Renaissance

Chapitre 7 (2/2)

— Bien, dit Napoléon. Nous avons donc l'honneur d'accueillir parmi nous Louis XIV, le Roi-Soleil, l'un des plus illustres souverains que la France ait jamais connu.

Les convives se sont tus et me regardent avec intérêt. Ce qualificatif de Soleil que la postérité a décidé d'accoler à mon nom me plaît. Je le conserverai lorsque je serai au pouvoir.

Zarathoustra-Confucius est installé en face de moi. Devant lui est posé un gros livre noir que je reconnais comme étant la Charte de l'Ordre.

L'assemblée l'a certainement nommé Gardien de la Charte. Ce rôle engendre de grandes responsabilités : il doit tenir à jour les fiches justifiant la Réincarnation de chaque Membre en recherchant les informations d'importance découvertes après la mort des Élus. En outre, il doit traduire les dates apparaissant dans la Charte selon le calendrier moderne. Celui qui a été Zarathoustra et Confucius connaît certainement les mystères de la Charte mieux que quiconque.

Dans mon esprit, Hadrien semble troublé.

— J'ai l'impression de connaître le visage de ce Confucius, dit-il, de l'avoir déjà vu dans la vraie vie.

Je ne vois pas comment cela serait possible, Hadrien doit s'égarer. Je pourrais consulter la Charte pour lire les informations concernant l'Hôte de Zarathoustra. Peut-être est-ce un personnage de renom qu'Hadrien aurait déjà vu. Mais en l'occurrence, ni Confucius ni Zarathoustra n'étant français, sa fiche ne figurera pas dans la Charte française. De toute façon, je ne pense pas que le jeu en vaille la chandelle.

L'homme au bicorne reprend :

— Laissez-moi vous présenter les convives ici présents. Je suis Napoléon Bonaparte, de mon temps empereur des Français et actuellement dirigeant temporaire de la faction française de l'Ordre. À ma gauche...

— Depuis quand l'Ordre a-t-il un dirigeant ?

L'empereur se raidit :

— Les choses changent beaucoup, voyez-vous. Les quatre personnes autour de cette table, cinq avec vous, sont toutes des Réincarnations. L'une d'entre nous n'a pas pu se libérer ce soir, mais elle sera là la semaine prochaine...

— Six Membres en France ? Cela est impossible ! Le Secret n'est transmis qu'à une poignée d'êtres par époque. Le processus de Réincarnation est censé durer des millénaires... Le Secret a-t-il été divulgué au peuple ?

— Rassurez-vous, le Secret est bien gardé, intervient le jeune homme au crâne rasé assis à ma droite. Pierre de Ronsard, pour vous servir, se présente-t-il.

Je suis estomaqué. M'est-il vraiment donné de voir le légendaire Ronsard ? L'enveloppe corporelle de son Hôte n'est pas à son avantage. Des poils de barbe mal rasés grisent son menton. Il porte un débardeur noir qui moule un torse déformé de muscles. Ses biceps sillonnés de veines bleutés m'évoquent des cuisses de jambon.

— Waow ! s'exclame Hadrien dans mon esprit. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils ne se transmettent pas leur look de génération en génération, dans la famille Ronsard !

Le poète intercepte mon regard.

— Excusez mon descendant pour ses goûts vestimentaires, dit-il d'un air gêné. J'ai choisi de lui céder sur certains points afin de garder le contrôle sur d'autres.

Malgré les dires du poète, j'ai l'impression qu'il ne déplore qu'à moitié cet étalage de virilité.

— Ronsard est très indulgent avec son Hôte, intervient Napoléon, sévère. Et son Hôte est très peu soucieux de la loi. Heureusement que nous sommes là, sans quoi c'est en prison et non aux Invalides qu'il aurait passé la soirée.