Secret d'une Rouée [En Pause]

Fragment 6

Je m'éloignai dans un coin de la geôle, et y plantai mes jambes fermement écartées. Je déboutonnai le pont de ma culotte, déroulai discrètement la pelote de tissu qui s'y trouvait et en sorti le cône de cuir ciré que tu m'avais transmis lors de ta première leçon de travestissement. Je rejetai la tête en arrière en expirant d'un air assuré. Le ruisseau s'écoulait à peine quand, par je ne sais quel instinct grégaire, des hommes se sentirent autorisés à me rejoindre, l'un à ma droite, puis deux, puis un troisième à ma gauche. Ils évitèrent soigneusement d'engager la conversation, de soutenir un regard ou de fixer nos organes respectifs. Un concert d'éructations, toux et sifflotements meubla le silence jusqu'à l'écoulement de leurs ondées. Ayant fini la première, je secouai mon cône en agitant le bassin, soupirai d'aise et refermai prestement ma culotte, espérant que le paquet de textile et de cuir resterait en place.

Quelques secondes plus tard, un garde ouvrit la porte et annonça d'une voix forte: "Messieurs vous êtes libres! Le roi est blessé, on l'a porté dans son appartement". Une rumeur de soulagement naquit du coin de la geôle et parcouru l'assistance.

Le garde remarqua les hommes toujours rassemblés dans la latrine improvisée et leva les yeux au ciel en agitant la tête.

"Dehors!"

Une fois passée la grille du château, il me fut impossible de trouver un cheval ou une voiture pour Paris. Toutes les montures étant réquisitionnées par des messagers partis annoncer la nouvelle de l'assassinat. Je t'écris donc cette lettre sur la table d'une méchante auberge versaillaise, en espérant qu'elle te parvienne par la prochaine malle-charrette. Mais je te quitte, je crois avoir reconnu le braillard de Saint-Gall, qui vient de trouver un carrosse. J'espère qu'il aidera un compagnon d'infortune!

Ta rouée

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Extrait d'Histoire de ma vie, par Jacques Casanova de Seingalt

Remonté dans ma voiture, et me trouvant fort heureux de m'y voir, un jeune homme fort bien mis et d'une figure faite pour me persuader me prie de le prendre avec moi moyennant qu'il payerait la moitié; mais malgré les lois de la politesse, je lui refusai ce plaisir. Il y a des moments où il ne faut pas être poli.

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Lausanne, le 10 janvier 1757

Ma petite rouée,

Tu as toujours été aventureuse, mais là... Tout d'abord, que diantre fais-tu à Versailles? Je n'ai pas financé un grand tour d'observation des tête couronnées dans leur état naturel! Que ne t'ai-je appris? Les puissants, qu'ils soient Bourbon ou Habsbourg, ne nous veulent rien de bon. Cela se prélasse dans des palais, cela se recouvre de perles et de dentelles, et comme tu le vois, cela saigne comme tout le monde! Je peux également te dire que la reine va à la selle et que la Pompadour a des menstrues douloureuses. Voilà, tu connais tous leurs secrets, plus besoin donc de hanter leurs antichambres, consacre toi à tes affaires.

Dois-je te rappeler que les finances familiales sont au plus bas? Ton train de vie a un coût. Refuser le mariage mais passer ses nuits à faire la noce: le paradoxe est certes piquant mais dispendieux. Tes créanciers ne t'ont pas oublié et continuent de frapper à ma porte. Ici on n'assassine peut-être pas de monarque, mais l'hiver est tout aussi rude et le bois vient à manquer. La maison devient glaciale et mes canailles rechignent à venir m'honorer. Certes ils me manquent, mais pas au point d'aller me déplacer chez eux par ce temps, j'ai ma fierté.

Ne tarde plus,

Luce

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Paris, le 14 janvier 1757

Chère Tante Luce,

Neige, anti-despotisme et pingrerie, vous voilà donc devenue une caricature helvétique!

Vous serez heureuse d'apprendre que j'ai rencontré Maître Aleaume, notaire de la rue de Condé, afin de retrouver le testament qui nous intéresse [fragment 8]

Vous allez une fois de plus me gronder, mais je me suis lancée à la recherche de ce Philibert Aspère, l'homme que je ne devais contacter qu'en cas de difficulté à Paris [fragment 9].