Le calme avant la tempête

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Depuis que je m'étais réveillée, quelque chose n'allait pas.  Je ne devrais pas me plaindre. Les voix avaient cessées. Plus un bruit. C'est calme. Beaucoup trop. Ce n'est pas normal. Et je ne comprenais surtout pas comment une simple tentative de suicide aurait pu suffire à les faire disparaître. C'est pas faute d'avoir tout essayé auparavant afin de les faire taire. Rien n'a fonctionné. Rien. Les psychologues m'ont toujours dit que c'est une maladie qui touche un certain nombre de personnes. La schizophrénie. Quel magnifique cadeau empoisonné. Mes parents se sont longuement posés des questions. Les premières années ils pensaient qu'il ne s'agissait que d'une technique enfantine pour attirer l'attention. Voyant avec le temps que cela ne s'améliorait pas ils m'ont envoyé voir de nombreux spécialistes. Ils ont demandé un nombre d'avis incommensurable ne voulant pas accepter la réalité. Hors le verdict est tombé. Ils ont tous conclus à cette maladie qui ne m'a laissé aucun répit depuis 15 ans de ma vie. Enfin bientôt 16. Bref, le problème est justement qu'aujourd'hui m'on cerveau ne me faisait plus rien entendre. Hors c'était bien la première fois...
Je ne dit pas que cela est mauvais... c'est perturbant. je n'ai pas l'habitude et ce silence me parait fort anormal. Suspect. Dangereux. Cela m'empêchait donc de réellement profiter de ces "vacances". Essayons de penser à autre chose. Penser comme cela afin de compenser l'absence n'allait pas m'aider à m'en sortir. Je savais très bien que dans quelques heures à peine un psychiatre allait venir me bombarder de questions et me proposer sa "solution". 

Grrroar. 

J'appuyais instinctivement ma main sur mon ventre. Je crois bien que je meurs de fin... ... ... ... Vraiment perturbant ... pas de petites voix dans ma tête pour me confirmer mes propos ou m'attaquer sarcastiquement. Je vais vraiment avoir du mal à m'habituer à être seule à présent.
Quoiqu'il en soit je mourais de faim et je ne savais absolument pas quelle heure il était, car on avait supprimé de ma chambre un maximum d'objets qui pourraient me mettre en danger. Je me levais donc afin de pouvoir trouver une horloge dans un des couloirs. Je m'avançais hors de la chambre, non sans difficulté. Mes jambes étaient lourdes. J'avais la sensation qu'elles étaient en plomb.  

"- Que faites vous dans le couloir mademoiselle ? m'interpella une voix à ma gauche.

Je me retournais alors vivement pour voir le visage bienveillant d'une jeune infirmière en blouse blanche.

- J'ai faim. Très faim... et euh bah euh je voulais trouver l'heure pour savoir dans combien de temps. Enfin voilà." Bafouillais-je dans la précipitation. 

- Il suffisait de nous appeler avec le bouton.

Elle souleva sa manche et regarda sa montre.

- Il est 11h30, m'informa-t'elle. Un plateau devrait vous être apporté bientôt. Vous feriez mieux de l'attendre dans votre chambre, me dit'elle, un sourire sincère aux lèvres, en se rapprochant de moi afin de m'inciter à faire demi tour. "

Je m'exécutais donc sans me poser de question et m'asseyais dans le fauteuil près de la fenêtre. Elle était toujours là. Elle s'assurait certainement que tout allait bien.

" - Merci pour l'heure. Çà devrait être plus facile de patienter. Je tenta un sourire qui ressembla certainement plus à une grimace.

-  C'est normal, je suis là pour ça. Si tu as besoin de quoique ce soit : question, conseil, parler ... Je suis là ! N'hésite pas. Tu n'as qu'à demander Kristie. 

- D'accord. Je m'en souviendrais.

Je détournais mon regard vers la fenêtre, attirée par l'envole d'un oiseau depuis le toit d'en face. J'entendis par la même occasion Kristie sortir de ma chambre. Comme cette dernière me l'avait indiqué, mon plateau repas arriva quelques minutes plus-tard, apporté par un homme ignorant totalement ma présence. Il le déposa et reparti aussitôt.  Je me jetais dessus. La nourriture ne volait pas haut. Elle n'avait pas grand goût mais je mourrais suffisamment de faim pour ne pas faire ma difficile. Et je dégusta mon repas dans le calme pour la première fois. Comme on le dit souvent : il y a une première fois pour tout.

