2: inconnu

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Alors que la pluie ruisselle sur ma peau, je pleur, comme si cette eau venue d'ailleurs avait le pouvoir de laver ma peine, d'emporter avec elle les souvenirs, d'effacer la peur tout simplement. mon coeur bat la chamade,  ma poitrine et serrée et malgré ma volonté l'air peine à  entrer dans mes poumons,  je suffoque presque tant la douleur m'enserre la gorge comme un étau aussi invisible que mes blessures. 

C'est alors qu'une chaleur vient se propager dans mon corps. Perdue dans mes pensées je ne sursaute pas, je ne comprend pas tout de suite d'où cela provient.
Agréable sensation que celle du contact physique, j'ouvre les yeux lentement.
Ils vont instantanément à la rencontre de deux prunelles sombre, deux pupilles interrogatrices. Elles me sondent, bravant la pluie pour m'apporter ce contact dont j'ai tant besoin.

Je voudrais le remercier. Dire merci. Merci de m'avoir vu. Merci d'être là. Merci de me sortir de ces souvenirs enfermés derrière mes paupières qui me plongent dans le noir.

Mais je ne peux pas.

Je le regarde, je cherche à comprendre. Qu'attend il de moi? Qui est-il?
Son visage est peint de blanc, ses sourcils noir charbon, ses lèvres rouge carmin.
Son maquillage n'est plus qu'une oeuvre abîmée par l'orage.
Comme si les traînées sombres laissées par les gouttes faisaient écho à mes propres larmes, il parait aussi triste de que moi.

Sa main se porte à son béret, il me fait une révérence en ôtant son couvre chef.
Je suis hypnotisée par ce pierrot, ce mime, cet inconnu qui ne m'offre pas de mots mais de simples gestes.

À nouveau il tend le bras dans ma direction, il accompagne ma main sur mon coeur, sourcils froncés.
Puis il la reprend, se saisissant de son contenu invisible. Il se concentre, ses mains se mouvant, cherchant à réparer un puzzle que seul lui voit.

Puis il sourit, un éclat victorieux, ses yeux s'illuminent, virant du bleu nuit presque noir à quelque chose de plus doux.
Je le regarde, fascinée par le spectacle. 

Il me montre, il sautille, tourne sur lui même, témoin de sa fierté à avoir réussi.
Je ne comprend pas, mais je suis ébahie par ce drôle de personnage, hors norme.

Il se fige, me montre l'intérieur de sa main, m'intimant de m'approcher. J'ai beau regarder je ne vois rien.

Je secoue la tête, je ne sais pas ce que je dois observer.

Alors il claque des doigts.

Une idée!

Voilà ce qu'il me mime à présent, j'ébauche un sourire signe de mon assentiment.

Dans une question silencieuse, il me demande ma main.
Je la tend tremblante, peu habituée à ce genre de contact. Il s'en saisi dans une extrême douceur, ses gestes ne sont que délicatesse, avec précaution il dépose le contenue de sa main dans ma paume.
Il n'y a rien et pourtant il y prête une immense attention, comme si elle recelait un trésor d'une grande fragilité.  
Je fixe nos mains, la sienne grande et fine recouvrant la mienne frêle et abimée, les deux abritant je ne sais quel mystère.

Il ne bouge plus, je n'ose relever les yeux, j'ai envie de prolonger ce moment hors du temps, hors de la réalité. 
Pourtant de son autre main il saisi mon menton et m'oblige à lever le regard.
Son expression est sérieuse, ses trais sont fins cachés sous l'épais maquillage,  j'essaye de lire dans ses yeux. 

Il me montre du doigt puis sa main passe devant son visage.

La tristesse.

Suivant le même schéma il recommence.

La peur.

Une dernière fois.

L'interrogation. 

Je cherche à comprendre parle t'il  de lui  ou  de moi,  ces émotions font échos à  ce que je ressens actuellement. M'a t'il observé tout ce temps?  Je n'étais donc pas seule dans cette foule d'inconnus.

Accompagnant ma main il l'a pose sur ma poitrine.

Et là je le sens.

Je comprends.

Mon coeur, je prends conscience de ses battements, profonds, réguliers. 

Je secoue la tête incrédule. La crise d'angoisse a disparu,  mon corps entier s'est  apaisé. 

Comme s'il devinait ma surprise  il repasse la main devant son visage, et cette fois m'offre un sourire éblouissant.

Ma main toujours dans la sienne il me gratifie d'un baiser délicat sur mes doigts, ses lèvres ne me touchent pas et pourtant je ressens un frisson. Il  me retourne ensuite vers la dame de fer et souffle son baiser dans sa direction.
Je regarde ce souffle invisible s'éloigner,  j'y  met toute mes angoisses et essaye de me convaincre qu'elles peuvent s'en aller aussi facilement. 
Je reste un instant interdite à observer ce doux mirage , il ne pleut plus, il ne craint rien.

Quand l'air frais m'enveloppe je fais volte face. Personne. Je suis seule sur le parvis. Je n'ai pourtant pas rêvé, il était là. Instinctivement je place ma main sur mon coeur, ses battements m'apaisent. Depuis combien de temps n'avais-je  pas ressenti cette émotion qui donne à cet organe son pouvoir si particulier.

Peut-être un  jour guérira t'il? 

Maux pour motOù les histoires vivent. Découvrez maintenant