Behind Your Voice [H.S]

Chapitre VI

[Chers lecteurs, la musique en média est à écouter en boucle, laissez vous aller...]

« Dans la musique comme dans la peinture et même dans la parole écrite, qui est cependant le plus positif des arts, il y a toujours une lacune complétée par l'imagination de l'auditeur. » - Charles Baudelaire , L'art romantique, Richard Wagner, XX, I.

***

La silhouette était immobile, sombre, presque ancrée au milieu des gouttes de pluie et de la nuit. Un épais brouillard surchargeait l'atmosphère et je progressais à petits pas. Mon esprit semblait être perturbé par le fait d'avancer sans même pouvoir appréhender le sol. A vrai dire, je progressais dans le complet inconnu, ne reconnaissant pas le lieu où je me trouvais, la notion de l'espace disparaissait tout bonnement. La seule chose capable de garder mon attention était cette fameuse silhouette.

Lui.

Lui qui me tournait le dos obstinément alors que je lui criais de se retourner. Lui, qui m'obsédait intensément. Lui, dont j'ignorais le visage  et le nom. Il m'attirait vers lui d'une manière surnaturelle et incompréhensible. A présent que la distance se réduisait, il semblait réellement pétrifié, son corps ne laissait paraître aucun mouvement, si bien que j'en venais à me demander si, du moins, il respirait. Je continuais à tendre mon bras et à l'appeler désespérément. Mes pas s'accéléraient. Lui ne bougeait pas, n'émettait pas le moindre sons... Je ne renonçai pas pour autant, et piétinai le sol, courrais, tendai le bras, criai. En vain. La distance entre le bout de mes doigts et sa silhouette s'agrandissait et prenait de l'ampleur à chaque nouveau pas que je marquais. « Attendez je vous en pris !!! » Glapis-je. Mes paroles firent échos, passèrent devant lui et résonnèrent encore plus loin.

Soudain, quelque chose de tiède se posa sur mon épaule, mes yeux s'ouvrirent grand : la silhouette disparu dans les méandres de l'espace, et une lumière claire et éblouissante remplaça le noir.

« Kay ? » Demanda une voix des plus familière.

Son visage se dessina au dessus du mien, flou d'abord, distinct ensuite. Jason me fixait avec une pointe d'anxiété dans ses orbes brunes. Je feignis de réfléchir et de prendre conscience du lieu où je me trouvais, allongée dans l'esprit le plus confus. Mais le brun me donna une réponse bien plus immédiate. « Tu as dormi dans le canapé ? » S'étonna t-il. Je tournais lentement la tête, le cou un peu endolori. « Apparemment. » Dis-je d'une voix enrouée.

« Je faisais trop de bruit ? » Poursuivait-il. Hum, que devais-je répondre à cela ? Cette idée me semblait être une bonne raison, un alibi, un moyen d'esquiver ses potentiels doutes à propos de mes activités nocturnes. Je n'avais aucune envie d'une discussion sur ce point qui, connaissant Jason, pourrait engendrer une certaine tension. « Oui, et je voulais écrire un peu pour mes chansons . » Brodais-je en esquissant un petit sourire confiant. Jason eut un regard dubitatif en entendant cette réponse, « Ah oui ? Tu écris la nuit maintenant ? » s'étonna-t-il.