                                                                                                   ⁂  

Il était dans les alentours de 15h00 quand le psychiatre, accompagné d'un interne, fit son entrée dans ma "superbe" chambre.

"- Bonjour mademoiselle COLLINS. Je suis le docteur MILLER et voici Adam, l'interne qui va vous suivre lors de votre séjour ici. Si vous avez besoin de vous confier en dehors de mes visites, n'hésitez pas à aller le voir.

- D'accord, répondis-je sans aucune émotion. Ça n'était pas une première pour moi. Ces discours me paraissaient donc extrêmement barbants.

- Hum. Bon. Apparemment vous allez mieux. Un infirmier viendra vérifier puis nous vous transférerons dans votre nouvelle chambre définitive. Vous pourrez vous y installer à votre aise.

Je ne pus m'empêcher de lâcher un petit rire sarcastique. MILLER releva la tête et me fixa alors d'un regard interrogateur tout en sortant un crayon de la poche de sa blouse.

- Qu'y a t'il de si drôle mademoiselle ?

- "M'installer à mon aise" dites vous ? Mais avec quelles affaires ? répliquai-je. 

Je le vis noter quelque chose sur son bloc note mais ignora royalement ma réponse.

- Passons à la raison qui vous amène ici. 

- Je m'y suis réveillée. A vous de me le dire.

- Ne jouez pas à ça mademoiselle COLLINS. Vous le savez aussi bien que moi. Tout ce qui m'intéresse c'est ce qui vous a poussé à  passer à l'acte.

- ...

- S'il vous plait. C'est pour votre bien. Tant que vous ne nous aiderez pas vous serez forcée de rester ici. C'est vraiment ce que vous souhaitez ?

- ... Les voix.

- Quelles voix ? me demanda t'il.

- Dans ma tête. Vous devez bien avoir mon dossier non ?

- Oui. Mais je préfère avoir votre point de vue. Continuez.

- Je n'en pouvais juste plus. Rien ne fonctionnait. Ça devenait de plus en plus invivable et personne ne me comprenait. Je n'ai pas de vie, pas d'amis et je me prend la tête en permanence. Ça cris, ça chuchote, ça me questionne, ça me donne des ordres, ça fait des bruits plus qu'étranges. C'est purement incohérent. Frustrant. Étourdissant. Angoissant. Douloureux. C'était la seule solution pour être tranquille. Pour que ça s'arrête enfin.

- Vous dites cela au passé... comme si ce n'était plus le cas ?

- Hum...

Dois-je lui dire ou non ? C'est plutôt étrange... je n'en avais jamais entendu parler avant. En même temps je ne vais pas pouvoir faire semblant éternellement. Les infirmiers vont bien se rendre compte que je n'ai pas autant de crises d'angoisse que d'habitude. Puis bon, c'est pas mes parents qui vont m'aider et je n'ai pas d'amis, alors comment je vais réellement pouvoir faire pour comprendre ce qu'il se passe ?

- Mademoiselle COLLINS ?

- En effet. Je n'entend plus rien. C'est vide, plus de voix autre que moi. Je.. c'est complètement fou, mais depuis que je me suis réveillée... je crois que je suis guérie. Dingue hein ?. Plus rien. Du tout.

Je m'attendais à de la compassion, ou tout autre sentiment que ce que je vis alors sur son visage. Celui-ci se tordit de colère.

- Mademoiselle ne vous moquez pas de moi ! C'est complètement impossible !! Arrêtez de dire n'importe quoi ! Si vous croyez vraiment que cela va vous faire sortir plus vite vous vous fourrez le doigt dans l'œil. C'est moi qui vous le dit ! Croyez moi, si vous continuez avec ces imbécillités vous allez rester bien plus longtemps que d'habitude avec nous ! Vous feriez mieux de coopérer mademoiselle COLLINS.

Et sur ces mots il quitta d'un pas lourd mais précipité ma chambre. L'interne complètement perdu me fit un sourire compatissant et se hâta de suivre le psychiatre.


Le voile de la folie //PAUSE\\Où les histoires vivent. Découvrez maintenant