupérer.

— D'accord. Je suppose donc qu'il n'était pas ravi de l'existence de Nicéphore ? Des questions d'héritage peut-être ?

Arsinoé s'impatienta.

— Je répondrai à vos questions si vous répondez aux miennes.

— Dites toujours.

— Depuis quand un officier de police prend-il en charge des affaires touchant ses proches ?

Paule ricana, rangea son carnet, montra ses mains vides.

— D'accord, vous m'avez eue. Je ne peux rien retenir contre vous. Mais je vais devoir en parler aux collègues...

— Vous êtes bien sereine pour quelqu'un qui vient de perdre un ancien fiancé. Qui me dit que vous n'êtes pas la commanditaire ?

La jeune femme se laissa tomber sur le dossier de sa chaise, le soupir à la bouche.

L'oreillerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant