Chapitre 10

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Toujours ces même sentiments. La colère, les regrets, la rage, la rancune. Je n'en peux plus. Jusque là, je vous ai sans doute parue normale, un brin Audacieuse, ex Sincère...Mais voilà la réalité; regardez la bien en face : Chez moi, la rage ne part jamais. Elle reste cachée un moment, bien enfouie sous mon cœur et mes poumons, glissée et tapie au fond de ma cage thoracique, de sorte que personne ne remarque rien, pas même moi. Puis, de façon inattendue, elle se manifeste. Elle monte de mes poumons et je ne peux que l'expirer comme un souffle de mort, à travers hurlements, violence, force et brutalité des gestes.

En face de moi, le leader flou aux yeux d'acier bleu. Tout autour de moi, des silhouettes. Floues elles aussi. La rage, la rage.

Quelqu'un prend la parole; je crois que c'est Quatre :

-Tu es prise, Hayleen, il n'y a pas de problème.

-Le tableau est une simple avertissement, novice, me fait Eric.

Je le regarde droit dans les yeux, bouillante, écumante :

-Oh, oui ? Un avertissement ? Tu sais quoi, monsieur le leader ? Des avertissements, j'en ai déjà eu une bonne dose. Oh, tu ne vois pas de quoi je veux parler ? Réfléchis donc. Il faudra faire plus pour m'impressionner.

A présent, j'attire l'attention de certains novices, pour ne pas dire une bonne partie. En voyant Eric s'approcher, je remarque que le mal est fait. Tant pis. Je suis en colère. Mon poing part.

Malheureusement, les excellents réflexes du leader lui permettent de stopper le coup que j'allais lui porter. Il me regarde alors plus cruellement que jamais, une pointe de moquerie dans sa voix :

-Novices, mêlez vous de vos affaires. Si j'en revois un se permettre de ce que celle-ci vient de faire, il sera éjecté.

Il me prend alors par le bras et m'entraîne hors de la salle. Mes yeux doivent briller. Mon menton doit trembler. Je suis parcourue d'adrénaline. Les couloirs se soustraient à ma vue tandis que nous marchons rapidement. J'ai le souffle court.

-Où.... ?

-Je t'emmène chez Max.

-Non, dis-je en essayant de me dégager. Je n'irais très certainement pas le voir.

Je réussis à me dégager violemment, mais c'est seulement du à l'énergie de ma rage. Je fais volte face, et court, court. Sans m'arrêter. J'entends des pieds marteler le béton derrière moi. Je me retrouve devant la porte du dortoir, m'y engouffre et claque la porte, que je bloque avec mon dos. Je dois alors lutter tandis qu'Éric essaye d'entrer. Le fer frotte mes récentes blessures, et je sens que certaines sont sur le point de se rouvrir. J'ai tellement mal. Je lutte encore quelques secondes, mais c'est trop. Je trébuche et, pendant que la porte s'abat sur le mur, je ma jette sous un lit, bien que ce ne soit pas une cachette très maline. Ma joue s'appuie contre la pierre froide, et je ferme les yeux. La douleur est revenue. Je sens un liquide froid couler de mes blessures. Les pas s'approchent. Heureusement pour moi, j'ai bien choisi mon lit : il est dans un coin, légèrement soustrait à la vue d'Eric. Néanmoins, il sait que je suis ici. Je pense qu'il s'est arrêté pour observer la pièce. Soudain, je sens une présence; alors j'ouvre les yeux. La terreur qui me submerge à ce moment là est incomparable; Eric est accroupi, tout près de moi, et me regarde.

-Pas très subtile, dit-il.

Il me tire sans ménagement d'en dessous du lit, et j'atterris sur le côté, le souffle coupé. Je sens mon t-shirt, -le sien en l'occurrence, il me semble-, coller à mon dos poisseux. En sang. J'essaye de ne plus bouger et d'oublier la douleur. Ses mains se glissent sous mes aisselles et me soulèvent. Oh, non, pas encore. Mais je n'ai plus ni la force d'argumenter, ni la force de me débattre.

Rose noireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant