Chapitre 1 (2/2)

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Michael vide le verre d'une traite. Deborah hésite une seconde puis lui donne le second, qu'il boit à peine plus lentement. Elle se cale dans son fauteuil, fait glisser entre ses doigts quelques boucles rebelles et saisit le fer à lisser pour terminer son travail.

— C'est dingue Deb, lâche Michael. Je n'arrive pas à croire à ce qui est arrivé. Je ne sais plus qui je suis, je suis perdu...

La fin de sa phrase se transforme en gémissement. Deborah fronce les sourcils.

— Calme-toi, Michael. Reprends tes esprits et raconte-moi ce qui s'est passé depuis le début.

Michael hoche la tête. Il prend une grande inspiration et commence :

— Cette nuit j'ai fait un rêve étrange et terriblement réel. Dans ce rêve il y avait un homme, un mongol. Tu sais qui sont les mongols, Deborah ?

— Non, répond-elle en lissant une mèche brune.

— Moi non plus je ne le savais pas. Je n'avais jamais entendu parler d'eux avant, je te jure ! insiste Michael. Mais l'homme de mon rêve m'a soufflé ce mot. C'était un cavalier élevé dans le désert, un guerrier des temps anciens. Il a unifié les tribus, conquis la moitié du monde, fait plier les plus grands empires. Et moi, dans mon rêve, je regardais ce guerrier extraordinaire, et je le reconnaissais. Je le voyais en moi, je connaissais sa nature, son histoire, je communiais avec ce stratège. Je faisais corps avec lui. Et alors j'ai réalisé que cet homme, c'était moi !

Michael tape du poing sur la table basse et manque de renverser le verre qui y est posé. Il s'éponge le front et reprend plus doucement :

— Je me suis réveillé en sursaut. Il ne me restait plus de ce rêve qu'un vague malaise et ce mot : Mongol. Alors j'ai allumé mon ordinateur et j'ai cherché ce nom sur Google. Les mongols sont bien réels, Deborah. J'ai lu que l'un d'eux, Gengis Khan, avait rassemblé les tribus au douzième siècle et avait conquis l'Asie à la tête d'une poignée de guerriers. Tout mon rêve m'est revenu en mémoire. C'était lui. L'homme de ma vision. Gengis Khan.

En prononçant ces mots Michael sent les poils de ses avant-bras se dresser. Deborah n'a pas interrompu son lissage de cheveux.

— Bon, tu as fait un mauvais rêve, lui dit-elle. Tu as sûrement entendu le nom de mongol il y a longtemps, et tu l'as associé à de dangereux guerriers. Va savoir pourquoi, c'est ressorti hier soir. Il n'y a pas de quoi s'affoler.

Michael secoue la tête.

— J'ai essayé de me dire la même chose que toi. Je me suis levé, je suis sorti faire les courses comme tous les samedis. Je suis allé au Wal-Mart, j'ai fait le tour des rayons, j'ai payé. Je m'apprêtais à sortir, mes bouteilles de lait sous le bras, quand un homme m'a bousculé pour passer devant moi. Il devait être pressé. Et là... là...

Michael se met à trembler.

— Tout à coup le contrôle de mon corps m'a échappé. Il a pris possession de mon esprit. L'homme de mon cauchemar d'hier, ce Gengis Khan. Il était là, en moi. Il me contrôlait. J'étais paralysé. Je sentais toute la morgue de ce chef de guerre pour qui l'homme qui m'avait bousculé n'était rien d'autre qu'un subalterne qui lui aurait manqué de respect. Il avait contrarié le chef suprême des mongols, la loi voulait qu'il meure.

Deborah suspend son geste, une mèche de cheveux entre ses doigts. Elle fixe Michael.

— J'étais terrorisé et je ne pouvais rien faire. Je me suis vu attraper l'homme. Gengis Khan a ordonné à mes mains de se refermer autour de son cou, a forcé mes muscles à se contracter. L'homme battait des pieds et essayait de me frapper, il me faisait mal, mais Gengis Khan n'y prêtait aucune attention. Il continuait à serrer. L'homme suffoquait, les veines de son cou gonflaient et son visage devenait rouge. La panique emplissait ce regard. C'était terrible. Alors même que j'essayais de reprendre le contrôle de mon corps, je ressentais l'exaltation du Khan tandis que sa justice était faite.

Michael s'interrompt, perdu dans ses pensées.

