L'Assassine de l'Ombre

Chapitre III

Cela fait désormais plusieurs heures que je marche dans la forêt. La chaîne qui pend à ma main droite frappe ma cuisse à chacun de mes pas. La fatigue commence à se ressentir, mais je ne devrais plus être très loin. Encore une heure de marche, deux, tout au plus. La pluie s'est lentement transformé en flocon de neige. Je me rapproche des chaînes de montagnes du Llyk.

La lumière du jour commence à inonder la forêt lorsqu'enfin, le manoir apparaît. C'est une sublime demeure, perdue au milieu des bois. Les pierres grises sont recouvertes de plantes grimpantes montant jusqu'au toit. Les tuiles noires sont recouvertes de feuilles humides et d'une mousse verte émeraude qui s'intègrent parfaitement au décor. Personne ne peut imaginer qu'une magnifique habitation se trouve là, tant elle se fait discrète et se confond avec l'environnement qui l'entoure.

J'espère que Razym l'aura déjà rejoins. Il y vient afin de passer l'hiver, loin des intrigues assommantes de la cour. Le reste de l'année, il habite dans une résidence située aux alentours de la capitale, Rubilacs.

Je m'approche de la porte massive et saisie le lourd heurtoir en fer forgé. Il représente un démon ou une créature diabolique avec deux petites cornes et un regard qui vous transperce. Lorsqu'on le fixe, un profond mal-être se fait ressentir. Il a sans doute été mis là pour repousser les curieux.

Je frappe et, comme personne ne vient m'ouvrir, je tente de manipuler la poignée. Évidemment, la porte est fermée à double tour, et je n'ai rien pour forcer la serrure. Il faut portant que je pénètre à l'intérieur, même si Razym n'est pas ici.

Je recule un peu et observe la façade de la bâtisse. Les pierres taillés et le solide lierre grimpant m'offrent de bonnes prises. Je pourrais peut-être monter et casser une fenêtre. De toute façon, je n'ai pas vraiment le choix. Je commence alors mon ascension. Ce n'est pas la première fois que je fais ça et les nombreux points d'appuis me facilitent l'effort. J'arrive au niveau d'une petite fenêtre, que je fracasse avec mes fers en me protégeant le visage. Je me hisse par l'ouverture et pénètre alors dans une petite pièce.

De nombreux documents et lettres officielles jonchent un bureau en ébène vernis. Évidemment, ils datent tous de plusieurs mois car c'est une résidence secondaire. Une lettre attire immédiatement mon attention. Elle porte le sceau du Roi Oldrin. Ma curiosité est trop forte :

"Mon ami Razym,

Votre loyauté sans faille n'a pas été oublié et je vous remercie pour toutes ces années de services. Je sais que désormais, vous souhaitez vous reposer mais j'aimerais vous demander encore un service. Bien sûr, vous serez récompensé comme il se doit.

J'attends votre réponse, qui, je l'espère, sera positive.

Roi Oldrin''

Razym avait été le fidèle général des troupes royales pendant plusieurs années. Il a mit fin à la Guerre Sanglante, qui avait fait rage dans tout le royaume pendant treize longs mois. Cette confrontation avec le royaume voisin, situé plus au nord, par delà la mer, avait mis le pays à feu et à sang, l'affaiblissant comme jamais auparavant. Tout a dû être reconstruit. Après cela, le roi lui a accordé du repos. Razym a ensuite monté un groupe secret d'assassins. Si l'on souhaite trouver un contrat, on peut passer par lui, ce qui nous facilite la recherche.

Soudain, un bruit me ramène à l'instant présent. Le plancher craque de l'autre côté de la porte. Mon cœur s'accélère, et cogne contre ma cage thoracique. Mon sang, chargé d'adrénaline, ne fait qu'un tour dans mes veines. Est-ce Razym, ou quelqu'un d'autre ?

Je m'approche lentement de la porte, afin de limiter les craquements du plancher. Je m'arrête à quelques pas lorsque la porte s'ouvre, et une silhouette se découpe dans l'encadrement. Un homme pénètre dans la pièce et me dévoile son identité.

Il a des cheveux sombres et frisés ramenés en une petite queue-de-cheval sur la nuque, une barbe soigneusement sculptée, un nez droit et pointue, des yeux noirs brillant d'intelligence. Mon ami Razym apparaît, armé d'un poignard incrusté de rubis. Son regard, d'abord menaçant, s'adoucit et un sourire se dessine sur son visage après qu'il m'ait reconnue.

- Ça alors ! dit-il en m'attirant à lui et en m'embrassant doucement sur la tempe. Ma petite chérie.

- Salut Razym, lui répondis-je avec un soupir de soulagement.

- Mais qu'est-ce que tu fais là ?

- J'ai quelques petits problèmes, lui répondis-je en levant mon bras pour lui montrer mes fers.

Je lui raconte alors tout ce qui m'est arrivé ces derniers jours tandis qu'il me retire mes entraves.

- Mais comment on t-il pût te retrouver ? Je croyais que ton contrat c'était bien passé !

- Je me pose la même question. J'ai accompli la mission comme il fallait, personne ne m'a vu, j'en suis certaine.

Il fronce les sourcils et se reporte son attention sur les fers. Enfin, un petit ''clic'' se fait entendre. Me voilà libre, les poignets ensanglantés et douloureux, mais libre.

- Merci Razym, tu es mon sauveur.

- De rien, petite chérie. Tu sais bien que je suis toujours là pour toi. Alors, qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ? me demande t-il en me nettoyant mes blessures.

- Je ne sais pas. Je pense me trouver une planque et attendre que les choses se tassent avant de retrouver Sam.

- C'est en effet la meilleure chose à faire. Mais j'ignore si le roi abandonnera un jour les recherches. Tu as tout de même assassiné la reine Élinore !