— Je ne savais pas que j'avais la force de tuer un homme, reprend-il. Mais le mongol m'a fait serrer et serrer encore, et à un moment j'ai senti sous mes doigts quelque chose craquer. L'homme est mort sur le coup. Soudainement, je suis revenu à moi. Des gens criaient. J'ai vu un groupe de la sécurité du magasin qui courait vers moi à travers le parking. Tout cela n'avait duré que quelques dizaines de secondes. J'ai émergé de cette transe, lâché le corps de l'homme qui s'est affalé au sol, et j'ai couru de toutes mes forces. Je savais que s'ils me rattrapaient, je finirais mes jours en prison. Peut-être même qu'ils me condamneraient à mort. J'ai étranglé un homme de mes propres mains, à la vue de tous !

La gorge de Michael se serre.

— J'avais une longueur d'avance sur les gardes et j'ai réussi à les semer dans les rues. Mais des voitures de police les ont remplacés, et je savais que tôt ou tard ils me rattraperaient. Deborah, lui dit-il avec fièvre en lui saisissant les mains, tu es ma dernière chance.

La femme sursaute à ce contact et dégage ses mains.

— Tu n'es pas sérieux..., commence-t-elle.

— Je t'en supplie, Deborah, crois-moi ! Aide-moi ! Tu me connais, tu sais que je ne ferais de mal à personne ! C'est ce type qui a pris le contrôle de mon corps, j'ai essayé de résister !

Deborah lève la main et Michael se tait. Elle est livide. Elle a entendu les sirènes de police quand il est arrivé, a lu dans ses yeux la panique d'un homme traqué. En quelques instants, elle s'est convaincue de la véracité de ce récit ahurissant.

— Tu viens chez moi, poursuivi par la police, m'annonçant que tu as étranglé un homme et plaidant pour ta défense que tu es possédé par un chef de guerre qui t'a obligé à faire ça ! Et tu veux que je t'aide ? Qui me dit que ton assassin ne va pas reprendre le contrôle tout à coup et me faire subir le même sort qu'à ce malheureux qui t'a bousculé ?

Deborah saisit l'enjeu de ses paroles au moment où elle les prononce. Elle pâlit encore, manque de céder à la panique. Si elle est réellement en train de parler à un schizophrène capable de se transformer à tout moment en meurtrier, elle n'a pas intérêt à l'attaquer de front comme elle vient de le faire.

Avec le ton apaisant qu'elle utilisait pour convaincre sa petite sœur d'aller dormir lorsqu'elles étaient enfants, Deborah dit :

— Tu vas t'en sortir Michael, ne t'inquiète pas. On va expliquer ton problème aux juges, et ils comprendront. On trouvera un médecin qui s'occupera de toi, qui fera sortir ce mongol de ta tête. Tout va bien se passer...

— Tu ne comprends pas Deborah. Je ne suis pas malade, je n'ai pas besoin de traitement. Et la dernière chose à faire serait de me livrer aux juges, ils me condamneraient ou m'enfermeraient dans un asile ! Ce mongol ne reprendra jamais le contrôle de mon esprit ! Tu le crois, hein Deborah ? Tu le crois, que c'est fini, que je vais me réveiller et que cette journée n'aura été qu'un horrible cauchemar ? Dis-moi que tu le crois, la supplie Michael.

Deborah est désemparée par la détresse de son ami :

— Ne t'inquiète pas Michael, on va trouver une solution.

— Aide-moi à fuir loin d'ici, dans un endroit où ils ne me retrouveront pas.

— Tu peux fuir, mais la police a des agents partout aux États-Unis, ils finiront toujours par te retrouver.

— Alors je quitterai les États-Unis, je partirai pour l'Europe, l'Asie, l'Afrique, peu importe mais je partirai ! Gengis Khan ne me suivra peut-être pas si je pars assez loin.

Deborah ignore cette remarque.

— Tu ne peux pas prendre l'avion puisque tu es recherché. Il faut un moyen de transport où on ne contrôlera pas ton identité, le train ou la voiture par exemple. Tu peux aller vers l'Amérique du Sud. Mais tu risques d'être reconnu en chemin.

— Non, l'Amérique du Sud est trop proche, ils me retrouveront là-bas. Je dois partir plus loin !

Deborah se tait un instant.

— J'ai peut-être une idée.


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Et voilà pour l'entrée en matière avec Genghis Khan, j'espère qu'elle vous a plu. Dans le prochain chapitre, retour en France... Louis XIV se révèle au beau milieu d'un festival de musique !

Pauline

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